La voie de lépée : Le fractionnement des âmes (suite au post - TopicsExpress



          

La voie de lépée : Le fractionnement des âmes (suite au post Guerriers du Chaostexte que jai écrit dans lOPUS IX pages 450/459 La Demeure du Chaos - The Abode of Chaos) ce (très) long texte met en évidence labsurdité des pertes humaines principalement depuis la Grande Guerre de14/18 sur laquelle nous travaillons avec lexpo les gueules cassées au corps sublimé 1914/2214, au delà du macabre décompte, ce texte sulfureux dégage un pan spirituel nommé : Le fractionnement des âmes à décrypter... En prolongeant la loi de puissance vers la droite on arrive aux limites de la « quantité donnée de terreur », selon l’expression d’Ardant du Picq, que chacun peut supporter. Au-delà de cette limite, l’homme ne se contrôle plus. Le combat n’est pas un phénomène « normal », c’est un événement extraordinaire et les individus qui y participent ne le font pas de manière « moyenne ». Comme un objet à très forte gravité qui déforme les lois de la physique newtonienne à son approche, la proximité de la mort et la peur qu’elle induit déforme les individus et étire leur comportement vers les extrêmes. La répartition des rôles n’y obéit pas à une loi de Gauss où tout le monde ou presque agirait de manière à peu près semblable mais à la loi de puissance où, entre l’écrasement et la sublimation, peu font beaucoup et beaucoup font peu. Les premiers, à gauche de la loi de puissance, sont les acteurs du combat, les seconds, à droite, en sont les figurants. Le combat est une loi de puissance De 1942 à 1945, plus de 5 000 pilotes de chasse ont servi dans la 8e US Air Force, en Grande-Bretagne. Sur ces 5 000 hommes seuls 2 156 d’entre eux ont pris une part quelconque dans les victoires aériennes de la force. Si on regarde de plus près l’un des 15 groupes de chasse de la force, on constate que sur 172 pilotes ayant obtenu des victoires, le bilan des 42 As (plus de cinq victoires) représente la moitié du total. Autrement dit, parmi les pilotes du 357e Groupe, à l’instar des 14 autres groupes, environ 60 % de pilotes n’ont rien abattu, 30 % ont une action modeste de destruction de l’ennemi et 10 % ont été bons voire très bons dans cet exercice. L’analyse des combats du 51st Fighter Wing (« Mig killers »), la meilleure unité de chasse de l’US Air Force en Corée (1950-1953), a ainsi établi que la moitié des pilotes n’avait jamais ouvert le feu et que, parmi ceux qui ont tiré, seuls 10% ont touché quoi que soit, une poignée d’entre eux monopolisant les victoires. Cette loi de Pareto (ou loi des 20 % d’effecteurs qui produisent 80 % des effets) n’est pas l’apanage des chasseurs. Dans la nuit, avec un clair de lune parfait, du 16 décembre 1940, 134 bombardiers britanniques frappèrent le centre de la ville allemande de Mannheim. Cinq jours plus tard, un Spitfire vint prendre des photos des dégâts. On s’aperçut alors que de très nombreux projectiles étaient loin de la cible. Le commandement du Bomber Commanddécida de procéder à une analyse rigoureuse des effets des bombardements et fit appel à David Benswan Butt. Après un examen de 650 prises de vus entre juin et juillet 1941 au cours d’une centaine de missions (soit 4 065 sorties), Butt démontra que seulement un tiers des avions qui prétendaient avoir frappé la cible s’en étaient seulement approchés à moins de 8 km (2 sur 3 en France, 1 sur 4 en Allemagne dont 1 sur 10 sur la Ruhr). Dans un tout autre milieu, Pendant la campagne du Pacifique, 15 % des équipages de sous marins américains ont réalisé 51 % des destructions de navires marchands ennemis, soit une proportion presque identique à celle des sous-mariniers allemands dans l’Atlantique. Le cas du combat terrestre et plus particulièrement celui de l’infanterie, paraît plus délicat. Le combat y semble plus confus et manquer de critères statistiques pour y échelonner les valeurs. Les fantassins adversaires ne se voient que rarement et les duels sont rares. Pourtant tous les témoignages concordent dans ce sens. Pour Pierre Rinfret, américain, fantassin en Europe en 1944-45 puis homme politique, « moins de 10% de nos fantassins et équipages de chars infligèrent plus de la moitié des dommages à l’ennemi. » Dans Men against fire, son étude sur le comportement au combat des soldats américains pendant la Seconde Guerre mondiale, Marshall décrit les combats d’un bataillon du 165e RI sur l’île Makin dans îles Gilbert en novembre 1943. Les combats furent très violents pendant trois nuits et la très grande majorité des tués et blessés furent touchés dans les postes de combat ou à proximité de ceux-ci. Pourtant sur l’ensemble du bataillon, il ne trouva que 36 hommes qui avaient fait preuve d’une grande agressivité, utilisant parfois plusieurs armes. Pour le général DePuy, chef du département Training and Doctrine de l’US Army dans les années 1970 et vétéran des combats en Europe en 1944-45 : Si vous les laissez seuls, seulement 10% des soldats prendront réellement des initiatives, bougeront, ouvriront le feu, lanceront des grenades et ainsi de suite. Les autres 90% se défendront s’ils ont à le faire, mais ne feront rien d’autre à moins qu’un cadre ne leur donne l’ordre de le faire, auquel cas ils le feront sans discuter. J’ai appris que vous ne pouvez compter sur eux parce que vous l’avez planifié ou parce que vous avez donné des ordres généraux, et cette réserve comprend aussi les jeunes officiers. Vous aviez à dire, « fais ceci », « fais cela », « tire sur cet objectif », et « va là-bas ». Vous vous retrouverez toujours à la fin avec un bon sergent et trois ou quatre hommes faisant tout le travail. Bien avant eux, Ernest Jünger estimait déjà que « tout succès est, à l’origine, l’œuvre d’entreprenantes individualités. La masse de ceux qui suivent ne représente qu’une puissance de choc et de feu.» Maurice Genevoix, dans Ceux de 14 décrit ainsi ses soldats : On entend souvent exprimer cette idée que le combat d’infanterie est tombé au niveau d’une boucherie […] bien au contraire ; aujourd’hui, plus que jamais, c’est la valeur individuelle qui décide. Tous ceux-là le savent qui les ont vu à l’œuvre, les princes de la tranchée. Les plus courageux se précipitent en tête, tirant et lançant des grenades. La masse suit comme un troupeau sans volonté ; ce faisant, ils se heurtent aux hommes qui se pressent derrière eux. Seuls ceux qui sont devant se rendent compte de la situation ; plus loin en arrière une panique folle s’empare de la masse entassée et bloquée dans l’étroite tranchée. Un bon indice de l’existence de cette loi de puissance est le très faible rendement des tirs lors des combats. Dans une séance classique de tir dit au poser (couché, en prenant son temps) face à des cibles en carton immobiles disposées à 200 m, une troupe professionnelle actuelle obtiendra, sans disposer d’aides à la visée comme les lunettes grossissantes ou des pointeurs laser, au moins 80 % de coups au but. Cette proportion aurait été sans doute la même dès la fin du XIXe siècle. Si on se place dans une situation de combat, les choses changent radicalement. Déjà, au XVIIIe siècle, le comte de Guibert estimait à 500 le nombre de cartouches nécessaires pour tuer un homme, alors que les troupes combattent souvent à courte distance, parfois moins de 100 m. Les 22 et 23 janvier 1879 à Rorkes drift dans l’actuelle Afrique du Sud, 179 soldats britanniques bien entraînés au tir et armés d’un excellent fusil, affrontent des masses compactes de milliers de Zoulous équipés presque exclusivement darmes blanches. Le tir seffectue à courte distance, voire à bout portant. Les soldats britanniques sont placés dans des conditions de tir idéales. On pourrait donc sattendre à un pourcentage de coups au but proche de 100%. En réalité, pour 11 100 cartouches tirées, les Zoulous ont déploré 321 tués et peut-être le double de blessés. Le pourcentage de coups au but n’a pas dépassé 10 %. L’intervention du sous-groupement français à Mogadiscio le 17 juin 1992 passe, à juste titre, pour un bon exemple de gestion très maîtrisée des feux. Néanmoins, 3 500 coups de petits calibres et 500 coups de 12,7 mm ont été tirés pour mettre hors de combat, au maximum, une cinquantaine de miliciens, soit un ratio de 80 pour 1. A grande échelle, lorsqu’on fait le rapport entre le nombre de cartouches tirées pendant les deux guerres mondiales et le nombre probable de personnels touchés par balles, on obtient des chiffres variant entre 10 000 et 50 000. Une étude sur les combats en Irak et Afghanistan obtient même le chiffre de 300 000 cartouches tirées par les soldats américains pour tuer un rebelle. A l’extrême gauche de la puissance Si on pousse vers la gauche de la courbe, on trouve les super-acteurs, des stars qui sont aux autres acteurs ce que les grands champions sont aux simples bons sportifs. Dans le groupe des « 20 % qui effectuent 80 % des actions efficaces », ils sont les 5 %, voire moins, qui en font la moitié. Durant la Première Guerre mondiale, sur un maximum de 6000 pilotes de chasse français, 187 ont reçu le statut d’« As » après avoir obtenu au minimum cinq victoires homologuées. Cette poignée d’hommes a pourtant détruit plus de 2000 avions allemands, soit la moitié du bilan total revendiqué par la France. Sur ces 187, le bilan des 40 premiers de la liste (soit moins de 1% du total) représente à lui seul 20 % des pertes ennemies. Là encore, on retrouve des As dans toutes les formes de combat. Le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale est le chasseur Albert Roche du 27e bataillon de chasseurs alpins, décoré de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de la Croix de guerre avec 4 citations et 8 étoiles. Il a été blessé neuf fois et a fait, entre autres, un total de 1180 prisonniers allemands. Durant le même conflit, parmi les officiers, le capitaine Maurice Genay, chef de corps franc, a été quatorze fois cité pour son courage. Pendant la guerre d’Indochine, l’adjudant-chef Vandenberghe est porteur de la Légion dhonneur, de la Médaille militaire, de la Croix de guerre des Théâtres dOpérations Extérieures avec 14 citations dont 6 à lordre de lArmée et de la Croix de guerre 39/45 avec une citation. Il a été blessé huit fois. Les 44 meilleurs tireurs d’élite soviétiques, dont Zaïtsev, ont officiellement abattu plus de 12 000 hommes pendant la Grande guerre patriotique. Les combats de chars ont bien sûr aussi leurs As. Avec son équipage de Sherman, baptisé « In the mood », le sergent Lafayette G. Pool de la 3e division blindée américaine, a obtenu plus de 258 victoires sur des véhicules de combat ennemis dans les combats en Europe de 1944 à 1945. Quand on examine les performances des tankistes soviétiques lors de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit que 239 chefs d’engin sont crédités de la destruction d’au moins cinq chars (et souvent autant d’autres véhicules ou pièces d’artillerie). Le capitaine Samokin (mort en 1942, plus de 300 véhicules détruits dont 69 chars), le lieutenant Lavrinenko (mort en novembre 1941, 52 chars détruits dont 16 en un seul combat) et le sous-lieutenant Kolobanov (24 chars détruits en trois heures) occupent le podium. Au total, ces 239 chefs et leurs équipages, peut-être 2 000 hommes au total sur quatre ans, une minuscule poignée au regard de l’Armée rouge, ont détruit 2 500 chars allemands, soit l’équivalent des dix divisions de panzers qui ont déferlé sur la France en mai 1940.(ref) On retrouve des listes de ce type chez tous les belligérants. Le recordman toutes catégories semble être l’allemand Michael Wittmann (et son excellent tireur Balthazar Woll), crédité de la destruction de 138 chars ennemis. Ces chiffres, surtout allemands et soviétiques, sont évidemment sujets à caution mais même exagérés, l’existence des As est un fait, et si on pousse encore vers la gauche de la courbe, on trouve des « monstres » comme le pilote allemand Hans-Ulrich Rudel et ses 2 530 missions de guerre aboutissant à la destruction de 2 000 cibles au sol ou le tireur d’élite finlandais Simo Hayha qui aurait abattu 505 soldats soviétiques durant les 100 jours de la guerre russo-finlandaise de 1939-1940 (on lui attribue aussi officieusement 200 autres victimes au pistolet-mitrailleur). A droite de la loi de puissance : les figurants Derrière ces « acteurs », la masse, même des bons soldats, est composée de « figurants » chez qui la peur réduit chez eux, non seulement l’initiative, mais aussi les capacités physiques et intellectuelles. Au cours d’une « ronde de chasse » en 1917, l’adjudant André Chainat aperçoit six avions « boches » : Je découvre deux camarades qui portaient l’insigne de groupe. Je leur signale « Venez avec moi ». Ils suivent de mauvais gré. Je me mets au milieu d’eux, je les pousse, je retrouve mes boches, je bâtis un plan, je signale : « J’attaque. » J’ai la chance d’avoir le dernier boche que je mets en flammes. Retournement, je cherche mes équipiers. Plus personne […] il y a les vrais et les faux, ceux qui y vont et ceux qui n’y vont pas, ceux qui font semblant d’y aller […] ceux qui disparaissent et qu’on ne retrouve qu’à la fin, quand il n’y a plus de danger : leur moteur s’est mis à bafouiller, leur mitrailleuse s’est enrayée, ils ont été attaqués par un ennemi supérieur en nombre et ils ne savent pas comment ils ont pu en réchapper […] S’ils sortent seuls, ils ne rencontrent jamais personne. Au sol, à la même époque, Henry Morel-Journel, en fait une description saisissante d’un assaut : C’est une bande de gens apeurés qui se lancent en avant en fermant les yeux et en serrant leurs armes contre leurs poitrines. Cela dure ce que cela dure, jusquà ce qu’une salve les ait fait tapir, qu’un obus les ait dispersés ou que l’ennemi ait été atteint. Le véritable corps à corps est extrêmement rare ; celui des deux adversaires qui a le moins de confiance en sa force se rend ou lâche pied quelques secondes avant le choc. On a donné, on donne encore, aux soldats des poignards de tranchée. Ils ne s’en sont jamais servis, que pour couper leur viande ou tailler un crayon ; notre paysan n’aura jamais l’idée de frapper avec cet instrument-là. Pas de baïonnette ! Pas de poignard ! Au moins les hommes se servent-ils de leurs fusils ? A peine…. Plus précisément, ces hommes sont soumis à deux grandes forces contradictoires : une forte inhibition qui limite leur capacité de réflexion et un intense besoin d’agir. Ils vont donc suivre, en imitant ou en obéissant, le premier modèle d’action qui s’offre à eux, paradoxalement même si celui-ci est très dangereux. Le général DePuy a toujours été impressionné Par le fait qu’environ huit ou neuf soldats « moyens » sur dix, n’ont pas l’instinct du champ de bataille, n’ont aucun goût pour cela, et n’agiront pas de manière indépendante sans ordres directs. S’ils appartiennent à une équipe, ils sont plus efficaces. S’ils sont dans un char ou derrière une mitrailleuse, ils sont meilleurs parce que cela implique un travail d’équipe. Si un officier leur ordonne, les yeux dans les yeux, de faire quelque chose, la plupart des hommes, même ceux qui ne veulent pas le faire, n’ont aucune initiative et ont peur de mourir, feront exactement ce qui leur est demandé. Il poursuit en décrivant un combat dans les Ardennes où il ordonne à deux soldats d’aller éliminer une mitrailleuse allemande Ils avaient peur de mourir mais ils le firent. Ils ne l’auraient jamais fait si je n’avais pas dit « Nous avons à faire ceci, vous avez à faire cela et maintenant faites le ». Cela signifie que l’efficacité dépend directement du caractère directif du commandement. En prolongeant la loi de puissance vers la droite on arrive aux limites de la « quantité donnée de terreur », selon l’expression d’Ardant du Picq, que chacun peut supporter. Au-delà de cette limite, l’homme ne se contrôle plus. C’est le cas du pourtant très courageux Ernst Jünger lors de son premier combat : « mes nerfs m’abandonnèrent complètement. Sans ménagement pour rien ni personne, je me mis à courir comme un fou à travers tout. ». La fuite peut également se diriger vers l’avant. Il s’agit, dans ce cas, d’une attitude suicidaire, le plus souvent inconsciente, visant, selon Claude Barrois, à mettre fin immédiatement à la peur par la mort elle-même, tout en respectant la discipline. Dans sa description des combats de parachutistes américaines en Normandie le 6 juin, Marshall parle du cas du soldat Stewart posté seul face à un pont et qui se met à courir en tirant avec son fusil-mitrailleur sur les quatre chars allemands qui viennent de surgir face à lui. Par le phénomène d’imitation extrêmement fort sur le champ de bataille, ces attitudes extrêmes influencent grandement les évènements, provoquant des effondrements par paniques ou au contraire des exaltations. Dans certains cas l’inhibition est trop forte pour laisser subsister toute utilité sur le champ de bataille. En 1915, dans l’Argonne, la compagnie du lieutenant Rommel s’infiltre par un passage à travers un réseau de barbelés jusqu’à ce que « le chef de section de tête n’en trouve pas le courage, bloquant ainsi sa section et le reste de la compagnie de l’autre côté de l’obstacle. Les appels et les cris n’y font rien. » Gaudy décrit ainsi un de ses camarades se dresser en hurlant « Assez ! Assez ! Assez ! », puis « Je ne peux plus !…Je ne peux plus ! » avant de s’effondrer au sol. Logarithmique tactique Une loi de puissance peut être exprimée de manière logarithmique, cela donne une droite qui mesure sensiblement l’efficacité globale d’une troupe au combat. Plus la droite est verticale et plus l’unité compte d’acteurs et, a priori, plus elle est efficace. Plus la droite est horizontale et moins l’unité est performante. Faire varier un peu la pente du bon côté permet d’obtenir un surcroît énorme d’efficacité. En 1997, alors que je commandais une compagnie d’infanterie de marine, je testais mes neuf groupes de combat. Sur un terrain profond de 500 mètres parsemé de trous et d’obstacles, chacun d’eux devait s’emparer d’un point d’appui tenu par trois hommes. Attaquants et défenseurs étaient équipés de « systèmes de tir de combat arbitré par laser » (STCAL) dont chaque coup au but entraîne une mise hors de combat. Au premier passage, les performances furent très inégales suivant les groupes. Certains ont été étrillés dès le début de l’action alors que d’autres sont parvenus à réussir la mission, dont un avec des pertes très légères. Après un deuxième passage je constatais que la hiérarchie des performances restait sensiblement la même mais aussi qu’il y avait une nette progression de l’efficacité moyenne des groupes. Il y avait donc eu un apprentissage très rapide. Dans un troisième passage, les hommes ont été mélangés dans les différents groupes. L’efficacité moyenne a nettement diminué mais la hiérarchie des chefs de groupe est restée sensiblement la même. J’en concluais que deux facteurs influaient la performance des groupes : l’expertise du chef de groupe et la connaissance mutuelle qui permettait d’apprendre rapidement et d’augmenter le nombre d’acteurs. Lors de la bataille de la Haye-du-Puits en juillet 1944 en Normandie, trois divisions américaines ont été engagées dans des conditions tactiques similaires, à cette différence près que l’une d’entre elles, la 82e division aéroportée, disposait de deux fois moins d’hommes et d’artillerie que la mieux dotée, la 90e division d’infanterie. Les résultats ont été exactement l’inverse de ceux que pouvaient laisser anticiper le simple examen des moyens disponibles. La 82e division a été presque deux fois plus rapide dans la conquête du terrain tout en subissant deux fois moins de pertes que la 90e . L’effort sur l’humain donne des résultats spectaculaires. A une autre échelle encore, avec près de 60 000 hommes tués ou blessés pour 26 divisions britanniques engagées, le 1er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme, est le plus meurtrier de l’histoire militaire du Royaume-Uni. On oublie généralement que 14 divisions françaises ont également été lancées à l’assaut ce jour-là face dans des conditions identiques à celle des Britanniques, et que non seulement elles ont parfaitement réalisées leur mission mais elles n’ont perdu pour cela « que » 7 000 hommes, soit un taux de pertes 4 fois inférieur par unité engagée. La différence est que les divisions françaises avaient accumulées deux ans d’expérience de guerre, là où la plupart des unités britanniques étaient novices. L’Institute for Defense Analyses a effectué en 1992 une série de simulations sur la bataille de 73 Easting qui a opposé le 7e corps américain et la Garde républicaine irakienne lors de l’opération Desert storm. Le résultat de ces simulations fut que si les deux adversaires avaient été dotés d’équipements identiques mais en conservant les mêmes compétences, les pertes américaines auraient été dix fois supérieures à ce qu’elles furent en réalité. En conservant les équipements originaux mais en égalisant le niveau de compétences, les pertes américaines auraient été vingt fois supérieures Ces exemples, d’échelles très différentes, témoignent que l’investissement le plus rentable pour augmenter l’efficacité d’une troupe est bien l’investissement humain. Ils permettent d’illustrer aussi le caractère fractal du combat, puisqu’on retrouve le principe de la loi de puissance à tous les niveaux. Il y a des individus nettement plus performants que beaucoup d’autres, puis des groupes ou équipages, puis des bataillons et encore des divisions pourtant à chaque fois apparemment identiques de part et d’autre. Ces bataillons, escadrilles ou divisions comprennent elles-aussi leurs acteurs et leurs figurants mais la répartition et l’agencement entre les deux groupes donne quelque chose de plus efficace. Plus on sélève toutefois et plus la quantité devient une qualité. En Normandie, dix chars Tigre avec des bons équipages pouvaient affronter sans trop de crainte trente Sherman. A 100 contre 300, cest plus problématique. A 1 000 contre 3 000 cest presque perdu davance. Cela signifie a contrario que plus les armées sont petites et plus la qualité des hommes est importante. Michael Wittmann et Balthazar Woll ont détruit léquivalent de la moitié de lordre de bataille actuel français en matière de chars. Leur impact tactique serait incontestablement plus fort aujourdhui quà lépoque. Plus que jamais nous avons besoin dinvestir dans lhumain. D.R. Auteur inconnu...
Posted on: Sun, 24 Nov 2013 14:43:48 +0000

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