Les Reines RANGITA et RAFOHY, fondatrices de la loi de succession - TopicsExpress



          

Les Reines RANGITA et RAFOHY, fondatrices de la loi de succession au trône dImerina sur les Hautes -Terres Centrales de Madagascar au XVIe siècle Deux reines, RANGITAMANJAKATRIMOVAVY, connue sous le nom de RANGITA - « la crépue »-qui exerça le pouvoir à la petite localité de MERIMANJAKA et de ses environs immédiats, à 10Km à louest dAntananarivo et RAFOHY- « la fille à la taille petite »-sa fille ou sa soeur selon différentes sources, qui régna à ALASORA à 15 Km au nord-est dAntananarivo, sont à lorigine de la royauté merina démembrée à lépoque en de multiples royaumes (1). Avec leurs époux, elles furent la principale souche originelle des différentes dynasties qui se sont succédées au trône dans les principaux royaumes de lImerina avant leur unification par le grand ANDRIANAMPOINIMERINA (1785-1810) et jusquà lannexion de Madagascar par la France en 1896 (2). Delles descendent également les six groupes hiérarchisés nobiliaires qui forment la première composante des quatre grandes hiérarchies sociales en Imerina sous lAncien Régime à savoir la noblesse (NY ANDRIANA), les hommes libres (NY HOVA), les Noirs (NY MAINTY) et les esclaves(NY ANDEVO). Leur règne marque le point de départ dun certain nombre de principes, de rites et de systèmes organisationnels qui, tout en subissant un certain nombre de transformations dues à lévolution des conditions socio-économiques, politiques et culturelles tout au long de lhistoire, avaient servi de fondations à la royauté merina et avaient été appliqués et respectés dans leur esprit et leurs grandes lignes par la plupart de leurs successeurs. Parmi ces principes et rites fondateurs, il faut souligner le plus important des héritages que ces deux souveraines avaient laissé, le principe du DROIT DE SUCCESSION AU TRONE qui comporte pour lessentiel six règles(3). PREMIERE REGLE: LE PRINCIPE DE LUNITE ET DE LINTEGRITE TERRITORIALE DU ROYAUME: « MANJAKA TOKANA » Un et Indivisible, un royaume ne se partage pas entre différents prétendants, autrement dit il ne doit pas être partagé entre les enfants dun souverain régnant. Il est également exclu que le pouvoir soit exercé par deux personnes au même moment. Un seul doit lexercer et les autres doivent le reconnaître comme leur unique souverain pendant le règne de ce dernier. Cest ainsi que la reine RAFOHY qui eut plusieurs enfants désigna pour lui succéder dans un premier temps, son fils aîné ANDRIAMANELO et son fils cadet ANDRIAMANANITANY pour succéder à celuici Ce principe fut respecté et appliqué par la plupart des souverains postérieurs à RANGITA et à RAFOHY. Lexception qui confirma la règle fut ANDRIAMASINAVALONA (1675-1710). Il partagea son royaume entre ses quatre fils malgré les avertissements de son principal conseiller ANDRIAMAPANDRY. Le Roi paya très cher et de sa propre personne sa monumentale erreur puisquil fut retenu en captivité pendant sept ans par lun de ses fils ANDRIANTOPONIMERINA, roi dAMBOHIDRATRIMO, qui ambitionnait de devenir lunique roi des quatre royaumes. Ce partage entraîna lImerina durant sept ans dans la guerre civile. Mais il faut dire aussi que la concrétisation de ce principe donna lieu inévitablement à des abus car lhabitude fut prise par les clans rivaux des différents prétendants au trône de recourir à des assassinats pour éliminer les rivaux éventuels et potentiels. ANDRIAMANELO(1530-1570),le fils aîné de RAFOHY initia cette pratique en faisant assassiner son frère cadet ANDRIAMANANITANY. Deux siècles plus tard ,IMAVOLOHA et IBODOLAHY,fils dANDRIANAMPOINIMERINA ,auraient tenté, chacun séparément et à des moments différents ,de tuer leur frère cadet IDAMALAHY, le futur RADAMA Ier (1810-1828) et même leur père, le Roi. Démasqués , ils furent condamnés à mort et exécutés. Cest une tradition . Une autre donne une autre version des faits .Elle avance que pour raison détat ,ANDRIANAMPOINIMERINA a tué de ses propres mains ses deux aînés pour éviter une situation que lImerina avait vécu au temps dANDRIAMASINAVALONA :la guerre civile et ses corollaires dont la famine(5) .Au moment de son accession au trône ,RADAMA I (1810-1828) donna lordre de faire exécuter un certain nombre de prétendants mais ces exécutions devinrent de véritables massacres collectifs ,à lavènement de la reine RANAVALONA Ière , en 1828 (6). Ces faits résultent aussi en grande partie du second principe. DEUXIEME REGLE: LE PRINCIPE DE LA SUCCESSION ARRANGEE PAR LA DESIGNATION A DEUX DEGRES DES SUCCESSEURS : « FANJAKANA ARINDRA ». Selon ce principe ,il sagissait pour le souverain de désigner à lavance son successeur immédiat en loccurrence le fils aîné ainsi que le successeur de celui-ci qui peut-être soit le cadet, soit lun de ses petits-enfants, garçon ou fille .Ainsi, comme on la déjà signalé, la reine RAFOHY désigna son fils aîné ANDRIAMANELO comme son successeur immédiat et son second fils ANDRIAMANANITANY comme successeur de laîné. « ANDRIAMANELO, disait-elle,tu exerceras le pouvoir le JEUDI et ce pouvoir appartiendra à ton frère cadet le VENDREDI » (7) Pour se conformer aux volontés de sa mère dan lapplication du principe, ANDRIAMANELO fit assassiner ANDRIAMANANITANY . Puis il légua son royaume à son fils RALAMBO(1570-1610) et intima à ce dernier de conclure un accord avec son cousin germain ANDRIANAMBONINOLONA, fils d ANDRIAMANANITANY .Selon cet accord, si ANDRIANAMBONINOLONA avait un fils,celui-ci serait le successeur de RALAMBO. Sil avait une fille, RALAMBO lépouserait. Le roi RALAMBO épousa donc sa nièce RATSITOHINIMANJAKA ou RATSITOHINA, petite-fille dANDRIAMANANITANY, son oncle paternel, après avoir rempli dans les règles , la levée dinterdit et dinceste « ALA-ONDRANA »(8). Ainsi en la personne de RATSITOHINA , devenue lépouse du roi RALAMBO, ANDRIAMANANITANY régna à la suite dANDRIAMANELO .Le royaume reste dans la même lignée . Cet exemple démontre le souci des rois dImerina de conserver le pouvoir entre les mains dune même famille .Et lorsquau cours du XIXeme siècle ,les institutions deviennent plus structurées et plus « précieuses » devant les turbulences dues aux assauts extérieurs (évangélisation-recherches de marché ...) , les pouvoirs en place vont encore renforcer leurs efforts pour essayer dendiguer les effets contraires aux profits de la Royauté. La société va être organisée à limage de la famille royale et celle des familles princières. Linceste deviendra politique comme dans le grandes dynasties (Cf:Chez les Pharaons). Parmi les exemples les plus célèbres de cette désignation à deux degrés, on peu citer celui du roi ANDRIAMBELOMASINA (1730-1770) qui désigna son fils ANDRIANJAFY pour lui succéderdans un premier temps et son petit-fils RAMBOASALAMATSIMAROFY, « celui qui se porte à merveille », le futur grand roi ANDRIANAMPOINIMERINA ,en second lieu. Ce dernier trop impatient davoir le pouvoir , évinça son oncle du trône ! III-TROISIEME REGLE :LE PRINCIPE DE LIDENTITE DU SANG DES SUCCESSEURS POUR LA CONTINUITE ET LA LEGITIMITE DUNE DYNASTIE ROYALE HEREDITAIRE: « MANDOVA FANJAKANA,LOVA TSY MIFINDRA » La nécessité de fonder, de promouvoir et de légitimer une dynastie royale héréditaire , cest-à-dire un groupe social qui doit se perpétuer au sommet de lappareil détat et du royaume devait être assuré et garanti principalement par lappartenance des successeurs à une même souche mère, cest-à-dire la possession dun même sang identique et proclamé « pur » autrement dit , le second successeur ANDRIAMANANITANY devait être comme ANDRIAMANELO un descendant de RAFOHY et par sa mère et par son père . Il devait être ainsi pour que la pureté du sang du groupe soit sauvegardée et pour que le royaume ne passe pas entre des mains étrangères, « impures »(9).En réalité,cette idéologie de lidentité du sang fut utilisée pour légitimer la dynastie au pouvoir par le caractère soit disant sacré (MASINA) de son sang mais aussi pour renforcer une structure sociale de plus en plus hiérarchisée basée sur la prétendue différence de sang entre les groupes . Dans une telle optique, le principe et la pratique de linceste sont inévitables ainsi que les mariages hypogamiques. En effet , à partir dun seul couple originel,il faut passer à linceste des parents et des enfants ou à celui des frères et des soeurs dès la deuxième génération. Cest ce qui sest passé avec le roi RALAMBO et sa nièce RATSITOHINA. En outre , afin de préserver coûte que coûte la pureté de la lignée ,le mariage hypogamique qui permettait la fusion des descendants de laîné et du cadet en une souche unique pour constituer une source de rois et de reines- « LOHARANONANDRIANA » fut institué à la suite immédiate de RAFOHY. ANDRIAMANELO fit épouser sa soeur RAFOTSINDRINDRAMANJAKA à son neveu ANDRIANAMBONILONA (sa tante en loccurrence) et le fils dANDRIAMANELO, RALAMBO , épousa comme il a été dit précédemment RATSITOHINA,enfant née de cette union.Par la suite,le roi RALAMBO et ses fils ANDRIANJAKA et ANDRIANTOMPOKOINDRINDRA perpétuèrent et renforcèrent cette pratique en instituant la règle selon laquelle ANDRIANJAKA (1610-1630) et ses descendants devaient prendre leurs premières épouses « VADY SANTATRA » ou « VADY BE » dans la descendance dANDRIANTOMPKOINDRINDRA. IV-QUATRIEME REGLE :LE PRINCIPE DE LA TRANSMISSION UTERINE DU POUVOIR. Etroitement lié à lidéologie de lidentité et de la pureté du sang ,la transmission du pouvoir par lascendance féminine ou maternelle fut au centre de la loi de succession au trône et acquit une place de plus en plus grande au fur et à mesure de lévolution de la monarchie. Dune part, ellerelève des croyances mythiques sur lorigine divine de la femme qui transmet le « HASINA »(10), ce caractère sacré ou mystique du pouvoir à leurs descendants ou à leurs époux(11). Dautre part, les impératifs politiques de la concentration du pouvoir entre les mains dune dynastie forte et légitime dans le cadre de la monarchie malgache exigeaient lassurance de la pureté de sang indiscutable. Or, seule, la filiation biologique par les femmes est sûre , en ce quelle est aisément prouvée par le fait de laccouchement . Par ailleurs, les exigences économiques de plus en plus grandes dans lévolution de la centralisation et de lunification des royaumes accrurent la place de la femme dans la structure sociale en tant que source denfants , de générations , et donc de maindoeuvre ,de richesses. Cest pourquoi, la transmission utérine du pouvoir fut particulièrement renforcée et étendue à partir du règne dANDRIAMASINAVALONA. En effet, si depuis RAFOHY, ce droit nétait que tacitement reconnu par le mariage entre cousins de la même souche mère, à partir du règne dANDRIAMASINAVALONA ,la soeur du roi transmettait dune manière officielle et directe à ses propres enfants le pouvoir de son frère cest-à-dire du souverain régnant, au cas où une désignation est faite en leur faveur. Le neveu utérin ou la nièce utérine du roi (ZANAKANABAVY)devint ainsi un prétendant légitime au trône normalement désigné et dernièrement nommé dans lordre de succession au trône. Le roi ANDRIANAMPOINIMERINA renforça cette prééminence de lascendance féminine dans le droit de succession au trône en édictant la loi selon laquelle les futurs souverains de lImerina devaient descendre de sa grand-mère RASOHERINA et de sa soeur unique RALESOKA « Personne ne pourra régner sur mon royaume à moins dêtre de la descendance de RASOHERINA et de RALESOKA »; (12). V-CINQUIEME REGLE :LE PRINCIPE DU DROIT DAINESSE ASSORTI DE RESTRICTIONS. Bien que la présence de laîné dans lordre de succession au trône semble avoir été établie théoriquement, un certain nombre de restrictions laccompagnèrent . Dune part, le principe de la désignation à deux degrés des successeurs associés étroitement au pouvoir revient en fait à enlever à laîné lexclusivité et la continuité du pouvoir dans le temps. Dautre part , la nécessité pragmatique didentifier et de désigner le meilleur parmi les prétendants sans exception , enfants et petits-enfants ,lemporta sur la préséance de laîné. Maintes fois, ce fut le cadet ou lun des petits-fils du souverain régnant qui fut choisi et exerça le pouvoir à la suite dun certain nombre dobservations préalables et dépreuves auxquelles les prétendants furent soumis. Tel fut , entre autres, le cas du roi ANDRIANJAKA, fils cadet du roi RALAMBO qui lui succéda parce que laîné ANDRIANTOMPOKOINDRINDRA aurait trop aimé le jeu de société « FANORONA », une sorte de jeu déchecs (13). Par ailleurs , le droit daînesse fut parfois sacrifié devant les impératifs de la raison détat et des nécessités du renforcement des alliances en vue dagrandir le royaume .Une autre raison du choix porté par ANDRIANAMPOINIMERINA sur RADAMA I est que la mère de ce dernier représentait une région importante , le MAROVATANA , et que le roi a dû attaquer à plusieurs reprises avant sa reddition. Le principe de la transmission utérine du pouvoir joua un rôle important dans la limitation de ce droit .Le cas de RADAMA Ier constitue une illustration exemplaire de cette restriction. Il fut officiellement désigné par ANDRIANAMPOINIMERINA pour lui succéder alors quil nétait que lun de ses fils cadets .Le roi était ,comme ses sujets ,polygame,et avait une famille nombreuse . En outre ,la mère de RADAMA nétait pas la première épouse du roi ,la « VADIBE », mais seulement une épouse secondaire. Cependant il fut choisi pour ses aptitudes intellectuelles et physiques, ses qualités militaires ,politiques et organisationnelles .Son choix fut aussi dicté pour respecter les accords passés avec les souverains dAMBOHIDRATRIMO et de la région du MAROVATANA dans lunification de lImerina et le début de la politique d une GRANDE IMERINA,annoncée dans cette phrase devenue lobjectif principal de RADAMA Ier : « La mer sera la limite de mes rizières », « NY RANOMASINA NO VALA-PARIAKO »(14). Enfin, la dernière raison que lon peut évoquer est tout simplement dordre personnel et humain :laffection exceptionnelle dANDRIANAMPOINIMERINA pour son fils et lamour quil avait-dit-on pour cette épouse qui lavait pourtant « malmené »(15) VI-SIXIEME REGLE :LE PRINCIPE DU RENFORCEMENT DU POUVOIR MASCULIN TEMPORISE PAR LE STATUT PARTICULIER DE LA FEMME. Bien que le droit de masculinité nexistât point et que les femmes pouvaient prétendre, comme les hommes, à lexercice de la fonction royale, ce furent les hommes qui furent aux rênes du pouvoir dune manière générale à partir de RAFOHY. Létablissement de cette pratique devait certainement être en rapport avec linstauration du nouvel ordre politique et social, caractérisé par la hiérarchisation familiale et étatique de la société féodale, linstitution à partir du règne de RALAMBO dun certain nombre de rites comme le VALABE (sorte dorgies agraires) qui mettaient les femmes dans un état de relative subordination et qui pouvaient justifier le pouvoir masculin. A cet égard ,à travers le rituel de la circoncision en particulier ,le pouvoir avait établi des règles mettant les femmes en dehors de la cérémonie parce quelles risquaient de faire perdre aux circoncis leur ardeur et leur virilité .Durant les préparatifs de la cérémonie, tout contact avec lélément féminin devenait un acte impie car il provoquerait , pensait-on , la perte de la virilité du circoncis. Il faut rappeler que la circoncision est un rite de passage, dune part passage de lenfant du cercle des femmes à celui des hommes, dautre part passage de lenfant de la lignée maternelle à la lignée paternelle. C est un des temps forts de lopposition homme/femme, père /mère. VII- CONCLUSION Cependant les souverains malgaches avaient su concilier avec plus ou moins de bonheur le rôle des genres dans leur conception de lexercice du pouvoir .Et le genre avait été bien considéré et utilisé bien avant lemploi de ce concept très globalisé. Et parmi les principes du droit de succession au trône établis à partir de RANGITA et de RAFOHY, la transmission utérine du pouvoir liée au principe de lidentité et de la pureté du sang constituent les deux piliers centraux de lensemble parce quils sont la base du nouvel ordre politique et social de la société traditionnelle malgache du XVIe siècle à la fin du XIXe siècle. NOTES ET BIBLIOGRAPHIE -1- R. P. Callet, Ny Tantara ny Andriana eto Madagascar, Antananarivo,1908. Ce recueil du Père Callet a été réédité plusieurs fois et il a été traduit. Cest louvrage de base pour connaître lhistoire de Madagascar. -2- H. Deschamps, Histoire de Madagascar, Paris, édition de 1965. Cest un ouvrage de base aussi ,plusieurs fois réédité. -3- A. Délivré, Histoire des Rois. Interprètation dune Tradition Orale, Paris, 1974. Cette thèse a été publiée .Le Père franciscain a fait une analyse magistrale des traditions orales recueillies en Imerina avant la colonisation. -4- R. P. Callet,op.cit -5- J. Ravelomanana, Pouvoir et Famine aux XVIIIe et XIXe siècles, Antananarivo, 2000 Cours dispensé à LEcole Polytechnique dAntananarivo en DESS de Droit rural et Sécurisation foncière. -6- R. P. Callet, op.cit -7- J. Ravelomanana, Le HASINA,fondement du pouvoir royal, Cours publié en Histoire des Institutions , publié par le Cours National de Télé-Enseignement de Madagascar (CNTEMAD), Antananarivo, 1993. -8- La levée dinterdit est une institution traditionnelle. -9-10-11- J.Ravelomanana, Histoire de lEducation des Jeunes Filles Malgaches du XIe siècle au milieu du XIXe siècle. Antananarivo, 1995. -12-R.P.Callet, op.cit. -13-R.PCallet, op.cit -14-H.Deschamps, op.cit, -15-R.P.Callet, op.cit
Posted on: Mon, 25 Nov 2013 09:39:41 +0000

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