Madagascar : Ce changement qui n’a jamais eu lieu posted by - TopicsExpress



          

Madagascar : Ce changement qui n’a jamais eu lieu posted by Madsoa Vendredi, 13 Septembre 2013 Le dernier mouvement populaire d’ampleur ayant eu pour conséquence un changement de régime, de gouvernants et d’une partie de la classe dirigeante, remonte au début de l’année 2009, soit il y a un peu plus de quatre ans. Pour rappel, après quelques semaines de flottement et l’installation d’un premier gouvernement fait de bric et de broc et rapidement décrié pour son amateurisme ainsi que pour les agissements plus que douteux de ses membres ; une nouvelle séquence politique que nous qualifierons de plus sérieuse a été discutée, négociée et adoptée avec l’aide et l’expertise de la Communauté internationale à travers des organisations telles que la SADC, l’Union Africaine (UA), le Groupe International de Contact pour Madagascar (Gic-M) ou encore l’Organisation Internationale pour la Francophonie (OIF), pour ne citer que ceux-là. Basée sur des standards internationaux et actée à travers la « Feuille de route », cette nouvelle transition, qualifiée d’inclusive et de consensuelle, a immédiatement été confrontée aux spécificités politiques locales et à une certaine opposition sous les prétextes fallacieux d’ingérence et de violation de la souveraineté nationale, et s’est donc logiquement désagrégée au point de bloquer toute initiative et toute ambition sérieuse vers une sortie de crise rapide et durable. En effet, cette nouvelle transition avait pour principale mission et finalité d’aboutir à l’organisation d’élections indispensables à un retour à l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire à l’avènement d’un président élu et d’un Parlement également composé d’élus, caution logique pour un retour à un minimum de stabilité politique, nécessaire à tout projet de refondation. Malheureusement et à l’heure où nous parlons, rien de tout cela n’a été concrétisé et nous faisons toujours face à une situation d’échec avec toutes les conséquences que l’on sait au point de vue politique, économique et social. Bien que les dates des futurs scrutins ont enfin été annoncées après moult tergiversations et moult péripéties quant à l’illégalité des candidatures de Andry Rajoelina, Lalao Ravalomanana et Didier Ratsiraka ainsi que d’un certain nombre d’autres candidatures initialement validées ; il semblerait que Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, chacun de leur côté mais pour une finalité commune – la confiscation du pouvoir – s’activent énergiquement pour que l’agenda des élections traine en longueur avec le secret espoir de faire capoter de nouveau la sortie de crise. Quant aux autres candidats déclarés, la plupart essaye de détourner à leur avantage cette situation pour promouvoir, à qui veut l’entendre, leur vision d’une sortie de crise, de relance et de refondation, cela au gré d’une précampagne qui ne dit pas son nom, mais qui est bel et bien effective. C’est dire l’irresponsabilité et le culot de certains de ces leaders politiques, à la fois pompiers et pyromanes, et dont l’urgence de la situation et la recherche d’une solution préélectorale véritablement pérenne, restent le cadet des soucis. Toutefois, si l’on impute le plus souvent au personnel politique et à lui seul, et pour cause, la responsabilité des échecs constatés après chaque changement de régime, ceci certainement par habitude, fainéantise intellectuelle et un brin de naïveté ; il est pourtant d’autres acteurs qui alimentent également cette situation d’échec et à qui l’on omet systématiquement de demander de rendre des comptes du fait peut-être de la difficulté de les identifier de façon catégorique, même si leur poids et leur influence au sein de la société ne doivent plus jamais être passés sous silence. Ils sont certes difficiles à identifier et pourtant ils ont la particularité de survivre et même de se renforcer à chaque changement de régime. Leur nombre et leur influence fluctuent selon que la nouvelle donne politique leur convient ou pas et sert ou pas leurs intérêts. C’est ainsi qu’ils participent de façon plus ou moins active à l’inertie de la société, freinent ou bloquent toute tentative de changement. S’ils ont une influence sur l’évolution de la société, c’est donc que logiquement et à leur niveau, ils disposent d’un certain pouvoir. Ce pouvoir peut avoir des ramifications politiques, ce qui est d’ailleurs généralement le cas, mais il est également d’ordre économique et social. Pourquoi économique et social, tout simplement parce que nous évoquons ici l’ensemble de cette classe dite « moyenne et supérieure ». Certes, cette classe est quantité négligeable à Madagascar au regard du nombre total de la population, cependant elle occupe une position intermédiaire et stratégique entre la masse infinie des démunis – ceux dont la seule force est le nombre – et les sphères les plus hautes du pouvoir, ceux qui gouvernent et leurs nombreux supplétifs. Cette position intermédiaire procure à cette classe moyenne et supérieure un certain nombre de privilèges et de monopoles qui influent directement sur divers aspects de la vie de la société. Ainsi et bien que réduite à peau de chagrin du fait de la crise politique, ils continuent d’avoir la main mise sur toutes les activités économiques du pays. Non content de phagocyter les activités économiques, ils ont également une influence certaine et néfaste sur son organisation sociale, car en plus de leur pouvoir économique, ils manient avec dextérité une particularité culturelle et traditionnelle bien ancrée mais que l’on tente de passer sous silence, c’est-à-dire l’organisation manifeste de la société sous la forme de « castes » couplée à une idéologie arriérée fortement teintée d’ethnisme. Avec l’ensemble de ces instruments, l’on imagine toute la puissance de ce groupe social et le jeu malsain qu’il entretien avec le sommet du pouvoir et le rôle « tampon » bien pratique qu’il exerce vis-à-vis des masses laborieuses que l’on empêche clairement de s’émanciper à travers différents stratagèmes élaborés au fil de l’histoire sociale et politique du pays. Ces différentes entités interagissent pourtant, cependant c’est l’action combinée de la classe moyenne/supérieure et des gouvernants qui portent le plus de tort aux masses laborieuses, aux plus démunis. L’ensemble des ressources les plus lucratives est accaparée par la classe moyenne/supérieure et les gouvernants, ne laissant que peu de marge de manœuvre à ceux qui n’ont déjà que le minimum pour vivre, parfois même pour survivre. S’il en avait été autrement, les différents changements de régime politique qui ont secoué l’histoire de Madagascar, auraient forcément conduit à un mieux être général à travers plus de développement et à un partage des richesses plus équitable. En effet, tous les événements politiques ayant conduit à un changement de gouvernants à Madagascar, ont toujours été motivés par une envie farouche de changement. Certes les mobiles et les slogans utilisés n’ont pas toujours été les mêmes, mais l’esprit et les motivations l’ont été : Libération de l’oppression politique des gouvernants, justice sociale et moins d’inégalité économique avec une meilleure redistribution des richesses, reconnaissance sociale et émancipation des plus démunis, de ceux à qui l’ont refuse systématiquement qu’ils revendiquent librement leurs droits les plus élémentaires, mais aussi qu’ils puissent seulement en disposer au quotidien. Malheureusement et comme tout un chacun peut le constater, en tout cas ceux pour qui tout cela a un sens et intéresse, les différents changements de régime, même les plus engagés et parfois les plus brutaux, n’ont jamais rien changé à la situation de Madagascar qui continue au contraire de s’enfoncer inexorablement, d’année en année, dans une espèce de dépression sans fond et qui affecte jusqu’à l’identité du pays, ses racines et bien entendu son avenir. A qui la faute ? On ne peut répondre à cette interrogation si l’on ne met pas en lumière les différentes composantes actives et impliquées de la classe moyenne et supérieure malgache. Nous les classerons par ordre d’importance du fait de leurs interactions avec le pouvoir politique détenu par ceux qui gouvernent effectivement le pays et des conséquences néfastes de leurs actes. Le personnel judiciaire et les auxiliaires de justice En premier lieu, nous pouvons mettre en exergue le personnel judiciaire à savoir les magistrats et les auxiliaires de justice. On constate à leurs actions passées et présentes qu’ils ont énormément contribué à l’immobilisme de la société, voire à son délitement et à son pourrissement progressif. Ils ont été la caution morale, légale et juridique des changements anticonstitutionnels de régime et se sont particulièrement distingués par exemple lors de la validation, par deux fois et à quelques semaines d’écart, de l’élection controversée de Marc Ravalomanana en 2002 et ensuite pour la validation du coup d’État perpétré par Andry Rajoelina en 2009. Le symbole mais aussi l’instrument de ces forfaitures graves n’est autre que la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) et son corollaire transitoire, la Cour Électorale Spéciale (CES), entités controversées qui ont beaucoup de mal à se remettre en cause, possédant un pouvoir de décision quasi divin et dont les compétences, que l’on peut qualifier de discutables, le dispute à une morale et à une éthique clairement douteuses. Bien que ces « faiseurs de roi » se soient quelque peu rattrapés après leur énorme bévue qui a consisté à valider sciemment des candidatures frappées d’irrégularité manifeste, on ne peut s’empêcher de continuer à nourrir des doutes quant à leur impartialité présente et future. Impartialité dont ils jouent du fait de l’impunité qu’ils se sont habillement appropriée au fil des ans, mais aussi des nombreux arrangements à travers la manipulation infinie des lois ainsi que d’une bonne dose d’un corporatisme vulgaire et inapproprié qui les empêche de se juger et de se punir entre eux. Comment ne pas également évoquer leur perméabilité, tout aussi illégale et immorale, à la corruption, avec des décisions de justice rendues à la carte et minutieusement tarifées. Des faits avérés qui font dire que : « Tout autant que le personnel politique, le personnel judiciaire doit faire l’objet d’une surveillance ténue et sur qui les pressions internationales comme nationales ne doivent jamais être relâchées tant que des réformes profondes n’auront pas été entreprises et appliquées. » Les oligarques En second lieu, on peut évoquer les « oligarques », cette faune à tendance affairiste et criminelle, au contour vague et flou, mais dont la capacité de nuisance n’est également plus à démontrer. Il faut évidemment éviter l’amalgame avec les entrepreneurs dotés d’un véritable sens moral et une éthique aigue et qui créent entreprises et emplois dans le respect des lois et des règles élémentaires en matière d’économie et de devoir envers leurs salariés et l’État. Cependant combien sont-ils exactement, et combien n’ont pas versé dans l’illégalité au regard d’un pays rongé par une corruption généralisée ? Toujours est-il que sera invoqué ici ceux qui, à l’instar de la majorité du personnel politique qu’ils côtoient d’ailleurs assidument dans une interdépendance bien utile, usent et abusent en toute impunité de leurs prérogatives pour s’enrichir illégalement, cela évidemment au détriment des ressources le plus souvent naturelles et uniquement naturelles dont dispose le pays. Outre le fait que leurs activités n’ont jamais apporté une once de valeur ajoutée à l’économie, ils ont, par leurs comportements et leurs actions, introduit et amplifié au sein de la société des comportements déviants qui influent sur la perception que l’opinion publique a de ce que devrait être un modèle de réussite. En effet, il est dorénavant acquis dans l’inconscient populaire que la réussite sociale est indissociable d’un certain nombre d’entraves à la légalité, ce qui en soit est déjà très grave. En plus clair, pour réussir sa vie à Madagascar, quand on est un Malgache de souche et qui n’a d’autres atouts que son environnement quotidien, la seule méthode consiste à adopter un profil quasi mafieux, dénué de toute éthique et où la ruse, la duplicité et la brutalité le dispute au bout du compte à l’arrogance. Partout on voit s’ériger des constructions plus ou moins réussies et édifiées visiblement au mépris de tout plan d’urbanisme. Mais que cache en réalité cette inflation galopante et anarchique ? La réponse se trouve dans l’affirmation d’un de ces entrepreneurs en construction immobilière : « Si l’on devait attendre d’avoir toutes les autorisations nécessaires pour poser la première brique, vos concurrents, eux, en seraient déjà à leur deuxième édifice. Tout le monde ici enfreint la loi mais chacun y trouve son compte à coup de corruption. » Les fonctionnaires de l’État passent quasi quotidiennement pour réaliser leur petit racket, et ceux qui construisent, se drapent de l’illusion de bâtir l’avenir dans un capharnaüm qui fait le plus souvent fi des normes de sécurité, tant pour ce qui est des constructions et les différents codes régissant le bâtiment, mais aussi pour le personnel qu’ils emploient à les réaliser. Évidemment cette mentalité ne sévit pas que dans la construction ou l’immobilier, phénomènes certes les plus visibles. Quasiment tous les secteurs d’activités ont adopté ce mode de fonctionnement qui veut qu’avec l’argent, on peut tout acheter, même une façade et une respectabilité. Quant à l’illusion de construire l’avenir, elle est plombée par l’esprit même qui la motive et où s’entremêle l’arrogance, le sentiment d’impunité, une fierté déplacée et une vision minimaliste, sans grand intérêt que celui d’avoir singé ce qui se fait ailleurs et de s’imaginer ainsi, pensent-ils sincèrement, être l’égal du reste du monde, tout du moins dans ce qu’ils appellent fièrement, « l’esprit d’entreprise ». Cependant il faut bien plus que cela pour édifier une nation, sinon nous n’en serions pas où nous en sommes aujourd’hui, avec un pays classé comme désormais le plus pauvre du monde, cela malgré l’esbroufe et il faut bien le dire, les paillettes chères à cette faune qui verse également dans des activités nettement plus opaques et bien plus lucratives, dangereuses et destructrices. Il n’est un secret pour personne que Madagascar est devenu en quelques années une plaque tournante du trafic de drogue ainsi que du blanchiment d’argent. On ne sait pour le moment quelle est l’ampleur exacte de ce type d’activité criminelle, cependant les preuves s’accumulent, non pas à Madagascar puisque ce phénomène est peu ébruité, mais dans les pays riverains qui interceptent régulièrement les victimes consentantes de ce trafic qui, par exemple, servent de « mule » pour transporter sur elles des produits stupéfiants tels que l’héroïne et la cocaïne depuis Madagascar afin d’alimenter les iles alentours comme l’Ile Maurice, La Réunion ou Mayotte. Que dire également de ces nombreuses sociétés qui sous couvert de fournir de la main d’œuvre à l’étranger en échange de la promesse d’une vie meilleure, envoient littéralement à l’abattoir nombre de femmes Malgaches dans des pays comme le Liban et maintenant ceux du Golfe, désertés par les Philippines écœurées du traitement inhumain qui leur a été accordé. Les récits sordides de femmes violées ou brutalisées par leurs employeurs peu scrupuleux défraient la chronique, sans que cela n’émeuvent finalement quiconque et ne portent à conséquence pour les coupables. Combien de femmes décédées portant des traces de violence sont rapatriées, quand c’est le cas, à Madagascar sans qu’aucune société ayant pour activité le placement de personnel à l’étranger, et ayant visiblement pignon sur rue, n’ait eu à s’expliquer sur ce qui relève clairement de la traite humaine. Ce silence coupable est à l’image de la désagrégation de la société malgache pour laquelle l’appât du gain fait taire toutes formes d’éthique, de morale et finalement de respect des droits humains, puisque désormais, certains Malgaches à l’esprit d’entreprise dénué de toute morale, considèrent leurs congénères comme de la simple marchandise dont il ne faut pas avoir honte de tirer profit, même si la mort en est le plus souvent la conséquence. A moult reprises les complicités entre les décideurs politiques et les sociétés à l’origine de ce trafic immonde ont clairement été établies sans que la Justice ni quiconque d’ailleurs n’intervienne. C’est la preuve que des intérêts communs et convergents, bien évidement pécuniaires, lient entre elles tous ses acteurs de l’exploitation de la misère humaine. Nous n’allons par revenir longuement sur le trafic de bois de rose et ses conséquences sur un environnement par ailleurs déjà largement dépouillé de sa substance et qui n’est plus que l’ombre de lui-même en termes de biodiversité. Ceci dit, ce trafic ultra lucratif a atteint un stade industriel sous l’ère Ravalomanana et n’a depuis plus jamais baissé en intensité au vue des profits qu’il engendre et de l’impunité totale que s’octroient les trafiquants, leurs complices et commanditaires qui siègent dans les plus hautes sphères de l’État. Il en est de même des trafics concernant les métaux et les minerais précieux comme l’or qui sortent illégalement du pays en quantité impressionnante sans qu’une fois encore, quelle qu’entité que ce soit ait quelque chose à y redire, même pas ceux qui gouvernent, ce qui sous-tend également qu’ils sont largement impliqués, notamment dans la délivrance des documents officiels et autres autorisations permettant aux criminels et aux produits de franchir librement les frontières. Plus subtil, sinon plus opaque et aux conséquences incalculables pour l’avenir du pays et de sa population, il faut également évoquer l’accaparement des terres par des multinationales étrangères peu scrupuleuses, qui depuis l’affaire Daewoo sous l’ère Ravalomanana, encore lui, n’a finalement pas connu d’arrêt ni même de trêve. Sans ambigüité aucune, les auteurs de ses graves forfaits ne peuvent être que de très hauts responsables gouvernementaux, seuls habilités à autoriser et à valider ce genre de transaction. Tous les regards se tournent vers quelques-uns d’entre eux et qui à l’entame de cette propagande électorale qui ne dit pas son nom, cherchent à se dédouaner et à redorer leur image dans un numéro de communication pathétique consistant à étouffer l’odeur et la réputation nauséabonde de petits fonctionnaires sans véritable avenir et soudainement propulsés au devant de la scène à la faveur d’un coup d’État et d’un poste ministériel, donc décisionnel, bien mal acquis. Si toutes ses affaires et les criminels qui en sont à l’origine n’ont que peu d’échos auprès de l’opinion publique, c’est que quelque part quelqu’un, une entité ou une institution ne joue pas son rôle, ce qui nous amène à évoquer la presse et les médias. La Presse et les médias Longtemps, la presse a été considérée comme le 4e pouvoir dont la fonction est de rendre public tous les faits et toutes les opinions. Sa vigilance est constamment sollicitée pour mettre à nu les motivations secrètes qui animent la vie politique, et de contraindre les hommes publics à venir tour à tour s’expliquer sur leur démarche face à l’opinion, pour que cette dernière puisse juger de leur pertinence. Cependant, qu’en est-il à Madagascar ? Le constat est sans appel, l’information en tant que telle est devenue le parent pauvre du journalisme, elle a été largement supplantée par l’industrie galopante et futile du divertissement. Au moment où l’opinion publique a le plus besoin d’un éclairage sérieux, approfondi, exhaustif et pluraliste sur la situation que traverse le pays, les médias, eux, se sont engagés dans une course folle au fait-divers et au buzz. Dans cette course à l’échalote, chacun y va de son bon mot ou de la petite phrase qui fera mouche tout en oubliant l’essentiel, l’information, la vraie. Bien sûr qu’il faut s’adapter au changement que subit la presse et les médias en général, néanmoins quand on n’a jamais vraiment été crédible même quand l’information tenait encore une place centrale et prépondérante, comment voulez-vous le devenir en alignant « buzz » après « buzz » sous prétexte qu’à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, il faille toujours avoir quelque chose à dire, au risque de perdre son lectorat. La presse malgache est donc une espèce de coquille vide. Le plus souvent inféodée, elle appartient quasi exclusivement à des groupes industriels, à des hommes d’affaires ou à des hommes politiques dont elle défend, de façon détournée, les opinions, les orientations politiques, économiques et parfois sociales. Elle se plaint par intermittence d’être victime de la censure et réclame plus de liberté dans l’exercice de ses fonctions qui normalement, comme cela a été évoqué, consistent principalement à diffuser l’information. Toutefois et à en juger par la qualité de certaines publications, l’on comprend pourquoi elles ne font pas le poids quand le couperet tombe et qu’on tente d’interrompre leurs activités. En effet, l’on a beaucoup de mal à défendre une position quand celle-ci n’est pas suffisamment ancrée et crédible. En journalisme, cela l’est d’autant plus. Or combien de journaux peuvent se targuer d’avoir réalisé de vraies enquêtes, d’avoir réalisé des reportages sérieux ou même mené des investigations sur les nombreux sujets de société comme ceux qui viennent d’être mis en exergue ? C’est de part la qualité de ses publications qu’un organe de presse sera plus ou moins attaqué ou mis à l’index. Un journal sérieux avec une ligne éditoriale identifiée et constante, conscient de son rôle comme celui d’instituer le débat public, de découvrir l’information, de la diffuser et de confronter les opinions n’aura que peu de chance de subir des pressions. Ses atouts devraient être l’indépendance, le sérieux et parfois l’impertinence face à la pensée unique, cas concret auquel Madagascar a toujours été plus ou moins confronté. Malheureusement, peu de médias malgaches répondent à ces critères. Ils existent certes, se multiplient même de façon exponentielle, mais n’ont que peu d’influence sur l’opinion publique et les choix de société qu’ils devraient, au préalable, éclairer de leurs informations. Or, il semble que la presse malgache a clairement peur de prendre ses responsabilités, de mettre en avant la pluralité et la diversité des opinions, ce qui est dommageable. Au mieux elle sert de caisse de résonance à quelques politiciens en mal d’arguments et d’auditoires, au pire, elle s’avachit dans une routine confortable, en devenant entre autre un simple outil marketing à l’usage de ces nouveaux « gourous éphémères » du web et des réseaux sociaux que sont les « Community manager ». Bonimenteurs modernes et connectés, qui n’ont pas la hauteur, ni le talent, ni la conviction nécessaire pour agiter des idées ou mener des réflexions, mais rétribués uniquement pour vendre des services et autres produits ou marchandises. Puisque le journalisme n’incite plus à la réflexion et a déserté le débat public, qu’en est-il des intellectuels et des leaders d’opinion ? Intellectuels et leaders d’opinion Si la presse et les médias ont plus ou moins déserté l’arène de la confrontation d’opinions, qu’en est-il donc des intellectuels malgaches ? Madagascar est frappé de pauvreté matérielle que l’on peut imputer à l’indigence cérébrale des différents dirigeants qui se sont succédés à la tête du pays. Mais Madagascar est aussi frappée de pauvreté intellectuelle, ce qui est plus grave encore, parce qu’il n’y a dès lors plus personne, entité, organisation libre et indépendante pour s’opposer aux desseins morbides d’une classe dirigeante toute entière obnubilée par l’appât du gain, le pillage irresponsable des ressources et le traitement inhumain imposé à ceux – majoritaires – qui n’ont pas droit à la parole. Il n’y a pas à Madagascar d’intellectuel qui alerte, dénonce et s’oppose aux dérives graves des gouvernants, de leur exercice du pouvoir et du cadre – illégal, anarchique et aux relents mafieux – dans lequel tout cela s’exerce. Il n’y a pas non plus d’intellectuel qui alerte sur les dérives de la société, notamment s’agissant des droits humains et du peu de cas que l’on accorde à la dignité humaine en général. Certes, il y a quelques « voix autorisées » qui s’élèvent de temps à autre, mais outre le fait qu’elles sont sporadiques et donc sans effet, elles émanent d’intellectuels qui cherchent avant tout la gloire et le respect, tels des penseurs de métier, des chiens de garde qui agissent dans une optique purement médiatique, en gardiens des dogmes et des doctrines d’une société à la dérive mais qu’ils n’ont pas l’intention d’aider à se redresser. Outre le fait qu’ils ne s’opposent que mollement aux pratiques politiques déviantes, ils sont par ailleurs tout bonnement muets en matière d’économie, de vie sociale et de lutte des classes. Aucun d’entre eux ne s’est jamais fait entendre par exemple sur le calvaire des dorénavant 92% de Malgaches vivant sous le seuil de pauvreté. Rien d’étonnant à cela, puisque ces intellectuels là sont issus de cette bourgeoisie malgache déphasée et qui s’arc-boute sur des valeurs surannées, dans un environnement sujet à une consanguinité physique comme morale. Ce ne sont ni des intellectuels universels, ni des intellectuels collectifs, en réalité, ils n’ont d’intellectuels que le nom et l’apparence. Si on leur demandait de refaire le monde, ils le referaient certainement à l’identique. Ils n’ont pas l’âme de personnes qui s’engagent et qui risqueraient tout leur être sur la base d’un sens constamment critique. Il ne faut pas attendre d’eux qu’ils refusent, quel qu’en soit le prix, les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens du pouvoir et autres esprits conventionnels. A bien y regarder, ils ne sont en fait qu’une excroissance, un prolongement des différents pouvoirs qui se succèdent, leur objectif est une certaine forme de stabilité pour conforter leurs acquis et leurs biens. Ils n’ont pas pour dessein de défendre les faibles et les perdants, ni encore moins de prendre la parole pour eux, ils servent avant tout leurs propres intérêts comme tout le reste de la « clique » précédemment citée. Quelles conclusions mais aussi quelles leçons peut-on et doit-on tirer de l’ensemble de ces faits ? Tout d’abord, il est une donnée qui se suffit à elle-même, après plus de quatre ans de transition, Madagascar obtient le titre peu reluisant de pays le plus pauvre du monde. Ce constat amer aurait dû inciter les esprits à prendre conscience de la gravité extrême de la situation, comme il aurait dû inciter l’ensemble des Malgaches à réagir promptement et de prendre leur responsabilité pour faire face à l’absurdité chronique du jeu politique tel qu’il se pratique dans ce pays. Il aurait été simple de ne désigner qu’un seul coupable, mais c’est là une erreur classique, car en réalité, nous sommes tous coupables. Coupables de notre égoïsme, de notre ego, de nos certitudes, de notre laisser-aller, de notre manque de rigueur, d’engagement et de détermination face à l’adversité. Se renvoyer la balle à chaque instant est le signe d’une imbécilité consommée. Cependant, il est des idiots incurables, à ceux-là, il n’y a plus rien à faire pour les remettre sur le droit chemin, car leur esprit s’est mué en un fanatisme écœurant qui les rend insensibles à toutes argumentations, même les plus sérieuses. Quant à ceux qui pensent qu’il vaut mieux ignorer la politique et tout miser sur l’économie, la chute risque d’être rude, car ce qu’ils pensent être immuable, pourrait être balayé du jour au lendemain, soit parce que l’État finira par jouer véritablement et pleinement son rôle et mettra au pas toutes ces sociétés faites de bric et de broc, longtemps habituées aux passe-droits et à la corruption ; soit par une nouvelle crise politique plus violente encore que les précédentes dont beaucoup ne se relèveront pas, investisseurs étrangers y compris. On peut donc continuer à imputer au personnel politique la responsabilité des échecs répétés que connaît Madagascar en termes de développement humain, social et économique, comme on peut continuer à couper les têtes des plus hauts responsables politiques comme cela a toujours été le cas jusqu’ici ; rien ne changera fondamentalement si l’on ne se penche pas sérieusement sur le rôle fondamental de ceux qui constituent les rouages de ce système à bout de souffle. Dès à présent il faut remettre à plat les rapports de force entre les différentes couches sociales, briser les monopoles, remettre en cause toute une série de traditions castratrices, devenue des instruments de domination aux mains d’une classe moyenne et supérieure vautrée dans l’immobilisme, accaparée et aveuglée par la réalisation et la protection de ses seuls intérêts, ce qui au bout du compte constituent le principal frein au changement tant attendu et tant souhaité. madagasikara-soa/madagascar-ce-changement-qui-na-jamais-eu-lieu/
Posted on: Fri, 13 Sep 2013 15:53:39 +0000

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