Le Challenge lancé par l’association Barakacity restera dans les annales comme l’un des meilleurs exemples de solidarité humanitaire dont a fait preuve la communauté. Nous n’aurons jamais de mots assez forts pour féliciter les initiateurs de ce projet qui permettra à 48 000 nécessiteux du Togo de bénéficier d’un accès à l’eau via la construction de 48 puits disséminés dans 35 villages. Néanmoins, on peut formuler un certain nombre de recommandations afin d’apporter notre modeste contribution au projet dans l’espoir de le bonifier. 1 – D’abord, que les frères et sœurs de Barakacity ne fassent pas attention à cette vidéo qui circule sur le net où un « Cheikh » répond à des questions et déconseille aux musulmans de leur donner de l’argent. Ces personnes me font penser à ce hadith prophétique « Halakal moutanati’oune, المتنطعون هلك ) qui signifie : « Malheur à ceux qui exagèrent ». Cette parole, rapportée par Mouslim, fut répétée par le Prophète (Saw) à trois reprises. Alors que les enseignements de l’islam vont souvent dans le sens de l’allègement en écartant avec sagesse toute forme d’excès, vous trouverez toujours des gens qui font de la surenchère stupide et maladive. 2- Encore une fois, ce projet marquera les esprits. Comme me l’ont dit les responsables de Barakacity, ce projet les dépasse et c’est « désormais le projet de toute la communauté ». Ceci dit, je me permets ce conseil à toutes les associations humanitaires s’activant sur le champ islamique : l’urgence doit aujourd’hui nous mobiliser pour la Syrie. Il ne s’agit pas de faire une comparaison malsaine des souffrances mais plutôt de réfléchir en termes de priorité. Deux raisons principales me poussent à défendre cette idée : - La situation humanitaire des réfugiés syriens dont le nombre est proche de 2 millions vient d’être qualifiée par un rapport de l’ONU de « la pire crise en matière de réfugiés depuis le génocide rwandais ». En d’autres termes, depuis 1994, le monde n’a pas connu de situation aussi dramatique pour les réfugiés que ce qui se passe en Syrie et dans les pays limitrophes. - De nombreux ahadiths du Prophète mentionnent le statut privilégiés de « Ahla Cham » (habitants de la région de la Syrie, Palestine, Liban etc). Dans un hadith rapporté par Tabarani, le Prophète Saw a dit : « Safwate Allah min ardih Al cham wa fiha safawtouhou min khalqih wa ‘ibadih ». Traduction : « La meilleure des terres d’Allah se situe au Cham et l’élite de Ses serviteurs s’y trouve également » Pour ces deux raisons, il serait bon que la communauté fasse preuve d’un pareil surcroît de solidarité. Que l’on se comprenne bien : il ne s’agit en rien de diminuer la valeur de ce qui a été fait ou de « regretter » l’exceptionnel élan que l’on a vécu avec Barakacity. Mais juste de pointer du doigt une catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux et pour laquelle la communauté de France a, soyons francs, peu prêté attention jusqu’à aujourd’hui. L’heure est très grave et il est grand temps qu’une large mobilisation s’organise pour cette population martyre. 3 – Le dernier élément est un complément. Avec plusieurs frères, nous avons eu l’occasion il y a qqs années d’entreprendre la construction de 3 puits au Mali et d’un dispensaire médical (en partenariat avec l’association DEFI et le Secours islamique). Ces voyages nous ont marqués car, au-delà de la détresse du Mali profond, nous avons vu des hommes d’une dignité exemplaire (notamment le chirurgien Cheikh Bagayoko dont j’ai déjà parlé dans cette page). Lors de mon 1er voyage, une personne m’a conseillé de prendre un livre avec moi : « L’empire de la honte » de Jean Ziegler. Nous l’avons lu sur place et c’est impressionnant comment la lecture de ce genre d’ouvrages démasque les ressorts de ce capitalisme ravageur qui est en grande partie responsable du marasme du continent africain. La lecture de ces livres est donc peut-être une étape complémentaire à toutes ces contributions financières à vocation humanitaire. Fournir de l’eau, c’est très bien. Fournir de l’eau et comprendre les mécanismes qui régissent la faim dans le monde pour être un acteur du changement sur le plan intellectuel et économique, c’est encore mieux. Ce qu’il faudrait donc, c’est associer au travail humanitaire une plateforme de formation pour lutter, à notre modeste niveau, aux racines du mal. Je ne regretterai jamais la lecture de ce livre. Et comme nous sommes la communauté de « Iqra » et que le message de l’islam est complet, il est bon de faire les deux. Voici donc quelques pistes de réflexions que m’a inspiré cette campagne. Je finirai par cette petite histoire. Nous sommes partis au Mali pour la première fois en 2007 et retournés en 2009. Lors du 1er voyage, nous avions financé 2 puits. Pour l’un d’entre eux, nous nous étions concertés pour déterminer un nom. C’est l’avis d’une sœur qui a finalement emporté l’adhésion du reste du groupe. Le nom ? El Baraka !
Posted on: Thu, 18 Jul 2013 11:00:38 +0000