L’indignation des Nations unies et de la presse internationale - TopicsExpress



          

L’indignation des Nations unies et de la presse internationale face à l’exploitation meurtrière du coltan en RDC n’a jamais permis d’assainir la situation. Et pour cause. Les coupables désignés ne sont pas ceux situés en amont du problème. Leurs activités téléguidées, s’insèrent dans l’architecture d’une guerre géostratégique menée par les puissances étrangères en RDC. Ces affrontements peuvent être décryptés par la cartographie des acteurs du marché du coltan. Y distinguer les points névralgiques revient à identifier les leviers par lesquels les Etats gouvernent le marché de l’or gris dans les circuits internationaux : HC Starck (Allemagne), Cabot Corp., et Vishay Intertechnology (USA), ainsi que Sons of Gwalia (Australie). Ces bras armés des puissances constituent l’autorité économique du marché mondial et fournissent la grille de lecture des affrontements susmentionnés. Sons of Gwalia entre indirectement dans cette liste en extrayant en Australie près de 50% du coltan du marché sur la base d’accords de tonnages prédéfinis à long terme (plus de 10 ans) avec uniquement les deux géants du marché (HC Starck et Cabot Corp.). C’est en parallèle à ce référentiel fixe que fluctueront prix et quantité de coltan sur le marché, via les gisements congolais, notamment. L’affrontement des puissances américano-eurropéennes L’Europe et les Etats-Unis sont totalement dépendants des réserves étrangères en coltan. Si, aujourd’hui, l’Australie et le Brésil en exportent en quantité, l’enjeu géostratégique des puissances, qui raisonnent en termes de réserves, est en RDC. De fait, le coltan de la région du Kivu représente 60% à 80% des réserves mondiales de tantale (métal extrait du coltan). Pourtant, historiquement, influentes dans les Grands Lacs, les puissances européennes (Allemagne, Belgique et France) disputent la maîtrise de cet or gris à des Etats-Unis qui ont, depuis, acquis une position stratégique. L’enjeu pour ces Etats aux systèmes de défense de haute technologie est que le coltan, en plus de son potentiel économique substantiel, est « strategical » : « many of the applications for tantalum are either dircetly or indirectly defense related » (U.S. Department of the Interior) puisque le tantale est indispensable à l’industrie aéronautique, aérospatiale et de défense (réacteurs, missiles, satellites, etc.). Cette guerre économique se joue sur plusieurs champs de bataille, ce qui se traduit par un dispositif de contrôle de la filière coltan à plusieurs strates : sur le terrain, en RDC, la course au coltan pilotée par les Etats-Unis se fait sans éthique. Les quatre rapports onusiens dénonçant multinationales occidentales et individus nominativement n’ont concrètement eu pour effet que le développement de subterfuges destinés à brouiller les pistes de la provenance du coltan. Aujourd’hui, comme hier, les multinationales qui participent à l’extraction du minerai au Kivu financent indirectement la guerre par les taxes payées aux groupes rebelles qui maîtrisent les mines de la région. L’Allemagne, notamment, en lien direct avec le patronat germanique, y mène une franche guerre économique mêlée d’affrontements diplomatiques avec Kinshasa et des soutiens réguliers aux milices sécessionnistes et pro rwandaises. Berlin protège ainsi en période de conflits l’un des plus importants gisements de columbium (la partie col du coltan, moins lucrative que le tantale, mais essentielle aux secteurs industriels de pointe : énergie, aérospatial, transport) du Kivu, Lweshe, dont elle a la tutelle depuis 1994. En soutenant politiquement leurs multinationales, les puissances occidentales dessinent respectivement un échiquier géopolitique où les Etats pilleurs de la RDC, principalement le Rwanda mais aussi l’Ouganda et le Burundi, desquels le coltan quittera les Grands Lacs, sont des partenaires stratégiques. Les agences internationales de courtage et de transport du coltan amassé illustrent également des affrontements concurrentiels guidés par des préoccupations régionales. Les courtiers qui achètent le minerai pour le vendre aux métallurgistes, ont une obligation d’indépendance. En pratique, ce sont des partenaires ou des filiales des mêmes holdings miniers cherchant à maîtriser les sorties de coltan. A Kigali, où converge la très grande majorité des pillages du minerai à destination de l’Europe, ce sont exclusivement des compagnies européennes, parfois connues comme proches du pouvoir, qui assurent le transport du coltan vers le Vieux continent. Une répartition policée des tâches qui laisse suspecter l’influence de la « main invisible des puissances » (Christian Harbulot) à Brussels Airlines (Belgique) et Martinair (Pays-Bas). Par la voie aérienne jusqu’à Ostende ou Anvers, à SDV Transintra (Groupe Bolloré, France), par route jusqu’au port de Dar es-Salaam en Tanzanie, à Safmarine (Danemark) ; par la liaison maritime jusqu’à Anvers ou Ostende. La transformation du coltan (séparation de la colombite de la tantalite) est ensuite indispensable à toute utilisation industrielle. Cette technologie stratégique n’est maîtrisée que par cinq pays dans le monde. Via l’allemande HC Starck (filiale de Bayer AG, leader du marché) et l’américaine Cabot Corp. Qui se concurrencent ardemment 75 à 85% du raffinage, l’Allemagne et les Etats-Unis maîtrisent l’entrée sur le marché mondial de plus de 80% de tantale disponible. Cette position est stratégique pour contrôler en aval la diffusion du tantale. Elle est aussi, en soi, une victoire économique dans la mesure où par cette opération, le minerai acquiert près de 560% de valeur ajoutée. Les applications économiques du coltan ne sont d’ailleurs pas à négliger. Il appert, en effet, que la course aux concessions minières en RDC a été particulièrement stimulée par la ruée des fonds de pension américains. Avant la crise financière actuelle, 95% des acheteurs de concessions n’avaient pas d’argent à investir Le minerai n’était qu’un prétexte pour développer des démarches spéculatives très rémunératrices mais éloignées des réalités de production. Cette bien meilleure intégration des échafaudages financiers par la puissance américaine est un sérieux avantage concurrentiel sur les européens. Déjà dans les années 1950 puis en 2000, le tantale fut utilisé comme arme financière par le Defense National Stockpile Center américain qui gouvernait le marché en se dépossédant de centaines de tonnes de tantale auprès du London Stock Rxchange. Les entreprises manufacturières de tantale Kemet Corp., Vishay Intertechnology et AVX Corp., suivies de loin par la japonaise NEC/Tonkin et l’allemande EPCOS, témoignent enfin de la position préférentielle acquise par la puissance américaine en fin de chaîne. Celle-ci maîtrise ainsi 90% de la fabrication mondiale de condensateurs (opération par laquelle le tantale acquiert une plus value de 200%), composants indispensables à la confection des appareils électroniques et pour qui est destiné près de 70% du tantale du marché. Les Etats-Unis jouissent donc pour finir d’une position dominante sur les fabricants de produits finis (téléphones, informatique, etc.), c’est-à-dire en premier lieu les européens suivis du Japon et des Etats-Unis eux-mêmes. L’entrée en jeu d’une nouvelle stratégie de puissance La donne desdits affrontements n’est pas figée. Depuis un an, les puissances occidentales doivent faire face à l’arrivée d’un concurrent déroutant : la Chine. Opposant au jeu d’échec occidental la stratégie du jeu de go, l’empire du milieu pourrait pallier à sa position asymétrique en mettant la main sur de très grandes quantités de coltan congolais. De fait, le 17 septembre 2007, la Chine a signé « le contrat du siècle » en offrant à la RDC – qui se débat pour liquider sa dette extérieure – ce que l’Occident n’a jamais été capable de proposer : un troc infrastructures contre minerais (30 ans d’exploitation des ressources naturelles, dividendes repartis à raison de 68% pour la Chine, 32% pour la RDC) étayé par des milliards de dollars disponibles immédiatement (11 à terme) et sans interminables conditions. Notons, cependant, que si cette offensive permet à Pékin d’apparaître comme la planche du salut du régime de Kinshasa, la Chine s’adonne parallèlement depuis plusieurs années aux mêmes pratiques que les occidentaux en s’approvisionnant illégalement en coltan via le Rwanda. Si pour l’heure les chinois s’affairent au Sud, dans le Katanga (cuivre et cobalt), les deux chantiers routiers qu’ils mènent dans le grand Kivu sont certainement les outils d’une stratégie de conquête de l’espace progressive visant les réserves naturelles de la région. Vers un revers des puissances occidentales ? Les affrontements de puissances sur le coltan en RDC ont donc pour point commun un double jeu des acteurs, facilité et renforcé par l’implication des Nations unies dans la région. Jusqu’à ces dernières semaines, chacun répondait à ses intérêts stratégiques en soutenant à la fois le gouvernement de Kinshasa depuis New York et les entités trafiquantes ad hoc depuis sa capitale. Paradoxalement, la Monuc sert cette politique. En effet, le déploiement de la plus importante Opération de maintien de la paix (en troupes et en coût financier), vitrine de l’Organisation, montre une communauté internationale engagée en faveur du processus de paix. Cependant, l’extraction du coltan s’effectue dans le Kivu, une forêt dense où très peu de Casques bleus sont déployés et où de toute façon « la Monuc n’aime pas aller et ne veut pas prendre de risques », simplement, car elle ne sait pas s’y battre. Au mieux éliminera-t-elle quelques groupes rebelles à l’Est du Congo, laissant aux multinationales prédatrices du champ libre pour opérer plus aisément. Seulement, aveuglées parleur guerre économique, les puissances sont allées trop loin en téléguidant, composant et recomposant les alliances géostratégiques en RDC. Ce ne sont pas les cinq millions de morts générés par les conflits de la région qui posent problème. En revanche, l’avancée du chef tutsi Laurent Nkunda à l’Est du Congo, est, elle, très inquiétante pour les marionnettistes. Les puissances sont prises à leur propre jeu : si le fleuron des forces onusiennes subit une défaite en RDC, les Nations unies risquent de connaître un discrédit suffisant pour impacter substantiellement la géopolitique des grands de ce monde. Et dans untel scénario, ce sont les puissances occidentales qui ont le plu à perdre. Read more: lecongolais.cd/la-guerre-du-coltan-repositionner-le-jeu-des-acteurs-dans-le-paradigme-des-strategies-de-puissances/#ixzz2XLxkb6Ai
Posted on: Wed, 26 Jun 2013 20:30:27 +0000

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