Les dirigeants d’Ennahda rattrapés par leur duplicité Cherif - TopicsExpress



          

Les dirigeants d’Ennahda rattrapés par leur duplicité Cherif Ferjani, Université Lyon2 (article publié dans le magazine REALITES daté du 5 au 12 septembre 2013) La prise en compte des contraintes de l’évolution de la situation du pays, et de son environnement régional et international, a obligé R. Ghannouchi et Ali Laarayedh, chacun à sa façon, à changer de discours et d’attitude, sans pour autant reconnaître clairement leurs erreurs et la duplicité de leurs discours. R. Ghannouchi tend la main à Beji Caïd Essebsi et à son mouvement longtemps considéré comme une forme de reconstitution du RCD dont il faut immuniser la révolution par une loi interdisant sa participation aux prochaines élections. Il a appelé à l’entente de tous les Tunisiens en mettant en garde contre l’intolérance, l’exclusion, les discours de haine et les dangers de la guerre civile qui guette le pays. Il n’a rien dit des errements qui l’avaient conduit, lui et son mouvement, à interpréter la démocratie comme un « tadâfu’ » (une lutte où le plus fort a tous les droits et les autres sont condamnés à se soumettre ou à disparaître), à vouloir inscrire cette conception dans la constitution. Pas un mot non plus au sujet de sa défense des LPR dont il avait dit qu’ils étaient « la conscience de la révolution », ni des salafistes qu’il défendait comme ses « enfants » lui rappelant sa jeunesse et annonçant « une nouvelle culture», allant jusqu’à empêcher toute poursuite contre eux en minimisant leur violence et la menace qu’ils représentent pour la sécurité du pays. Ses discours et ses attitudes le rattrapent aujourd’hui pour décrédibiliser ses concessions, malgré le soutien que lui apporte le témoignage de Béji Caïd Essebsi saluant sa nouvelle attitude et admettant sa sincérité. Il doit confirmer concrètement ces concessions en les traduisant par des actes et des engagements de nature à rassurer ceux qui y voient une nouvelle manœuvre pour jouer la montre, diviser l’opposition et se donner les moyens d’achever la mainmise de son parti sur les rouages de l’Etat. Ali Laaryedh, refusant les concessions de son chef historique à la société civile et à l’opposition - dont la principale est l’acceptation de la dissolution de son gouvernement -, a voulu montrer qu’il peut aller plus loin que lui en classant Ançâr Al-Charîa comme une organisation terroriste, décision contestée comme dangereuse par ceux qui se sont rangés derrière R. Ghannouchi. Il n’a cependant rien dit des complicités dont cette organisation a bénéficié au sein des services qu’il a commandés comme Ministre de l’Intérieur puis comme chef du gouvernement maintenant ses hommes au sein de la direction des services de sécurité, mais aussi de la part de ceux qui se sont rangés derrière lui pour contester les concessions de R. Ghannouchi. Certains lui reprochent, à raison, l’incohérence de cette décision qui intervient après la libération, par ses services, de terroristes appartenant à cette organisation, la fuite de son dirigeant qui n’a jamais été sérieusement appréhendé, et qui ne va pas jusqu’à engager des poursuites contre les députés, les ministres et les dirigeants d’Ennahda qui ont soutenu publiquement cette organisation. A quoi sert cette classification si son effet se limite aux poursuites engagées contre ceux qui sont morts, en fuite ou en état d’arrestation … en attendant des jours meilleurs ? Laarayehd doit admettre l’échec de sa politique à la tête du ministère de l’Intérieur puis du gouvernement, notamment dans le domaine sécuritaire et le traitement du dossier d’Ançar al-Charia, et en tirer les conséquences en acceptant la démission de son gouvernement comme condition primordiale pour trouver le chemin de la sortie de l’impasse à laquelle il a conduit le pays. L’opposition entre des faucons du côté desquels s’est rangé Ali Laarayedh, d’un côté, et des « modérés » auxquels s’est enfin rallié R.Ghannouchi, de l’autre, traduit l’impasse dans laquelle se trouve Ennhada en raison de la duplicité du discours et des attitudes de ses dirigeants. Cette opposition n’est qu’à ses débuts et elle est encore loin d’une démarcation nette entre des faucons, fidèles au credo des Frères Musulman incompatible avec la démocratie, et « modérés » en rupture avec ce credo et convertis aux valeurs démocratiques. Elle est loin d’annoncer la fin de la duplicité et la clarification des positions des uns et des autres. Il suffit, pour s’en rendre compte de voir l’ambiguïté qui caractérise leur attitude : Ali Laarayed, se range du côté des faucons pour rejeter les concessions de R. Ghannouchi, et, pour rassurer les Etats-Unis, l’Europe et ceux qui demandent des poursuites contre les terroristes , décide la classification comme terroriste l’organisation Ançâr Al-Charia, soutenue par des faucons devenus ses alliés, comme S. Chourou et Habib Ellouz ; de leur côté, ceux qui soutiennent les concessions de R. Ghannouchi à la société civile et à l’opposition démocratique dénoncent la dissolution du groupe Ançar al-Charia impliqué dans les assassinats et la violence politique et en guerre contre la démocratie et ses partisans. Quelle que soit l’option retenue par les uns et par les autres (par les faucons et par les « modérés »), les dirigeants d’Ennahda sont condamnés à clarifier leur position et à montrer un tant soit peu de cohérence pour reconquérir le minimum de crédibilité nécessaire à un parti qui aspire, sinon à la direction de l’Etat, du moins à peser sur la politique du pays. Ennahda ne peut inspirer la confiance nécessaire à un véritable dialogue pour sortir le pays de la crise à laquelle elle l’a conduit, qu’en rompant clairement avec la duplicité et qu’en mettant fin aux contradictions qui caractérisent non seulement l’attitude du mouvement dans son ensemble mais aussi celles de ses clans et de chacun de ses dirigeants. Ceux-ci doivent mettre fin à leurs tergiversations et à leurs manœuvres dilatoires qui ont fait perdre au pays trop de temps et accepter sans tarder mi mégoter l’initiative de l’UGTT et des expressions autonomes de la société civiles. C’est à eux de donner des gages de bonne foi à leurs interlocuteurs de la société civile et à l’opposition, et non l’inverse. L’attitude qu’ils ont observée dans les précédentes étapes du dialogue national et dans les discussions engagées depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi, n’est pas de nature à inspirer confiance.
Posted on: Tue, 10 Sep 2013 19:44:38 +0000

Recently Viewed Topics




© 2015