La suite pour mila et Farouja sanslsou. Euh ! Je croyais être le - TopicsExpress



          

La suite pour mila et Farouja sanslsou. Euh ! Je croyais être le seul fauché sur terre ! Mince ! Nous allons devoir nous partager le trône alors ? Après le café, elle fuma une cigarette en silence, posant sur moi un regard, me faisant songer qu’elle envisageait que sa vie, dépendait de son intensité. Oui ! J’avais déjà vécu ça, trois années auparavant. Ce souvenir tragique, était encore présent, et toujours autant douloureux, dans ma mémoire. Nelly, me parlait avec ses yeux qui tantôt pétillaient de joie, tantôt devenaient ténébreux. - Vous m’avez demandé, la raison pour laquelle, je ne me laisse jamais aborder facilement, pour répondre tardivement à votre question. Honnêtement, à présent je vous la dois, cette réponse. _ Vous n’êtes pas obligée… _ J’ai été fiancée, éludât-elle ma tentative, de ne pas la mettre dans l’embarras. Pas avec un militaire, s’empressa-t-elle de préciser, tout en faisant tomber la cendre de sa cigarette, dans le cendrier. Un ami d’enfance qui le resta, jusqu’à ce qu’il aille, en faculté de médecine à Montpellier. Nous avons fait ensemble, un bout de chemin, de l’âge de quatorze ans, jusqu’à ce qu’il découvre les immenses avantages, ainsi que les plaisirs modulables, de la liberté. Nous venions de perdre ma mère, et mon père, ne s’en relevait pas. Je suis devenue, comment dire ? Beaucoup moins présente, et attrayante. Nous ne nous sommes, plus jamais revus. J’avais mûrie d’un coup, voyez-vous ? Je m’occupais de mon père, et de Greg. Lorsque j’ai perdu mon frère, tout a basculé. Ce n’est pas compatible, avec une vie sentimentale, tous ces drames successifs. Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier, prenant tout son temps, afin de ne laisser vie, à aucune braise. - Ce garçon, fut mon premier chagrin d’amour, reprit-elle, avec un sourire triste. Depuis lors, c’est le souvenir de cette déception sentimentale qui me motive, à demeurer seule. Je ne voudrais plus, avoir à revivre une telle chose. Alors, j’évite les garçons, comme s’ils incarnaient, le bacille de la peste bubonique. - Je mettais cela, sur le compte de vos deuils successifs, exclusivement, depuis un long moment. Mais à présent, je perçois mieux… le… Ce qui vous oriente, je veux dire. - Non ! Vous vouliez dire, je comprends mieux… le message. - Si vous voulez, en effet ! - Bien alors ! Je vous permets de me raccompagner, jusque devant le porche de mon immeuble. Dois-je vous indiquer l’adresse ou bien, êtes-vous d’ores et déjà informé ? Je n’habite pas très loin d’ici, sur la place de l’arène. - Hum ! Je vous ai suivie des yeux, plus d’une fois. Vous arriviez toujours à pieds, en traversant cette grande place. C’était trop facile. Nul besoin, de me renseigner. - Bien observé, Lieutenant ! André, a confié à Soumaya qu’il entreprendrait tout ce qui sera de son possible, pour vous convaincre de le suivre, dans sa nouvelle formation. Il affirme que vous aussi, vous êtes fait pour ça. Il doute seulement que vous en ayez, pleinement conscience. Je me dois de l’avouer, bien à regret. Il n’a peut-être pas, tout à fait tort. Bien à regret, répéta-t-elle, alors que debout, nous attendions son manteau. Toni, s’empressa de le lui apporter, l’aidant galantement, à le passer. . - Vous avez appréciés la pizza ? demanda-t-il, ses petits yeux noirs de souris stressée, nous jaugeant attentivement. - T’inquiète, répondis-je. Le jour que je te dirais, « ce n’est pas bon », tu pourras te trouver un autre job. Que ferais-tu, le cas échéant ? - Prends le bras de ta belle, et va affronter le froid, ça te rafraichira les idées, strounzo ! Et n’oublie pas, demain soir, dix-huit heures, dit-il, faussement bougon, nous poussant dehors. Nous avons marché en silence, dans le froid glacial de la nuit, sans croiser âme qui vive. Elle habitait dans un immeuble cossu, dont le porche s’ornait d’armoiries, indiquant un ancien hôtel particulier, du siècle dernier. - Eh bien, voilà ! Nous y sommes, dit-elle, tout en se triturant les doigts. Etais-dû au froid ? Je me souviens d’avoir souri discrètement, car je savais très bien qu’il n’en était rien. L’horloge d’un bâtiment officiel, en phase de réhabilitation, nous indiqua, vingt-trois heures trente, sur son cadran lumineux. - Le temps est vite passé, n’est-ce pas ? fit-elle observer tristement, croisant les bras contre sa poitrine, pour se protéger du froid... J’aurais voulue qu’il s’éternise, le temps. Demain, j’aurai une rude journée. Je dois effectuer, un stage de trois semaines, en chirurgie. Le test de la mort subite, dit-elle, en s’efforçant de rire. - Le temps, est le pire ennemi des hommes. Le test de la mort subite ? C’est quoi, au juste ? - Bah ! Si je tourne de l’œil, en voyant comment est fait l’intérieur d’un corps humain, je suis virée de la liste des prétendantes à la chirurgie. Je deviendrais, une bonne infirmière en gériatrie, croyez-vous ? Elle ne m’accorda pas le temps de réponde. Jusque-là, poursuivît-elle, je n’ai reniflée que quelques vilaines petites odeurs de pansements, et de blessures purulentes, mais pas encore de celles issues, de véritables plaies béantes, pratiquées en direct par un bistouri. Il faut un début à tout, Max. - Vous ne vous évanouirez pas ! - Ah bon ? Vous m’accordez beaucoup de maitrise de moi-même. Qu’est-ce qui vous convainc, à ce point ? - Je ne sais pas. Je vous vois et… Quelque chose, me le murmure à l’oreille ! Il émane de vous, une force prodigieuse. Elle émit un profond soupir, avant que yeux baissés, elle s’approche un peu trop dangereusement de moi. Elle ne releva pas complètement la tête, mais seulement ses yeux expressifs, emplis d’un trouble, laissant présager la suite - Nous y voilà ! redit-elle, avec une intonation dans la voix, venant parapher ma pensée. Ses lèvres brulantes malgré le froid torride, s’emparèrent des miennes, avec une douceur incomparable, et l’expression d’un désir, trop longtemps contenu. Le monde autour de nous, aurait bien pu alors s’annihiler, dans un fracas sans commune mesure, et se voir englouti par la volonté de Dieu, sous un déluge, encore plus dévastateur que le dernier, sans que pour autant, nous en éprouvions le plus infime regret, ni même une parcelle de terreur. L’univers dans toute sa splendeur, ses zones les plus retirées, les plus mystérieuses à la perception humaine, s’ouvrit à nous. Oui ! Peut nous importait cette terre misérable, sur laquelle nos pieds étaient physiquement posés, alors que nos âmes elles, venaient de s’envoler à la découverte d’un monde meilleur. 8 février 1972, 14 : 02. - Je pouvais t’attendre au mess. Oh fada, entendis-je enfin cette voix, dont l’accent, m’était des plus familiers. Tu vas attraper la mort, si tu restes penché au-dessus de ce bastingage. Tu ne vois donc pas qu’il tombe des cordes d’hallebarde, et que tu es trempé, jusqu’aux os ? - Hein ? Oh ! André ! - Non ! Le Pape ! Nous ne devions pas nous retrouver au mess, pour s’en envoyer un ou deux, avant que ce ciel ne nous tombe sur la tête ? - Euh ! Oui ! Nous devions ! J’ai totalement oublié, excuse-moi. - Oui, j’ai vu ça! Je te signale qu’il est presque quatorze heures trente, et qu’à quinze-heures, tu dois te rendre auprès de ton unité. - Oui ! Mais, je n’ai pas grand-chose à leur dire. Les Américains, ne veulent pas dévoiler le secret d’état, avant demain, au cours d’un briefing. - Je sais, je sais ! Mais déjà, tu fais fausse « rut » ! Ce ne sont pas les Ricains qui imposent, le black-out ! Tu en sauras plus, le moment venu. C’est ainsi, ma poule ! Prends le temps de vivre, et de faire le job pour lequel, tu es grassement payé. - Toi mon gars, tu me pompes l’air, avec tes secrets, et ta morale à deux balles. Ce micmac, m’énervait prodigieusement à présent. J’étais impatient, de passer à l’action. - Que t’arrive-t-il bon Dieu ? Tu me fais cette tête d’enterrement, depuis que nous avons embarqué à bord de ce navire, reprit-il, après un court silence. - Oui ! Tête d’enterrement ! A Djibouti, tous les jours, j’assistais à l’arrivage de ravitaillements, d’armements, destinés à une campagne en mer, de plusieurs semaines. Puis, oh surprise ! J’ai vu arriver, ce submersible de poche. Tu t’es payé la mienne de tête, à Bulawayo, non ? Il s’adossa le plus confortablement possible, contre la paroi du château central, s’allumant nonchalamment une cigarette. Il souffrait de nouveau, de la sciatique. Ce temps humide, réveillait ses douleurs. Il grimaça, avant de poser sur moi, un regard critique. - Tu en veux une ? me dit-il, me tendant son paquet de cigarettes. - Non merci, répondis-je sèchement, le regardant également de travers, avant de m’accroupir à ses côtés. Hein ? Oh ! l’interpellais-je vertement. Le submersible ? Tu espères sans doute, agrémenter ton album photos, de quelques prises de vue, des fonds sous-marins de l’océan indien, avec ? - Bon, bon ! Tu te souviens, de ce que t’a dit le Général Desliens ? - De ne pas poser de questions, et de suivre le mouvement. Mais, tu m’en as trop dit ou pas assez, à Bulawayo. Bon ! Maintenant, tu ne me ferais plus avaler que cette expédition, a été montée pour une banale opération commandos, visant à arraisonner un navire transportant des armes. Ni encore moins que nous ne resterons pas plus, de deux semaines en mer. - En te disant cela, je transgressais déjà l’ordre que je reçus, de ne rien dévoiler à quiconque ce soit, de l’originalité de la mission qui m’était confiée. - Bon ! Je te remercie pour ta confiance. Maintenant, j’ai besoin de savoir. Plus question, de me faire raconter des bobards aux hommes. Les deux autres chefs de compagnies, eux, s’ils n’ont aucun état d’âme, c’est leur problème. Moi… Je suis un officier d’active ! Tout comme toi ! Ne l’oublie pas, en si bon chemin ! - Oui ? Comme je viens de te le dire, tu sauras tout, très bientôt. Patiente jusqu’à demain, mon pote. - Tu ne me comprends pas, André ! - Oh que oui ! Tu es frustré, dit-il, me regardant de biais. Je faillis m’étouffer de colère, me levant tel un ressort qui se détend. - Je… Je crois comprendre maintenant ! Les deux années que tu as passé au S.R, t’on rendus jobard ! Je suis frustré ? De quoi ? - Tu es frustré, Max ! Tu ne t’attendais pas, à ce que je sois le responsable, chargé de mettre en place, et de diriger cette mission. Il est à mettre à ton crédit que la faute, m’en revienne. Tu éprouves le sentiment qu’en haut lieu, ils se sont foutus de toi. - C’est un peu le cas, non ? Vous êtes affecté à l’état-major à Paris, me dit-on. Je me retrouve incorporé contre ma volonté, au S.R. Par la suite, j’apprends que je te dois cette… foutue promotion ! Tu sais, ce qu’elle m’a coûté, cette promotion ? - Deux galons jaunes, et un avenir bien plus passionnant que celui, de commander une compagnie d’appelés sous les drapeaux, tête de pioche. Ou de finir, Capitaine instructeur chez les commandos de l’air, car tu ne serais jamais monté plus haut. Je t’ai fait grimper, dans un ascenseur qui te mènera au sommet. Tu n’es pas heureux ? - Que fais-tu, de Nelly ? Il me regarda de travers, haussant les épaules. - Tu es frustré ! réitérât-il son opinion. Considère le problème, sous un autre angle de vue. Tu n’as satisfait, qu’a seulement trois mois de stage. - Oui ? En voilà une affaire ? Où veux-tu en venir ? Quel lien, avec Nell ? - Je dus insister lourdement, pour que l’on te confie cette mission. Quant à Nell, personne ne l’empêchait de t’attendre ou de faire comme ma femme. - Alors, disons-le ainsi, ce sera parfait ! Je te suis redevable, non ? Tu m’aurais selon toi, aidé à prendre conscience, du manque de force d’amour de Nell, pour moi ? Tu veux encore, endormir le bébé ? - Absolument pas, tête molle ! Tu as donné le meilleur de toi-même, comme je m’y attendais, à Bulawayo. Franck, a été pleinement satisfait, des programmes d’entrainement que tu as élaboré, pour ses hommes. - Non Mais… Je n’en crois pas mes oreilles ! Je te parle du Coq, tu me réponds, parlant de l’âne ! Mais puisque tu abordes le sujet, tu parles d’un entrainement ! Faire grimper ces pauvres bougres, sur la surface lisse, d’un mur de béton haut de huit mètres, au chronomètre, jusqu’à ce qu’ils en aient les mains en sang, à force d’utiliser une cordelette, munie d’un grappin en son bout ? Je me suis demandé, si nous allions nous produire prochainement au cirque Pinder, en tournée en Rhodésie, pour fêter l’avènement de sa jeune République. Et pourquoi avoir fait le choix de ce pays, pour leur faire subir ce martyre ? C’est un peu loin de la mer, Bulawayo, non ? Bon ! Franck, est un notable du pays. Il y possède cette immense propriété qui nous accueillit, nous mettant à l’abri des regards indiscrets. Quoi que… Une centaine de mercenaires, dans une contrée d’Afrique, au bord d’une guerre civile ? Rien de bien étonnant. - Tu viens de très pertinemment énoncer, les deux principales raisons de ce choix, Max. Mais néanmoins, il en existe une autre. - Eclaire la lanterne ! Je tâtonne, dans les ténèbres. - Bon ! Tu me les brises menus. Mais je te connais trop bien. Tu ne me lâcheras pas la grappe, avant la fin des vendanges. Alors… Les Soviétiques, n’auraient jamais devinés que nous préparions, une opération en mer. - Les Soviétiques, hein ? Ah ! Ce navire chargé d’armes, c’était du vent, n’est-ce pas ? - Ton impatience te perdra, Max. Et si je reçus l’ordre, de préserver le secret absolu, ce n’est pas seulement dû à l’opération tactique, par elle-même. Mais à présent, même si tu me torturais, je ne t’en dirais pas plus. Je ne connaissais que trop bien, le bougre. Il me donna le vif sentiment, de ressentir une vive inquiétude. Ce qui n’était pas quelque chose de très habituelle, le concernant. - C’est si… si grave que ça ? tentais-je l’ouverture, espérant qu’il m’aide à pénétrer, dans l’antre du secret. - Je ne répondrai même pas, à ta question. Tu es… satisfait ? - Je n’ai rien entendu, dis-je, ressentant un frisson, me parcourir le corps. C’est à cause de ce bouquant que font les marins, avec leur musique. - Ils ne dérogent pas à la tradition, dit mon ami en riant. Ils fêtent l’appareillage, pour conjurer le mauvais sort, lorsqu’une tempête est annoncée. Le Commandant, leur a payé une double ration de bourbon, avec pour ordre de s’en foutre plein la lampe, avant que cela devienne critique. - Bien étrange façon, de responsabiliser l’équipage. Nos vies vont dépendre d’une bande d’ivrognes ? C’est la totale ! - Eh bien ! Tu n’iras pas rejoindre tes hommes non plus, dit-il, l’air maussade. - Pour leur dire quoi ? revins-je à la charge Ils me pressent de questions, et j’ai l’air d’un con, assis sur le cul d’une bouteille de Perier ! Ce n’est pas très confortable, comme position. Tu as une idée ? Je leur dit que nous suivons les bancs de thons, pour établir un comptage, au profit, d’une organisation d’études océanographiques ? Il émit un soupir de lassitude, retirant sa casquette, pour s’éponger le front avec le dos de la main. - Bon ! Revenons-en, à ce que je t’ai dit à Bulawayo, pour me faire pardonner, de taire le reste. Nous sommes engagés pour : Petit « a », retrouver des marins disparus, suite à une attaque de pirates. Ces actes répétés, deviennent un véritable problème qui tu en conviendras aisément, perturbe dangereusement le trafic maritime, ainsi que bien entendu, les échanges commerciaux, inutile de te faire un dessin. Et… : Petit « b », ceci n’étant pas officiel, ces pirates qui s’en prennent aux navires marchands, traficoteraient également dans de l’armement lourd qui irait droit, au Viêt-Cong. J’en restais, bouche bée ! Il avait bu, un verre de trop ? - Tu charries, non ? En quoi, cette connerie de guerre du Viêt-Nam, concerne la France ? Je me suis laissé dire que nos politiciens, voyaient d’un très mauvais œil, l’intervention militaire des Américains, au Viêt-Nam ? Il ricana sarcastiquement. - Mon pauvre Max ! Ce que tu peux te montrer fleur bleue, parfois. Tu as vu flotter un pavillon français, sur la hampe de proue de cette coquille de noix ? - Nous venons d’un port français, sur la mer d’Oman, non ? - Nous venons de nulle part, car ce navire n’a aucune existence réelle. Il ne s’appelle pas, « l’Hirondelle des mers », mais le… « Seko » ! Il est sorti des chantiers navals du Japon, en 1942, pour fournir de l’huile de baleine à la population nippone, ainsi qu’à son effort de guerre. Puis il a fait la guerre de Corée, avant de finir comme bateau de pêche quelque part, aux Philippines. Les Ricains l’ont récupéré dans un état lamentable, alors qu’il était voué à la casse. Il a été remis à neuf, à Portsmouth U.S.A, en seulement six mois. - Tu as bien étudié, l’historique du Seko. Bravo ! Tu auras une bonne note. Cette remise à flot a commencée, lorsque nous avons débuté l’entrainement intensif de nos gars ? Eh bien ? Je commence, à voir un peu plus clair. Je comprends mieux aussi, la présence des américains à bord. - Ai-je commis une erreur d’appréciation, en présumant que tu étais fait pour le S.R, s’interrogeât-il indéniablement, à haute voix. Je ne crois pas, poursuivit-il, remettant sa casquette. - Tu me connais, depuis trop longtemps, André. Tu aurais dû te souvenir que je suis un inquiet, doublé d’un pragmatique. Je vais devoir conduire des hommes au combat ? - C’est assez probable, en effet. Mais il est également probable que tu sois appelé, à assumer d’autres responsabilités, consentit-il à avouer. - Bien ! Je sais à présent, ce que je vais dire à mes hommes. Nous allons tête bèche, et en droite ligne dans un foutu merdier en plein océan, sans avoir la moindre idée, de ce qui nous attend. Mais, je vous en dirai plus demain, si le temps est clément. Tu veux ma place ? - Non ! répondit-il, me lançant un regard venimeux. Tu dis avoir tout compris ? Fais mine, de ne rien comprendre demain, au cours du briefing, sinon j’aurai de sacrés ennuis. - Je vais m’appliquer à faire semblant, d’avoir absolument tout compris ! répondis-je, usant de tout le sarcasme dont je pus déployer, dans l’intonation de ma voix. Je lus dans ses yeux bleus qu’il était convaincu que je pouvais mettre à exécution cette menace, à peine voilée. - Euh ! Je ne suis pas médium, mais en te voyant tout à l’heure, je me suis demandé si tu dormais debout ou bien, si tu pensais ? Cette fille, ne te sort pas de la tête hein ? Fais-toi violence pour l’oublier ! Ce qui t’attends Max, ne supporte pas, un quelconque relâchement de la concentration. Je peux t’assurer que si tu aimes encore le sport, tu vas être comblé. - Je t’accorde cette confiance. Avec toi, comment mourir d’ennuie ? Il haussa ses lourdes épaules, prenant le parti de s’en aller, abandonnant l’idée de chercher à me convaincre, de me rendre dans les entreponts. Je n’avais aucunement besoin, de ses conseils. Ils m’avaient coûtés assez cher, dans un passé récent. 9 février 1972, 08 : 30. Cent trente-huit hommes, attendaient sur les ponts du navire, sous une pluie battante. Sur le pont de proue, était rassemblé l’équipage, n’étant pas de service. Trente gars, en tenue bleue de chine, têtes nues. Sur le pont de poupe, quatre-vingt-dix hommes, en tenues de combat bariolées des troupes d’assauts, têtes coiffées d’un béret rouge. La compagnie « A » divisée en trois sections, occupait la position la plus proche du château central. Elle était placée sous les ordres du Lieutenant Yan Kowalski. Cette formation, composée de baroudeurs en provenance de nombreuses destinations de ce vaste monde, appartenait à la formation des engagés de Mahersen, ainsi que nous les nommions. Elle avait été conçue, pour tenir le rôle primordial en toutes circonstances, autrement désignée, comme étant l’unité de choc. Sans trop savoir ce qui nous attendait, nous devinions aisément qu’en cas de coup dur, ce serait Yan qui matérialiserait la tête de pont. Venait juste derrière, la compagnie « B », du Lieutenant Jean-Luc De Langlade, un Réunionnais bon teint, et bon vivant. Les deux officiers les plus fidèles à Franck, depuis de très nombreuses années, n’avaient guère de points communs, et cela sur tous les plans. Yan, était un ancien de la Légion Etrangère, renvoyé pour son caractère impulsif, disons-le même hyper violent, et peu conforme avec l’esprit de corps, instituant l’honneur et la fierté, de cette composante de l’armée française. Ce quinquagénaire irascible, avait fait la Corée, et l’Indochine. Nous prenions garde, de ne pas trop le frictionner à rebrousse poils. Il pouvait vous briser le pharynx, en l’enserrant entre deux doigts. Une bête humaine, ce polonais. De Langlade et ses hommes, composaient donc la compagnie « B », dite… de réserve. Jean-Luc quant à lui, était un homme jovial, mais borné comme une mule. A tel point que je dus prendre ses hommes en mains, car en bon réunionnais qu’il était, il remettait toujours à demain, ce qui devait se voir accomplis, de suite. Mais Mahersen, affirmait qu’il ne connaissait pas meilleur combattant. Nous allions bien voir ? Sur la plage arrière, ma section, la « C ». Une première surprise, m’attendait ! Je venais pratiquement dans l’instant, de me voir informé qu’elle servirait, en qualité de compagnie de sécurité bord. Notre mission, consisterait à défendre le navire. C’est ce qui était écrit au rapport préliminaire que je tenais en mains, fixé sur une plaquette de bois, protégée d’un plastique. Le second Commandant, m’avait remis les ordres, avant le rassemblement, alors que je sortais de ma cabine. - Bien le bonjour, Lieutenant ! C’est vous que je cherchais, m’avait-il abordé, avec un sourire débonnaire. Voici vos ordres ! avait-il ajouté, me remettant une pile de feuillets, tenus sur cette plaquette de bois, par une pince. Vous avez dix minutes, pour les consulter, avant de vous rendre au rapport. Eh bien, vous voyez ? Tout vient à point, à qui sait attendre, avait-il conclu, avant de me plaquer là, sans que j’aie eu le temps, de placer un seul mot. Devais-je me voir satisfait, d’avoir enfin une raison d’être ? Feuillet numéro un ! En rouge souligné, une annotation du Commandant, me désignait en qualité… « D’officier de sécurité », mais aussi…« Officier Conseil ». Yeux écarquillés j’avais lu ça, en me retenant de rire. Quel conseil, aurais-je bien pu dispenser, à bord de ce navire ? Je présumais que j’allais servir d’avocat, pour le règlement de conflits internes, dans le cadre de la discipline générale. J’étais loin de songer, à ce qui m’attendait. A tribord, je vis enfin le staff technique, se composant de huit spécialistes, commandés par mon cher et tendre ami, le Lieutenant André Bertin. Nous étions tous présents, sauf le Colonel Mahersen. P/N : « Elle est étrange, cette absence. Serait-il souffrant » ? Mais je ne pris pas le temps, de m’attarder sur le sujet. Les hauts parleurs, diffusèrent la voix posée du Commandant LANGE. « Je ne vous imposerai pas longtemps, le supplice du rapport matinal, nous rassurât-il, en intro. Surtout par ce temps, de cochon qui semble vouloir, nous priver du plaisir, de cette croisière. Comme vous l’avez très certainement remarqué, pour les plus observateurs d’entre vous, durant la nuit, mon équipage à repeint sur la coque, le nom du navire. Nous lui avons rendu son nom de baptême original, « le Seko » ! Certaines structures amovibles, ont été retirées, ce qui confère au bâtiment, une toute autre apparence. Vous n’avez pas manqués d’observer également que des ordres stricts, concernant l’usage de la communication extérieure, ont été distribués aux officiers radio. Pour les plus durs de la feuille, vous comprenez mieux à présent, la raison pour laquelle, plus aucun appel extérieur n’est permis. J’espère que vous avez dit adieu à vos proches, avant l’appareillage de Djibouti. Vos officiers et sous-officiers hauts gradés, sont conviés à un briefing à 14 :00 précise, dans la salle prévue à cet effet, située dans l’entrepont, « C1 ». Un balisage, permettra à ceux qui ne se sont pas encore familiarisés avec ce bâtiment, de ne pas se perdre. Je vous remémore que le Seko, mesure tout de même 130 mètres de long, pour 38 mètres de large, et qu’historiquement, il fut construit durant la dernière guerre mondiale, par les Japs. Il était armé de six canons de 155 millimètres balistiques, car il s’aventurait, à aller pêcher la baleine dans le Pacifique, sans aucune escorte pour le protéger des destroyers Américains. Ses hommes d’équipage, en avaient où je pense. J’entends que les miens, n’en soient pas dépourvus. Je ne tolérerais, aucun manquement à la discipline. Dès que nous aurons atteint le large des côtes de Ceylan, considérez-vous en état d’alerte permanente. Ou autrement dit : « En état de guerre »… Vous-vous posez des questions ? Nous ne sommes pas là, pour y répondre. Nous donnons les ordres, vous obéissez ! Si je donne celui, de vous balancer à l’eau ? Vous sautez sans réfléchir. Je veux que vous répondiez, d’une seule, et même voix. J’ai été clair » ? Une seule, et même voix s’éleva sous ce ciel bas. - Oui, Commandant ! - « Eh bien ! Alors, nous allons faire de l’excellent travail, tous ensembles », conclut-il. « Indiscutablement. Ce sera une véritable partie de plaisir. Pourvu que cette mission, ne nous conduise pas en antarctique ? Combien obéiraient, sans aucune discussion préalable, à cet ordre, de sauter à la baille ? Ça promet ! Mais quel discours ! Pas un traitre mot, sur ce qui nous attend. J’en frémis, dans mon slip » ! - Envoyez les couleurs, ordonna le second Capitaine, de qui je reconnu l’accent Catalan. Un bien étrange drapeau, fut monté au mat central. Celui du Panama ! Je m’attendais sincèrement à un drap noir, orné d’une tête de mort, avec en arrière-plan, deux tibias se croisant en diagonale. - Vous avez vu ça ? Lieutenant, marmonna l’Adjudant-chef Paul Declercq, mon adjoint, depuis la Rhodésie. - Non ! Je suis aveugle ! Ça s’explique ! Tout s’explique, Paul. Faites donc un peu, travailler vos méninges. - Houai ! Je vais les inscrire à des cours de natation, Lieutenant. Depuis quelques minutes, elles se noient sous cette pluie, mes méninges. - Mettez une bâche, car l’intempérie ne fait que commencer. Avez-vous déjà traversé, un ouragan ? - Dieu m’en garde ! Vous plaisantez, Lieutenant ? Il n’est pas facile de m’effrayer, savez-vous ? - J’ai une tête à plaisanter, Adjudant-chef Declercq ? - Non Lieutenant. - Rompez les rangs, hurla le second Capitaine, dans son micro. - Eh bien ! Accrochez vos tripes, avec des pinces à linge ou des épingles à nourrice, et d’esprit, préparez-vous au pire, mon cher Paul. Vous mettez immédiatement, vos hommes au travail. Cette plaquette que je tiens dans ma main, et surtout les quelques feuilles qu’elle enserre entre cette pince, m’indiquent clairement, et sans aucune ambiguïté possible, des ordres que vous allez faire appliquer. Dans les entreponts d’hébergements troupes, tout se doit d’être fixé solidement, et rangés dans les placards. En espérant qu’ils ne soient pas remplis à bloc, de cochonneries. Absolument rien, ne doit trainer dans les coursives, et empêcher la libre circulation ou, provoquer le moindre danger. Ce sera là, le premier travail de la matinée. Je lis aussi que l’ensemble des compagnies, devront se rendre en Cales I et II, afin d’aider les marins, aux manœuvres d’arrimages de divers matériaux. Vous êtes bien pâle d’un coup, Adjudant-chef ? Seriez-vous effrayé ? - Euh ! Non Lieutenant, menti-t-il sans vergogne. - Oh ! Je vois ! - Vous voyez, Lieutenant ? - Oui ! Je vois, votre nez s’allonger. Exécution ! - A vos ordres, Lieutenant. « Oui ! C’est ça ! A mes ordres. Tu parles ! Je viens d’en prendre connaissance, à la rubrique : « Informations services ». Je ne commande rien, je répète tel un perroquet bien dressé. Ils m’ont assigné à la protection du navire ! P… la promotion ! Je vais monter la garde. Ah oui, j’oubliais mon Dieu ! Je suis le policier du bâtiment. Policier, et avocat. Il y en a un de trop, j’élimine lequel ? Mais qu’est-ce que je fais, dans cette galère, P… de mouise » ! Je ne le savais que trop bien ! « Vous prendrez vos ordres en Afrique où vous allez rejoindre un officier S.R. C’est lui qui vous briefera, sur l’essentiel. Vous ne poserez, aucune question. La mission que je vous confie, est d’une importance capitale, pour les intérêts de la France. C’est tout ce qui est bon de savoir », m’avait dit le Général Desliens, chef du groupement renseignements, de l’état-major central des armées. « Jusque-là, considérez-vous détaché de nos services, placé dans le cadre de la réserve, pour une durée indéterminée », avait-il simplement ajouté, après m’avoir longuement briefé, concernant le Colonel Mahersen. Lorsqu’il eut terminé son exposé sur « Le belge », comme il nommait Mahersen, il m’abandonna sur place, comme deux ronds de flan. J’étais loin de me douter que l’officier S.R, dont venait de me parler le Général, n’était autre qu’André, en effet, comme mon ami, me le reprocha. J’avais suivi trois mois de stage, d’un niveau très élevé, certes, et l’on m’expédiait déjà en mission ? J’étais béni des Dieux ? Je venais d’apprendre que j’avais été demandé à corps et à cris, par mon ami d’enfance qui…ainsi qu’il avait pris plaisir à me le brandir sous le nez, avait dû insister lourdement, pour que l’état-major, m’accorde le privilège de me tourner les pouces, sur le planché d’acier instable, de ce navire. Ainsi, je repartais en Afrique, pensais-je alors. Eh bien ! Engagez-vous disaient-ils, vous verrez du pays. Que faisaient-ils de ma séquelle de malaria ? Car le continent Africain, ne m’était pas étranger. J’en eus un très mauvais souvenir, de janvier à avril 68. Je faillis bien rater la révolution française qui pour le vingtième siècle, sera une référence, dans les livres scolaires. « Vous avez signé, pour être élève officier, Monsieur l’Aspi ? C’est pour en baver », m’avait dit l’Adjudant-chef instructeur, m’informant que le lendemain matin, je m’envolais pour Ndjamena au Tchad. Mais tout ça, me paraissait tellement loin, maintenant. Oui ! Il était un peu tard, pour que je me pose cette question qui demeura de longues années, dépourvues de réponses satisfaisantes à mon égo. Car je ne voulais surtout pas reconnaître que jeune homme, j’étais le roi des petits cons. L’autre m’a dit : « suis-moi ». Je le suivis. L’autre m’a dit : « Revêt cet uniforme » ! Je me suis foutu à poils, et j’ai obéis. L’autre m’a dit : « Inculque à ces hommes, ce que tu as appris ». Non ! Là, c’est trop ! J’ai mis en œuvre, mon immense savoir qui consista à faire l’instruction, à quatre-vingt-dix mercenaires qui me voyaient comme un nourrisson prématuré, gigotant ridiculement dans sa couveuse ! Il me fallut leur imposer, le plus souvent par la force, les hautes connaissances d’un officier, « hors cycle » à présent, tout en me posant d’innombrables questions, sans pour autant obtenir de réponses. Bon ! J’avais dû trop fumer de chanvre, et lorsque je me suis éveillé, j’étais à Bulawayo Rhodésie du Sud. Ah oui ! Pour ne pas que je demeure oisif, Franck m’attribua le commandement de la compagnie « C ». Un beau cadeau, de sa part ! Ces gens-là, sont plutôt jaloux de leurs hommes. Ils vous prêteraient, plus facilement leurs femmes ! Je me disais à présent que ce n’était pas par pur altruisme, si Franck, m’avait « nommé » chef de compagnie, me permettant ainsi, de commander trente de ses hommes. Voyons ? Lorsque ce Général me donna cet ordre, avais-je le choix ? Oui ! Celui de démissionner. Mais voilà ! Lorsque depuis des mois, l’on se donne à fond dans ce que l’on entreprend, l’idée de tout laisser choir, n’effleure même pas l’esprit. Et puis, si par malheur, on se tire d’une affectation dans les services de renseignements, il est inutile de demander une mutation dans une quelconque unité. Pas même à l’infrastructure, les travaux publics de l’armée. Nul ne revient sur ses traces, lorsqu’on a mis ses pieds, dans ce cercle... familial très hermétique d’esprit. Il se referme sur vous tel un lasso, et vous lie à tout jamais, des pieds à la tête. Vous voyez avec horreur, s’avancer près de vous, l’homme qui tient entre ses mains, le fer rouge qui va vous marquer durablement. Et voilà, c’est fait… « Tu y es, mon pote ! Que tu le veuilles ou non, tu as les deux pieds dans le béton. Tu vivras ou tu périras, avec ce navire. Alors, autant le prendre cool, non ? Et, faire de ton mieux, pour satisfaire à tes tâches. Cela combattra l’ennuie, peut-être ? Sans oublier mes cauchemars, dans lesquels me revient sans cesse, le doux visage de Nell. Sacre bleu, que le temps s’écoule vite » ! Nîmes, 1971. Nous avions emménagés ensemble, dans l’appartement que Nell occupait. Durant près une année, nous avons vécus un indescriptible bonheur. Je ne me souviens pas que nous ayons traversé, le plus petit orage. Le soleil brillait dans nos cœurs, et cette énergie s’emmagasinait, pour rendre nos hivers moins rudes. Nous parlions mariage, faisions le projet d’avoir des enfants. Lorsque je n’étais pas de service, nous allions visiter son père ? le dimanche. Nous entretenions de bons rapports. Nell, avait atteint son objectif de se voir admise en chirurgie, persistant dans sa volonté, de devenir assistante anesthésiste. De mon côté, un bon nombre de mes proches, ressentirent très fortement, le changement qui s’était opéré. Ma mère, les membres de ma famille, ne se privèrent pas de me le faire remarquer. Le jeune homme, brulant la chandelle par les deux bouts, car conscient que la vie était éphémère, s’était métamorphosé. Dans le travail, également. J’étais bien plus pondéré, et beaucoup moins agressif que par le passé. Ce qui me valut l’attention du Commandant Delhomme. Une attention, un peu particulière, en vérité. Allez donc savoir pourquoi, cet officier m’avait dans le nez. Avec le Capitaine Laudes, ils étaient cul et chemise. Mais toutefois, j’avais un temps d’avance sur les deux compères qui s’évertuaient, à me mettre des bâtons dans les roues, à la moindre occasion. Le Commandant de la Base Aérienne, m’avait en grande estime. Puis un jour maudit, du mois de novembre 1971, je reçus un ordre de mutation. L’armée, m’expédiait à Paris. Une promotion si l’on y regardait bien, car cette affectation, beaucoup en rêvaient. Le Ministère de la Défense ! Mazette ! Plus spécifiquement, l’état-major interarmées. Pour un jeune sous-lieutenant, fraîchement nommé qui n’était même pas sorti des grandes écoles ? Quel pied ! D’autres que moi, se seraient sentis planer. Pour ce qui me concernait, c’était comparable à un crash aérien ! Au cours de l’entretien qui précède la mutation, je refusais tout net cette affectation, ce qui me valut le regard stupéfait, du Commandant de la Base. Bien assis derrière son vaste bureau couleur acajou, il se jeta en arrière sur le dossier de son fauteuil, m’observant attentivement en silence. De son pouce de la main gauche, il se caressa la joue, réfléchissant visiblement à quelle attitude prendre, à mon égard. - Vous m’avez très souvent agréablement surpris, Lieutenant, dit-il enfin. Vos idées… votre sens aiguisé de la rigueur, de l’analyse de situations préoccupantes, cette motivation que vous mettiez, à la recherche d’une solution la plus appropriée, aux problèmes que nos services rencontraient, vous ont valus notre respect, ainsi que notre considération. Vous avez une brillante carrière devant vous, le savez-vous ? - Je dois vous remercier d’autant de sollicitudes, mon Colonel. Mais avec votre permission, je vais réitérer mon intention, de refuser cette affectation, avais-je soutenu cette résolution, avec assurance. - Bien ! Je présume que vous devez avoir une excellente raison ? Je sais au regard de votre dossier, qu’elle n’est pas d’ordre familial. - Pas encore, si vous me permettez de le souligner, mon Colonel. - Prenez place, dit-il, me désignant la chaise placée devant son bureau. Chose faite, il me scruta encore un long moment, sans mot dire. - Vous me mettez dans l’embarras, le savez-vous ? - Oui, mon Colonel. J’en suis désolé. - Désolé ? Hum ! Pas autant que je le suis. Vous venez de dire que ce n’est pas encore un problème, de rapprochement familial ? Quelqu’un chez-vous, s’apprêterait-il à nous faire, une bonne maladie incurable ? - Absolument pas, mon Colonel. Je pense que maintenant vous me connaissez assez bien, pour savoir que je ne mange pas, de ce pain-là. - Effectivement, Lieutenant. Alors, veuillez m’éclairer sur la raison de ce refus ? - Je vais demander la main de ma compagne, mon Colonel. Il leva le menton plus haut, me toisant sourcils froncés, une moue dubitative, peinte sur ses lèvres minces, comme la lame d’un rasoir. - Nous sommes tous passés par là, savez-vous ? Un jour ou l’autre, c’est ce qui arrive de mieux aux hommes. Créer une famille, avoir des enfants, s’accomplir totalement, mais aussi, professionnellement, non ? Or ! Vous êtes officier dans l’Armée de l’Air, et à ce titre, aux ordres de votre hiérarchie. Non, mieux encore ! Au service de votre Nation ! Et il se trouve que votre Nation, a besoin de vous au Ministère. C’est un poste qui ne se refuse pas, Lieutenant. Demandez-donc votre dulcinée en mariage, partez à Paris, et il est plus que probable qu’elle viendra vous y rejoindre, non ? Si elle vous aime ? Elle ira vous retrouver à l’autre bout du monde, mon petit. Parfois, il est bon de mettre un peu de distance, entre deux êtres qui s’aiment. Juste pour voir, si l’amour est assez fort, pour surmonter toutes les difficultés de la vie. - Elle est militaire, mon Colonel. Il se massa encore le menton, émettant un léger soupir d’exaspération. - Ah ! Je vois le topo ! Une A.F.A.A ? 2 - Non, mon Colonel ! Une infirmière sous contrat étude, à l’hôpital militaire. - Hum ! émit-il, lèvres serrées et front plissé par la réflexion. Il regardait le sous-main de cuir noir qui occupait sa place sur le bureau où mon dossier, était grand ouvert. Situation sans issue Lieutenant, dit-il enfin. A moins que vous soyez en train, de négocier sa mutation ? Je m’attends à une telle chose, venant de votre part. Vous avez tenu tête, aux plus coriaces de vos détracteurs, avec beaucoup de tact, de culot et de patience. Je me trompe ? - Je… je n’avais pas envisagé cette possibilité, mon Colonel. - Bien ! Car hélas, je ne pourrais absolument rien faire pour elle. La mutation des personnels du service médical, n’est pas de mon ressort. Je pourrais en toucher un mot, certes ! Mais le médecin général de la région militaire, ne tiendra compte de cette demande que s’il n’est pas, en manque de personnel. Or, infirmière sous contrat étude ou pas, le pavillon militaire de Nîmes, souffre aussi d’un manque crucial d’éléments formés. En quelle année, est votre amie ? - Fin de quatrième année, mon Colonel. - Alors, mettez une croix, sur la possibilité qu’elle se voie mutée. Il ne lui reste qu’une année à accomplir, avant la spécialisation, c’est ça ? -Oui, mon Colonel ! - Elle la finira, à Nîmes. Ce serait problématique de l’expédier ailleurs. Du moins, je vous donne mon opinion. Voyons, Lieutenant ! Une petite année de séparation, et toute une vie devant vous. Franchement ? Je ne vous reconnais plus ! Cette fille, vous aurait-elle changée à ce point ? Il souriait paternellement, et je lus dans ses yeux verts clairs que la situation exposée, n’était pas pour lui quelque chose de bien nouveau. - Vous n’aurez pas manqué d’observer, à quel point, cette fille contribua à changer ma vie, mon Colonel. - J’avais remarqué, ce changement. Disons le même, cette progression, plus que… seulement positive. Mais j’ignorais tout, de l’instigatrice de cette évolution. Bon ! Je ne vous promets absolument rien, pour cette jeune femme. Par contre, je vous accorde trois jours de permission. Vous allez lui soumettre la vôtre, de situation. J’ose espérer qu’elle saura distinguer où est votre intérêt commun, et qu’elle vous conseillera avec bon sens. Au terme de ces trois jours, vous m’apporterez votre réponse définitive. Je ne puis vous contraindre d’accepter une affectation, en temps de paix. En temps de guerre, vous recevriez un ordre, auquel vous devriez obéir. Dieu nous en préserve. Bonne permission, Lieutenant. Elle prendra effet demain soir. Vous pouvez disposer, conclut-il, refermant sèchement mon dossier. Je n’avais encore rien osé dire à Nelly, lorsque comme tous les soirs de permanence, je lui téléphonais. Ce soir-là, je ne pouvais me rendre la rejoindre, car depuis quelques jours, j’étais de service en qualité de responsable de poste, au pavillon de garde. Service de semaine ! Il me tardait, de partir en permission. Ce fut la plus longue nuit, de toute ma carrière. 9 février 1972, 10 : 21. Alors qu’un vieux baleinier, me trimbalait sur un océan qui se déchaînait d’heure en heure, ce souvenir amer, m’arracha un sourire, exprimant toute la peine que j’avais, à m’en extirper. J’aurais voulu fermer les yeux, pour ne voir que ces images, des jours heureux. Mais j’avais fini, par accepter cette affectation. « Nelly ne serait pas seule, car il y a son père, ses amies, son travail qui lui tient à cœur », pensais-je alors. Je me disais aussi qu’il était bien dommage que Soumaya, ait suivie André à Paris. Il avait tout calculé, le bougre ! Même de programmer sa demande de mutation, alors que sa femme, parvenait en fin d’étude. Mais néanmoins, je devais songer avant toutes autres choses, à ma carrière, à notre avenir à tous deux ! A l’encontre de mes attentes, Nelly ne le supporta pas. D’autant moins, lorsque je fus placé, au-devant de l’évidence que cette affectation, en fait, était destinée aux services de renseignements. Elle crut que je m’étais démontré faible, devant l’insistance de mon ami. Le résultat fut déchirant, car d’un commun accord, l’on décida de se séparer, afin de bien réfléchir, avant de nous engager plus loin. Puis un soir, Soumaya m’informa que Nell, avait pris la décision d’abandonner son appartement, et d’aller vivre son temps libre, chez son père à Montpellier. Elle continuait à travailler à Nîmes, logeant au pavillon des infirmières célibataires. Durant plusieurs jours, je tentais vainement, d’entrer en contact téléphonique avec elle. Je recevais chaque fois, la même réponse, de l’une de ses camarades de travail, décrochant le téléphone : « Elle est très occupée, rappelez plus tard ». J’ai fini, par renoncer. Je n’osais pas appeler chez son père après ces échecs répétés. Pire encore ! J’en arrivais à évaluer, sa force d’amour. La conclusion qui s’imposa, ne fut autre qu’elle était faible ! Soumaya, bien plus âgée que Nell, n’avait pas rencontrée les mêmes problèmes, pour son affectation. Elle lui avait été accordée, avec une bien étrange facilité. J’allais en convenir bien plus tard, lorsque je rejoignis André en Afrique. Quelle ne fut pas ma double surprise, d’y retrouver mon amie. Cette dernière, se proposa de contacter Nell, afin de tout lui expliquer. Je refusais net, son offre. Je me suis toujours posé la question, relative aux appréhensions humaines. La peur de perdre un être aimé, n’est-il pas facteur, d’épreuves encore plus insurmontables ? Eh oui ! Maintenant, je détiens la réponse ! Cet autre éloignement, après que je me vois réexpédié en Afrique, nous sépara à tout jamais ! Allais-je oser lui écrire, un jour, une semaine, ou un mois prochain » ? pensais-je, avant de me décider à entreprendre mes diverses tâches, attendant mon bon vouloir, sur le pont de ce navire. Parti conne cela l’était, j’aurais aussi bien pu penser, une année. « Pour lui dire quoi ? Que je suis à l’autre bout du monde, et que désormais, ce sera ma vie ? Autant lui écrire adieu ». Le doute m’envahissait. Sur ce rafiot, pas de vaguemestre, ni de boîtes aux lettres ! Mais si l’homme, n’était pas pétri de doutes, Dieu, n’aurait plus aucune raison d’être… Qui se soucierait de lui ? Un an, et trois mois venaient de s’écouler, depuis cette entrevue avec mon officier supérieur, auprès duquel, j’avais partagé de bons moments, car nous étions bien plus proches que les rigueurs du service, l’auraient permis. J’avais occupé durant quelques mois, un certain nombre d’activités extérieures, pour son compte personnel. Disons que je faisais office, d’ordonnance. Par exemple, je fus le seul à lui inspirer assez de confiance, pour qu’il me confie la mission, de désigner un homme de ma compagnie, chargé de se rendre accompagner ses enfants à l’école, et de les récupérer le soir. Un chauffeur chevronné, bien sûr. J’avais dégoté la perle rare ! Ce jeune appelé et moi, étions devenus des amis intimes. L’évènement était réprimandable, aux yeux de la caste des officiers. Mais je m’en fichais, comme de ma première tétine. Le reproche qui m’était le plus souvent fait, était justement, de trop familiariser avec mes hommes. Eh oui ! Si par malheur, nous étions prochainement engagés dans une guerre, j’aurais déjà bien assez de soucis avec l’ennemi, se présentant de face. Si je devais aussi m’inquiéter, de ceux que j’aurais éventuellement dans le dos ? Cette guerre deviendrait alors, encore plus pénible, et… bien plus périlleuse. Je crois qu’une seule frayeur, suffit, à l’occurrence. Et question frayeurs, je pressentais que je ne tarderais pas longtemps, à être bien servi. Que pouvait bien savoir André que tous, devaient ignorer ? Je frémissais à cette pensée. En attendant l’heure du briefing, dès que le mot : « Rompez » fut prononcé par le second, j’entrepris ma tournée d’inspection. Sur la plaquette, un autre ordre ! Ils se présentaient au fur, et à mesure qu’une tâche était accomplie, sous formes de feuillets écrits à la main, soit par le Commandant, soit par le Colonel Mahersen. J’étais tout de même intrigué. « Où peut-il bien être, ce bougre, ce matin » ? Je lus alors, l’un des siens d’ordre. « Familiarisez-vous, avec les entrailles de ce bateau, pendant que vous le pourrez ». En fait, le Général Desliens qui m’avait si brièvement briefé, sur ma future mission, s’était démontré plus loquace, concernant le rôle de Mahersen. Il m’avait bien mis en garde, de ne pas vexer la susceptibilité, de cet ex officier de l’armée Belge, soulignant avec emphase qu’il s’évertuait, à demeurer sur une ligne de bonne conduite, contrairement à un certain nombre de ses semblables, commerciaux de la guerre en tous genres, de par le monde. Ce qui lui valait, le respect de ses amis, mais aussi de… ses ennemis. Il dirigeait ses hommes qui pour la grande majorité, lui étaient fidèles, depuis de nombreuses années, et en attendant que mon propre rôle se voit clairement défini, j’étais détaché sous ses ordres. Mais de façon, assez particulière toutefois. André et moi, demeurions des indépendants. C’était assez complexe comme situation. Mais maintenant, pour le moins, je connaissais mon job. Il faut un début à tout ? « Voyons la suite. Je relus le conseil écrit, exprimant un sourire amer. « Ah ! C’est intelligent ! Je dois assurer la sécurité de ce bâtiment, il me semble logique que pour le moins, je devrais en connaitre les moindres recoins. Il s’ennuie, ce bon Franck ». J’haussais les épaules en signe de fatalisme, me mettant au boulot. Deux heures plus tard, fourbu, je n’avais guère visité que les entreponts. Pour circuler librement dans ces dédales de coursives ? C’était la misère ! Vous y trouviez l’affluence des heures de pointes, dans les couloirs du métro de Paris. Les marins, s’affairaient à tout débarrasser du sol. C’est qu’il y en avait des cochonneries, sur ce sol des coursives. Des caisses blindées de munitions, principalement des cartouches. Des sacs marins que les postes d’hébergements troupes, ne pouvaient emmagasiner, du fait que la place, faisait atrocement défaut aux hommes. Ces derniers d’ailleurs, étaient occupés à rechercher leurs paquetages, et à très vite les ranger, de façon à ce qu’ils ne deviennent pas un danger supplémentaire, si la tempête faisait rage. Allez donc essayer de passer, avec tout ce remue-ménage. Je dus me résigner. « Bon ! J’aurais visité l’entrepont de proue, et repéré la salle de briefing. C’est déjà bien, non » ? Le haut-parleur se mit à crépiter. Les marins levèrent la tête, oreilles tendues. Je fis de même, et bien m’en prit. « L’officier de sécurité, est demandé de toute urgence sur la passerelle. Je répète, l’officier de sécurité, est attendu sur la passerelle », crachouilla une voix inconnue. « Mais c’est de moi, qu’il parle ! Ça alors ! Je vais enfin voir de mes yeux, à quoi ressemble cette passerelle de commandement. Je sens, l’excitation monter en moi. C’est phénoménal ! Vissons cette casquette sur ma tête, et jouons à l’officier de marine, comme quand j’étais enfant. Déjà, empruntons la démarche chaloupée, du vieux loup de mer. Ils me veulent quoi, là-haut ? Ben, si tu n’y vas pas, tu auras du mal à le savoir ». La voix, avait souligné l’urgence. Je grimpais, je ne sais combien de marches d’escaliers extérieurs, sous une pluie féroce, s’acharnant à vouloir percer les tôles d’acier du Seko, car il me fut impossible, d’emprunter les escaliers intérieurs, bondés de monde. Je vous assure que j’avais l’impression qu’elles y parvenaient, à transpercer l’acier, ces perles d’eau, aussi énormes que des olives. Essoufflé, j’atteignis enfin la casemate de vigie tribord. Le Commandant, Franck Mahersen, en compagnie de deux autres officiers, scrutaient la mer démontée, au travers de leurs jumelles. - Lieutenant Max Girard, Commandant ! A vos ordres, Commandant ! criai-je, pour couvrir les multiples bruits que générait ce navire craquant, tentants vainement de rivaliser ainsi, avec les mugissements du vent. L’averse me cinglait le visage, et de l’eau froide, coulait le long de mon épine dorsale. Un véritable plaisir ! Je ne pus refréner un long frisson. - Avancez près de nous à l’abri, Lieutenant, m’invita courtoisement le Commandant. Prenez ces jumelles, et regardez bien, un quart arrière bâbord. Je rivais les jumelles à mes yeux, suivant la pointe de son index, tendu dans la direction désignée. - Vous voyez quelque chose, Lieutenant ? - Oui Commandant ! Je vois quelque chose, ça y est. - Alors ? Que voyez-vous ? - Un voilier, Commandant. Il danse dangereusement sur les crêtes des vagues. Si cela continue ainsi, il ne va pas tarder à se retourner. - Naviguez 2.2.0, vitesse 8 nœuds, ordonna à haute voix le Commandant, à son timonier. - 2.2.0, vitesse 8 nœuds, reçu Commandant, hurla le timonier. Le navire, effectua un large cercle, sur l’océan en colère. - Tenez-vous au bastingage Lieutenant, me conseilla le Commandant LANGE. Ça va secouer, ajouta-t-il, surveillant attentivement la manœuvre. - Il est en perdition, dis-je, rendant les jumelles à Franck qui me frappa amicalement, sur l’épaule. - Content, de vous voir enfin dans votre élément Max, me dit-il. - Façon de parler, mon Colonel. Mon élément, c’est le plancher des vaches, et le doux soleil méditerranéen. Il répondit à ce trait d’humour, par un petit rire sous cape. - Eh bien ! Je vous retrouve enfin. - Hum ! Vous me pensiez, parti loin d’ici ? J’adore les voyages. Mais je préfère, choisir la destination. - Je comprends très bien, Max. Vous en verrez d’autres, ajouta-t-il, le visage fermé. Nul doute qu’il faisait allusion, à l’extrême complexité, de cette croisière improvisée. Nos regards se croisèrent bien trop brièvement, pour que je puisse aller chercher au fond de ses yeux, une réponse à la question que je me posais. Etait-il informé de tout ou bien, comme c’était mon cas, découvrait-il les choses, étape par étape ? - Vous me semblez très inquiet, Max, dit-il encore. - Il n’y a personne en vue, sur ce voilier. Pour ce que j’en pense ? Ils sont tous tombés à l’eau, éludais-je la remarque fort appropriée, de l’officier supérieur. - Nous devons en avoir le cœur net, dit-il, comprenant que je ne répondrais pas. - Je suis de cet avis, mon Colonel, répondis-je avec un sourire crispé. - Je le partage d’autant plus, l’avis de Mahersen qu’à présent, je vois deux… trois personnes, sur le pont du voilier, intervint le Commandant, avec une expression irrité. Nous devons faire vite. Son mat central a cédé, et le bateau prend l’eau, car la coque a été endommagée lorsqu’il s’est affalé sur le pont. Le pivot de base du mat, vu l’inclinaison de celui-ci, aura déchirée comme une vulgaire feuille de papier, cette coque de bois. Il s’appelle le… « Wind of Indies » ! - Le vent des indes, traduisis-je. Presque un nom prédestiné. Terrassé, par les vents capricieux de cet océan. Il faut être fou, pour prendre la mer avec une telle boite d’allumettes. - Ce sont… des britanniques, nous apprit le Commandant. L’Union Jack, flotte sur sa hampe arrière. Lieutenant Girard ! - Commandant ? - Dans cinq minutes, nous serons à l’approche du bâtiment en difficulté. Vous allez embarquer dans la chaloupe de sauvetage en mer, sur le pont A1, et vous rendre prendre en charge, les plaisanciers de ce voilier. Julian Stinneng, vous accompagnera. Un homme mince, sensiblement de ma taille, au visage un peu allongé, des yeux noirs comme de l’ébène, se tourna, et me fit face. Il était vêtu de l’uniforme de capitaine, de la marine marchande. « Eh bien, il ne manquait plus que ça, au tableau ! Qu’est-ce qui lui passe par la tête, au Commandant, de me faire accompagner par le patron des barbouzes américains ? Ce n’est qu’un malheureux naufrage de bateau de plaisance, pas d’un sous-marin nucléaire, non » ? J’allais devoir, faire avec. Alors, à quoi bon me casser la tête ? J’ai manqué de jugeote, en cet instant. J’aurais dû mieux réfléchir. - Enchanté de faire votre connaissance, Lieutenant. Nous allons écoper sec, mon gars, dit le patron de la C.I.A, tout en me serrant la main. - De temps à autre, faut savoir se mouiller, répondis-je, pince sans rire. Il me répondit à son tour, par un ricanement. L’allusion, ne lui avait aucunement échappée. Maintenant pour le moins, n’ignorait-il plus, la sympathie que je vouais aux planqués qui jouent les agents secrets, en se calfeutrant dans l’ombre d’un mystère qu’ils s’évertuent à entretenir. Alors que nous sommes tous embarqués, sur le même négrier, pour ne pas dire une galère, car si nous devions ramer en prime, ce serait complet. « André, et ce gu-gus ? Bonnet blanc, et blanc bonnet », pensais-je. Cette attitude, augmentait d’autant plus le sentiment, d’être vraiment enchainé en fond de cale. - Nous aurons, très certainement assez de temps, pour faire plus ample connaissance Lieutenant, dit-il, prenant le premier le chemin du pont de poupe où péniblement, les marins aux bossoirs, luttaient pour débrayer les freins de la chaloupe de sauvetage en mer, située sur tribord A1, sous des bourrasques de pluie, poussées par un vent violent. Suivant de près le Capitaine, Julian Stinneng, je me demandais si véritablement, à la C.I.A, ils cultivaient l’humour en serres ? Alors inutile de se poser la question quant à sa carence d’éclat, et d’originalité gustative. Je n’avalais pas ! - A vous l’honneur Lieutenant, dit-il, désignant la chaloupe. Je pris place, sur la banquette du fond où il vint me rejoindre, sous le toit de protection. Deux marins, se précipitèrent à leurs postes. Le premier nous marcha pratiquement dessus, pour atteindre la timonerie, permettant la manœuvre de cette mini vedette rapide, dotée d’un moteur in bord, de 200 chevaux. Le second marin prit une gaffe en mains, et attendit debout. Je compris que durant la descente de la chaloupe, le long de la coque du Seko, il écarterait l’embarcation avec sa perche, la préservant de son mieux, du métal rugueux, peint en noir. Cinq minutes, et une poignée de secondes plus tard, nous touchions l’eau. Le Seko avait manœuvré pendant ce temps-là, en vue de nous protéger du vent, nous positionnant à l’abri de sa masse. Le trajet en direction du voilier, fut effectivement très mouvementé. Malgré l’abri précaire, il ne me fallut pas très longtemps, pour que je sois trempé. Stinneng se marrait, et me tendit un gilet de sauvetage. - Mettez ça, vous aurez moins froid, criât-il, pour couvrir le bruit du moteur. Et puis sait-on jamais, ajouta-t-il, sentencieusement. Je le lui pris, un peu brusquement d’entre les mains, ce qui eut tendance à le faire rire plus encore. Il m’énervait, ce mec. Par bonheur, l’on aborda enfin le voilier, alors que je luttais comme un damné, pour mettre cette foutue ceinture. Je finis, par abandonner. Une fille aux cheveux hirsutes, et roux comme une carotte, hurlait quelque chose en Anglais. - Attention, attention, There is, a bomb on board ! - Que dit-elle, cette pauvre fille ? J’ai mal entendu où elle a dit, « attention, il y a une bombe à bord » ? - Vous avez très bien entendu Lieutenant, dit Stinneng, dont le visage se cramoisie instantanément. Je monte à bord ! Quant à vous, occupez-vous d’embarquer au plus vite, les plaisanciers. Nous n’allons pas, trainer là ! - J’y compte bien ! Je n’eus pas à me précipiter, pour aider cheveux de feu à embarquer. Elle sauta dans la chaloupe, manquant de peu basculer par-dessus-bord. Je lui pris la main à temps, pour l’aider à maintenir son équilibre, la dirigeant vers les banquettes du fond. Elle avait, un visage agréable. Peut-être, un peu trop enfantin à mon goût. Et bien trop de pites de rousseur, sur son nez retroussé. Une couverture sur ses épaules, et le tour était joué. Le Marin à la gaffe, accueillit une autre jeune fille, l’aidant à venir prendre place, auprès de son amie. Nos regards, se croisèrent. Elle m’adressa un sourire qui en d’autres circonstances, m’aurait encouragé à engager une conversation. Mais là… D’ailleurs, le marin lui tenant toujours la main, l’attira sans grand ménagement, vers la banquette du fond. Levant brièvement les yeux vers le ciel, j’attendis de voir le prochain éclair, le zébrer. J’en fus pour mes frais ! « Bizarre ! Il m’a pourtant bien semblé, avoir vu l’éclair. Aucun grondement de tonnerre ? J’ai dû rêver » ! Je m’ébrouais, pour reprendre le fil des réalités. Pour finir, Jésus Christ nous rendit visite à bord. Non ! Je n’avais pas pris de L.S.D ! Je vous assure que ce gars, prenant pieds nonchalamment dans cette chaloupe, ressemblait au Christ, comme deux gouttes d’eau. Il ne lui manquait que la couronne d’épines, et une longue toge blanche, pour que ce soit complet. Mais j’eus immédiatement le sentiment qu’il portait une lourde croix, depuis fort longtemps. Il balança trois lourds sacs marins, sur la proue de la chaloupe, puis il me fit face. - On m’appelle « Che », comme Che Guevara, se présenta-t-il, me serrant la main avec grandiloquence. Je sus immédiatement à voir son expression qu’il honnissait, les uniformes. Grâce à Dieu, vous êtes vite venus nous porter secours, ajouta-t-il, me rendant ma main. On se demandait quand vous alliez arriver… Il me fallut quelques secondes, pour traduire de l’anglais en français. Qu’avais-je ouï ? - Vous-vous… le demandiez ? Etrange ! J’en suis atterré de stupéfaction ! Allez donc vous asseoir, près de vos amies, en attendant le retour de mon collègue. Allez ! Ne restez pas planté là, comme les poireaux du jardin de ma tante, le houspillai-je en français. Mais le gars, semblait ne pas très bien comprendre. Je le poussais dans le dos, lui désignant la banquette de l’index. Il s’y rendit, entament instamment une discussion à bâton rompu, avec les deux filles qui ne me perdaient pas de vue, avec une expression terrorisée dans les yeux. Enfin ! Surtout cheveux de feu. L’autre, je ne sus définir ce que ses prunelles, voulaient me communiquer. Elle me fit penser à l’une de mes Profs de terminale, lorsque je rêvassais en regardant la cime des pins que le mistral de ma Provence, faisait danser au gré de sa fantaisie. Je sentais alors son regard perçant, m’évaluer à distance, avant qu’elle pousse un cri strident, histoire de me ramener illico presto, dans le monde des conscients. - Vous ne parlez pas anglais, m’interpella-t-elle. - Je n’ai pas trop le temps, de vous énoncer mon parcours scolaire, miss… ? - Miss Jacqueline Leslie Wood, monsieur l’officier. Pour les intimes, c’est Jackkie, avec deux « K ». - Wonderful ! Je suis enchanté ! Nous ferons les présentations, à bord du Seko, si cela peut attendre jusque-là. Stinneng revint, avec un étrange sourire aux lèvres. Il embarqua, braquant sur nos rescapés, un regard chargé d’interrogations. - Je crois bien, que ces drôles d’oiseaux de beatniks, se paient nos têtes, dit-il, en sourdine. - Pas trace, d’une bombe ? - Oh que Si ! Un gadget électronique, sans aucune charge explosive. A quoi jouent-ils, ces existentialistes drogués ? Ils doivent nous arriver, en droite ligne de Katmandou où ils se seront rempli la cafetière, de tous les narcotiques que l’on peut y trouver. - Je ne suis pas de cet avis Capitaine, me permis-je de le contredire. Son opinion, se fondait sur les apparences. Je n’aimais pas du tout ça. - Ah bon ? Donnez-moi votre avis, il m’intéresse. - Jésus Christ, assis là, auprès des deux filles, m’a dit textuellement ceci : « On se demandait quand vous alliez arriver ». Bon ! On va rester longtemps, amarrés à cette coque qui s’enfonce, un peu trop dangereusement dans cette mer, de mes deux ? Je me mis alors à chantonner : Les marins, sont en mer dès l’aurore, en mer dans le matin, en mer dès la journée, ils ont d’la mer devant, ils ont d‘la mer derrière, ils ont d‘la mer de tous les côtés. Julian Stinneng, prit le parti de rire. Mais je crois qu’il comprit très bien que je me payais sa tête. - On décroche ! ordonnât-il aux marins, ces derniers s’empressant de nous faire reprendre le large. A présent, le pauvre Stinneng, me regardait avec cette même expression d’intense réflexion que lorsqu’il foudroya de ses yeux noirs, les trois plaisanciers qui sur la banquette, se serraient les uns contre les autres, pour avoir moins froid. Ils demeuraient silencieux, regardant une dernière fois leur voilier, avant que celui-ci s’enfonce à tout jamais, dans les profondeurs insondables de l’océan indien. Leurs minces bagages, n’encombraient pas la chaloupe. Tout juste, ces trois sacs marins que « Jésus », avait balancé sur l’avant. Appelez-moi « Che » comme Guevara, avait suggéré le gars, grand, maigre comme un fil de fer, au nez en forme de bec d’aigle, et aux yeux brillants d’héroïnomane. Il avait deux trous à la place des joues, mangées par une barbe longue, et pointue que le vent, faisait se confondre avec ses cheveux frisés, poisseux, lui tombant sur les épaules. « Raspoutine, ou Jésus Christ » ? Fallait que je choisisse. Je me déportais prudemment en direction des plaisanciers, venant m’asseoir sous la bâche de protection.
Posted on: Fri, 28 Jun 2013 20:09:08 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015