Les éditions du Dehors ont réédité en mars 2013 l’essai - TopicsExpress



          

Les éditions du Dehors ont réédité en mars 2013 l’essai “Écologie, communauté et style de vie” du philosophe norvégien et fondateur de l’écologie profonde Arne Næss. Un premier livre de cet auteur, Vers l’écologie profonde, avait été publié en 2009 aux éditions Wildproject. Le Norvégien Arne Næss, né en 1912 et disparu le 12 janvier 2009, a conceptualisé dès 1973 la « deep ecology ». Il aura pourtant fallu attendre jusqu’à ce jour pour que ses textes fondateurs soient traduits en français. L’enjeu n’est pas des moindres : il s’agit d’offrir à la crise écologique une réponse d’ordre culturel. En effet, Arne Næss oppose l’« écologie profonde » à une autre, jugée superficielle. Celle-ci s’exprime en un mouvement contestataire, dont le moteur est la crainte des dangers pesant sur le confort des pays développés. Mais, pour être efficace, l’écologie ne peut se contenter de relever scientifiquement des « faits » : elle doit mettre à jour des valeurs afin d’orienter le progrès vers de nouveaux objectifs. Pour ce faire, les solutions techniques ne peuvent suffire, car les problèmes ne le sont pas. La démarche écologique doit donc être « profonde » en ceci qu’elle doit s’enraciner dans les fondements conceptuels de notre rapport au monde, qui renferment eux-mêmes des systèmes de valeurs. Arne Næss soutient ainsi que la manière dont nous percevons le monde est à l’origine de notre irrespect à l’encontre de la nature. Nos sociétés industrielles ont amélioré les conditions matérielles de la « vie bonne », sans examiner si celle-ci était effectivement vécue comme telle. Pour sortir de l’impasse, le philosophe norvégien reconduit les concepts écologiques aux valeurs qu’ils expriment. Ainsi, qu’est-ce que « l’environnement » ? Rien d’autre que l’immédiat dans lequel nous vivons, c’est-à-dire pas seulement la nature physique, mais aussi les relations et les mouvements. En ignorant le fait que ces interconnexions sont à l’origine de toute identité, nous finissons par nous détruire nous-mêmes. De la même manière, qu’est-ce que la « diversité » ? Pour chacun d’entre nous, celle-ci se traduit en termes d’aptitude personnelle à une interaction créative avec l’environnement. Voilà pourquoi elle mérite, selon Næss, d’être valorisée. Ces considérations ouvrent de nouvelles perspectives sur la « réalisation de soi ». Arne Næss désigne ainsi l’acte par lequel un individu s’affirme, en lien avec ce qui l’entoure. Cela suppose de penser l’unité d’une manière qui englobe l’autre comme un élément de sa définition. L’autre n’est plus seulement une conscience étrangère me faisant face (comme chez les existentialistes), ni l’indice d’une division dans le psychisme humain (comme dans la psychanalyse) : l’autre désigne chaque élément, animé ou pas, valant comme un potentiel susceptible d’améliorer ou de détériorer notre appartenance à la vie. Là se trouve la « valeur intrinsèque » de la nature, qui s’oppose à son utilité proprement dite, en ce qu’elle procède d’un choix, et non d’un usage. Arne Næss introduit donc dans la pensée écologique un gigantesque renversement. Il n’aborde pas l’écologie comme un problème moral spécifique et prend les choses exactement à rebours : ce sont les lois écologiques (autrement dit les lois naturelles) qui doivent fournir les principes de la moralité humaine. Peut-être Arne Næss a-t-il surestimé l’impact de cette reformulation conceptuelle à grande échelle ? Mais, en posant les bases d’une véritable « écosophie », il nous indique ce qu’il nous reste à faire: inventer de nouvelles formes de coexistence au sein d’un univers entièrement repensé. La (juste) place de l’homme dans la nature / Loin de son image de groupuscules sectaires, la Deep Ecology s’attache depuis trente ans à faire face au défi écologique à partir d’une vision radicale du vivant. À l’occasion de la réédition de l’ouvrage phare de son fondateur, retour sur une école de pensée méconnue. Depuis les assauts polémiques lancés contre elle en France dans les années 1990, la Deep Ecology nous est restée suspecte. On y a vu, sans trop la connaître, un irrationalisme nauséabond, battant en brèche les fondements de l’humanisme des Lumières, semblant préférer la Nature aveugle à l’homme. Tablant sur les liens essentiels de l’écologie et de la philosophie, les deux premières parutions des éditions Dehors offrent l’occasion d’une mise au point sur une vision de l’écologie qui, pour être radicale, n’a rien de sectaire. Si la question écologique a investi aujourd’hui la majorité des discours (du discours politique au discours publicitaire), il est sans doute temps de se demander si elle y tient plus qu’une simple fonction ornementale. En d’autres termes, quelle force subversive sommes-nous prêts à lui accorder? Accepterions-nous de remettre en cause en son nom certaines normes courantes de notre vie sociale, notre régime de consommation, nos « styles de vie »? Tel est l’enjeu fondamental qui structure le projet de l’activiste et philosophe excentrique Arne Næss. Bien loin d’un simple programme écologique à l’usage des gouvernants, l’ouvrage est un parcours intellectuel touffu repensant le statut biologique de l’homme, le sens du développement technologique autant que le rôle de l’économie dans notre rapport au monde. Sans basculer dans un mysticisme creux, il se présente comme une recherche impérieuse de nouveaux fondements philosophiques de notre morale d’habitants de la Terre. À l’aide d’une conceptualité très ouverte, parfois déconcertante dans son élasticité, Næss y revisite les représentations sédimentées, issues de la Bible ou des catégories philosophiques courantes, qui nous ont, des siècles durant, convaincus d’être à ce point séparés du monde que nous pourrions le défigurer sans atteindre à notre propre être. Rompant avec la logique séparatiste de la rationalité qui transforme les sujets humains en atomes, Næss développe une écosophie (l’« Écosophie T », du nom de Tvergastein, une cabine de montagne en Norvège où il rédigea une partie de ses écrits) fondée sur l’intuition de « la valeur intrinsèque de l’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre ». De cette valeur, reconnue à toutes les « formes de vie » – parmi lesquelles Næss compte aussi bien les roches et les montagnes –, il conclut non seulement que « les humains n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité, sauf pour satisfaire des besoins vitaux », mais encore, que l’épanouissement de la vie non humaine « nécessite une baisse substantielle de la population humaine », ainsi que du « niveau de vie » affiché par les sociétés les plus riches. Si ces injonctions prêtent nécessairement à débat, on se trompe en les taxant d’antihumanisme. Féru de spinozisme, Næss prend soin de les fonder sur une conception de la « réalisation du Soi » qui comprend l’homme dans le monde et non pas isolément. Convaincu qu’« une personnalité s’éveille et se développe en proportion de la richesse des liens qu’elle noue avec le milieu qui l’environne », l’écosophe ne fait qu’« appeler de ses vœux le développement d’une identification profonde des individus avec toutes les formes de vie » telle que l’homme n’y perde pas sa place mais la retrouve. Au-delà d’une simple pragmatique écologiste qu’elle juge superficielle, l’écologie profonde se fraie ainsi un chemin vers la philosophie. [...]
Posted on: Sun, 15 Sep 2013 14:10:56 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015