Les nouveaux maîtres du monde. L’hégémonie américaine Retour - TopicsExpress



          

Les nouveaux maîtres du monde. L’hégémonie américaine Retour à la table des matières Dans le bouleversement du monde, une seule région, l’Amérique du Nord, possède une prospérité un peu diminuée aujourd’hui mais qui pendant longtemps fut croissante. Cette prospérité tient surtout à ce que les États-Unis se sont adaptés progressivement à des nécessités économiques, que la plupart des peuples n’ont pas comprises encore. L’Amérique a connu les discussions qui menacent les civilisations européennes. Elle a subi une guerre civile où périt l’élite de ses citoyens. Elle a connu aussi les conflits entre le capital et le travail, la tyrannie des syndicats et les menaces socialistes. Définitivement sortie de cette période d’anarchie et guidée par de savants Gustave Le Bon, Bases scientifiques d’une Philosophie de l’Histoire. (illustrations) (1931) 181 initiateurs, les États-Unis ont remplacé par une collaboration de toutes les classes les rivalités et les haines dont le socialisme continue à menacer l’Europe. Celte religion des inadaptés est à peu près inconnue aux États-Unis. Loin d’y faire la loi, les inadaptés sont obligés de la subir. Si la valeur d’un régime politique doit être jugée non par l’excellence de ses théories, mais par son rendement, il faut reconnaître que les principes gouvernementaux des États-Unis se sont montrés beaucoup plus efficaces que ceux des socialistes européens. L’association du travail et du capital a donné aux classes laborieuses une aisance que l’immense majorité des bourgeois européens ne possède pas. Ayant bien compris le rôle de l’idéal dans la destinée d’un peuple et la lenteur de son acquisition, les gouvernants des États-Unis tâchent de conserver les idéals existant déjà maigre la part d’illusions qu’ils contiennent. C’est une application sociale de la théorie pragmatique des Universités américaines, proche parente de l’utilitarisme des philosophes anglais. L’utilité devenant le critérium des valeurs sociales, l’Américain prend autant de peine pour garder ses anciennes croyances que le rationaliste latin pour les détruire. Les États-Unis n’ont pas pompeusement codifié les Droits de l’homme, mais. les différences de classes maintenues en Europe par le lourd régime des concours mnémoniques y sont ignorées. L’ouvrier, le magistrat, l’avocat, le professeur, jouissent d’une considération identique, et, la plupart des fonctions étant électives, on passe facilement d’une classe à une autre. De simples portefaix sont devenus gouverneur de province et même président de la République. Des jeunes gens de bonne famille acceptent, sans perdre l’estime de personne, d’être garçons de café, le soir, pour payer leurs études. Grâce à la rationalisation du travail, les ouvriers américains se sont progressivement spécialisés et produisent de plus en plus. Cette situation reste économiquement fort avantageuse jusqu’au moment où elle aurait pour conséquence la surproduction, entraînant la sous-consommation, génératrice de chômage. Nous voyons déjà commencer cette période. Il pourrait alors en résulter de graves mécontentements populaires, qui furent, à tous les âges de l’histoire, le prélude des bouleversements politiques. Actuellement, les États-Unis sont créanciers de l’Europe dont ils furent autrefois débiteurs et, fiers de leurs succès, ils s’habituent de plus en plus à lui parler en maître, contemplant avec quelque dédain ce vieux continent rongé par les menaces de conflits entre peuples et plus encore par les luttes de classes au sein de chaque peuple. Gustave Le Bon, Bases scientifiques d’une Philosophie de l’Histoire. (illustrations) (1931) 182 Ils peuvent d’autant plus manifester impunément ce dédain que les emprunts consécutifs à la guerre ont fait passer aux États-Unis la majeure partie de la richesse européenne et que, suivant la juste remarque du président Coolidge, c’est grâce aux emprunts américains que l’Allemagne a pu payer une partie de sa dette. Mais l’erreur des États-Unis est d’accroître les tarifs douaniers qui finissent par rendre les exportations à peu près impossibles. Or, chacun sait que les importations d’un peuple ne se peuvent payer qu’avec ses exportations. En fermant ses frontières aux produits étrangers, l’Amérique rendra fort difficile à l’Europe le paiement des dettes contractées envers elle. Les gouvernants des États-Unis savent fort bien d’ailleurs que si le Vieux-Monde ne peut se passer de certains produits américains tels que le coton, l’Amérique ayant une population de 123 millions d’habitants se dispenserait à la. rigueur d’échanges commerciaux, puisque 92 % des produits de son sol et de son industrie sont absorbés par ses habitants. * ** La supériorité politique, économique et morale que s’attribuent les Américains a pour soutien une puissance militaire formidable, accrue chaque jour malgré de nombreuses déclarations pacifiques. Avant de quitter le pouvoir, le président Coolidge marquait dans les termes suivants la force militaire de son pays : “ Notre pays a les ressources, le caractère et l’esprit nécessaires pour lever, équiper et entretenir de tout ce dont ont besoin une armée et une marine qui, en mettant plus de deux millions d’hommes sur les champs de bataille de l’Europe, ont contribué à la conclusion de l’armistice du 11 novembre 1918 1.” A cause de leur puissance militaire et navale, conséquence de la dernière guerre, les États-Unis n’ont donc rien à redouter, sauf peut-être, dans un avenir plus ou moins lointain, les dangers pouvant résulter d’un excédent de population ou d’une invasion japonaise. La découverte de la puissance militaire des États-Unis fut une révélation aussi bien pour l’Europe que pour l’Amérique, a dit M. Coolidge : 1 Discours de M. Coolidge, 3 novembre 1928. Gustave Le Bon, Bases scientifiques d’une Philosophie de l’Histoire. (illustrations) (1931) 183 “ Non seulement au sujet de la puissance, mais au sujet de l’unité de notre peuple, aucun pays ne fit preuve d’un esprit plus magnifique, ni ne porta à un plus haut degré le sentiment patriotique. La grande faculté d’organisation des leaders de nos industries, la puissance insoupçonnée de nos ressources financières, la contribution apportée par tout notre matériel humain à la loi du service obligatoire, l’agriculture et l’industrie, les chemins de fer et les banques, quatre millions d’hommes sous les armes et six en réserve, tout reçut une puissante impulsion pour la poursuite de la guerre. Cet ensemble constitua la plus grande puissance qu’aucune nation au monde ait jamais réunie. ” Sans doute, comme le rappelle M. Coolidge, les dépenses de l’Amérique pour la guerre ont été énormes, puisqu’elles représentaient “ la moitié de la richesse totale du pays au moment de son entrée dans le conflit ”. Malgré sa réserve diplomatique, le président des États-Unis a insisté, dans le même discours, sur les divergences de point de vue existant entre l’Europe et l’Amérique. Les idées du gouvernement américain sur le désarmement sont d’ailleurs très différentes de celles discutées à la Société des Nations. “ Toute l’expérience humaine semble prouver, dit M. Coolidge, qu’un pays qui prépare raisonnablement sa défense est peu propre à devenir l’objet d’une attaque hostile et peu propre également à supporter une violation de ses droits pouvant l’entraîner dans une guerre. ...La première loi du progrès exige du monde qu’il affronte la réalité et il est également clair que la raison et la conscience n’ont pas présidé jusqu’à présent aux affaires humaines. L’instinct ancestral d’égoïsme est très loin d’avoir été éliminé. Les forces de méchanceté sont excessivement puissantes. ” C’est seulement pour l’Europe que le même orateur déclare utile la limitation des armements. “ Nous souhaitons la paix, non seulement pour la même raison que toutes les autres nations : parce que non croyons que c’est juste, mais parce que la guerre entraverait notre progrès. Nos intérêts, partout dans le monde, sont tels qu’un conflit éclatant n’importe où nous désavantagerait énormément. Si nous n’étions pas entrés dans la guerre mondiale, en dépit de quelques profits que nous avons faits par nos exportations, quel qu’eût été le vainqueur final, nos pertes auraient été très grandes... ” Gustave Le Bon, Bases scientifiques d’une Philosophie de l’Histoire. (illustrations) (1931) 184 Cette déclaration explique pourquoi, dans le dernière guerre, les États-Unis se sont joints aux Alliés. Nous avions supposé naïvement qu’ils participèrent au conflit mondial pour défendre les abstractions latines qualifiées droit et liberté. En réalité, l’Amérique hésita quelque temps pour savoir de quel côté des belligérants elle se rangerait. Si elle s’associa, en définitive, aux Alliés, ce fut uniquement parce que le principe d’utilité, c’est-à-dire la défense de ses propres intérêts, lui dicta ce choix. L’Amérique est entrée dans une guerre où, comme le reconnaît le président Coolidge lui-même, elle fut obligée d’entrer. Mais le même homme d’État a tort d’assurer dans une partie de son discours qu’elle n’en retira que peu de profit. En échange de dépenses qui ne l’entravent plus aujourd’hui, ce peuple d’industriels et de marchands, jusqu’alors mal protégé par une insignifiante milice, toujours menacé par le Mexique et surtout par le Japon qui voulait déverser sur lui l’excédent de sa population, est brusquement devenu par sa marine et son armée la première puissance militaire du monde. Le Japon, qu’il redoutait tant jadis, ne lui apparaît plus que comme un minuscule ennemi. L’Amérique n’aura qu’à étendre la main pour s’emparer des colossales richesses pétrolières du Mexique. Elle parle en maître à l’Univers et ne craint plus personne tandis que tout le monde la craint. En se plaçant au point de vue exclusivement commercial et en considérant la suprématie universelle comme une valeur marchande, les États-Unis peuvent dire que par l’acquisition d’une telle suprématie, ils ont réalisé un bénéfice aussi immense qu’imprévu. L’Europe, au contraire, a été ruinée par la guerre. Les provinces les plus riches de la France furent dévastées et elle vit aujourd’hui d’emprunts. Sa ruine serait bien plus complète encore s’il lui fallait rembourser à l’Amérique les sommes qui, commercialement, lui sont dues, mais dont l’emploi servit surtout à créer la puissance actuelle de ce grand pays. Un pénétrant homme d’État français, M. Tardieu, a justement remarqué dans les termes suivants les différences qui séparent aujourd’hui les deux continents : “ Le vieux monde, saigné et appauvri, en quête d’un équilibre précaire, est séparé du nouveau par un abîme de conditions contraires... Tout ce que l’Europe a perdu, l’Amérique l’a gagné. La guerre lui a été profitable avant qu’elle y entrât, pendant qu’elle y était, depuis qu’elle en est sortie. Par la guerre, elle a plus que doublé sa puissance et fondé les bases d’un empire nouveau. Par elle sa prospérité vantée dès le temps heureux de la paix, a opposé son progrès à la détresse européenne... La capacité de production et la production elle-même croissent d’un mouvement parallèle. La durée hebdomadaire du travail diminue en même temps qu’augmentent les salaires Gustave Le Bon, Bases scientifiques d’une Philosophie de l’Histoire. (illustrations) (1931) 185 dont la hausse devance celle des prix... Entre les deux continents, il y a outrance de disproportion... Les tempéraments s’en ressentent. L’Europe est inquiète comme les faibles, l’Amérique impérieuse comme les forts... Les luttes sociales s’apaisent. Des millions d’ouvriers font confiance aux patrons, dont le génie a créé leur aisance. À l’heure où, dans toute l’Europe, le socialisme gagne du terrain, il n’obtient aux États- Unis que la dernière place. ” Les principes directeurs de la politique des États-Unis ayant fait de la grande république la première puissance politique du monde, il en est résulté cette tendance à l’hégémonie que le sentiment de la force finit toujours par engendrer. Mais l’hégémonie a comme conséquence finale pour une nation la coalition contre elle des peuples qui en sont victimes. L’Espagne, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’éprouvèrent tour à tour. Les États-Unis l’expérimenteront sûrement un jour. Leur impérialisme de plus en plus agressif contribuera peut-être à la difficile création des États-Unis d’Europe malgré les rivalités profondes et les haines séculaires qui divisent aujourd’hui le vieux continent. * ** Les principes gouvernant actuellement la politique des États-Unis et qui sont à la base de sa grandeur ont été très bien mis en évidence par le président, M. Hoover, dans une publication dont j’emprunte le résumé à M. Firmin Roz : “ Les progrès collectifs dérivent des progrès individuels. L’erreur du socialisme est de croire que l’altruisme et la tyrannie de l’État seraient des mobiles suffisants d’activité. Les tentatives de nationalisation de l’industrie doivent être repoussées. Le principe d’égalité est démenti par toutes les observations. La possibilité du progrès dépend de l’inégalité. Une sélection de capacités directrices est nécessaire à la prospérité d’un pays. C’est par les hommes d’élite que le progrès s’accomplit. La foule ne peut rien sur le progrès, elle n’obéit qu’à des impulsions de la sensibilité. Les démagogues ne s’attachent qu’à ces impulsions. Ils encouragent les désirs populaires qui ne sont même pas l’expression des besoins réels.
Posted on: Tue, 16 Jul 2013 09:37:46 +0000

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