Max von Oppenheim, le « Abou Djihad » allemand et - TopicsExpress



          

Max von Oppenheim, le « Abou Djihad » allemand et l’expédition Niedermayer-Hentig septembre 7, 2010 par clarisse | 3 Commentaires Wolfgang Ischinger, ambassadeur d’Allemagne aux États-Unis, commentant l’accueil des forces allemandes à Kaboul en 2001 : « L’Allemagne a été l’unique et toujours fiable amie de l’Afghanistan tout au long du 20e siècle ». afghanistan_1916 Max von Oppenheim, le drapeau afghan en 1916, Oskar Ritter von Niedermayer . Dr. Syed Waqar Ali Shah, titulaire de la chaire d’histoire à l’université de Quaid-e Azam d’Islamabad : « Bien avant le début de la guerre de 1914, les stratèges militaires allemands avaient compris qu’en cas de conflit, l’Inde serait le plus grand réservoir de troupes et de main d’œuvre de l’empire britannique. Y avait-il un moyen de prévenir le départ des troupes britanniques et indiennes vers le théâtre européen? L’influent général Friedrich von Bernhardi écrivait en 1911 dans son livre L’Allemagne et la prochaine guerre la nécessité d’une étroite coopération entre l’Allemagne et les révolutionnaires indiens contre les Britanniques, et exprimait l’espoir que les hindous et les musulmans puissent collaborer pour détrôner le Raj. Devant l’impossibilité de rallier la Perse comme alliée, à cause des fortes présences britannique et russe, l’État-major allemand comprit rapidement l’importance stratégique de l’Afghanistan, état-tampon entre les sphères d’influences russe et britannique en Asie centrale. Deux expéditions à Kaboul furent organisées simultanément en 1915 par le Haut commandement allemand et le Nachrichtenstelle für den Orient (NfO), le service de renseignement allemand en Asie, avec le support allié de l’empire Ottoman.« La première expédition afghane Le lieutenant Oskar Ritter von Niedermayer a déjà effectué plusieurs voyages en Perse et Inde pour étudier les possibilités de soulèvement local contre l’empire britannique lorsqu’il est choisi pour accompagner Wilhelm Wassmuss, le Lawrence allemand, et la mission ottomane. Conçue par Enver Pasha, cette première expédition de 1914 devait traverser la Perse et l’Afghanistan avec comme objectif de rallier les tribus locales à la lutte contre les empires coloniaux de la région (Russie, Empire britannique). La délégation allemande, choisie par Max von Oppenheim, l’historien-archéologue qui dirige le Nachrichtenstelle für den Orient (NfO), et Arthur Zimmermann, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, était escortée par une centaine de soldats turcs. Mais l’expédition est abandonnée en route, à cause de la difficulté pour les Allemands d’accepter un commandement turc, et de la confiscation d’une partie du matériel par les autorités roumaines. Il y aura une grave conséquence à cette expédition: Wassmuss, qui a quitté l’expédition bloquée à Constantinople, se rend en Perse pour agiter les tribus. Capturé par les Britanniques, il s’évade, mais en perdant son livre de chiffrement. Les Britanniques et leurs alliés vont alors pouvoir lire les messages codés allemands. En 1917, l’affaire du télégramme Zimmermann, proposant au Mexique une alliance militaire, va précipiter l’entrée en guerre des États-Unis. zimmermann_telegram L’expédition Niedermayer-Hentig En 1915, Oskar Niedermayer repart pour Kaboul avec le diplomate Werner Otto von Hentig. La mission est secrète et a pour objectif est le ralliement de l’émir Habibullah Khan. Ils sont accompagnés par Raja Mahendra Pratap et les membres de l’organisation révolutionnaire indienne du Comité de Berlin (Maulavi Barkatullah et C.R. Pillai), et par Kazim Bey, proche conseiller d’Enver Pasha, qui représente les intérêts ottomans. Les aléas et rebondissements de l’expédition sont nombreux, entre les maladies, les ruses des espions britanniques et russes, les double voire triple jeux de certains et la chasse de Sistan Force lancée à leur poursuite, qui a pour mission de les arrêter par tous les moyens. sistan_force_at_gusht La Sistan-Force commandée par Reginald Dyer à Gusht en juillet 1916. Arrivés à Kaboul, les ennuis ne sont pas terminés, car l’émir Habibullah se révèlera finalement indécis et sous influence des Britanniques. Néanmoins certaines négociations ont quand même lieu: ainsi, le Gouvernement provisoire de l’Inde est formé le 1er décembre 1915, avec Raja Mahendra Pratap Singh comme président et Moulana Barkatulla comme premier ministre. indian_german_turkish_delegates_of_niedermayer_mission1 Les délégués à Kaboul, 1916 : Maulavi Barkatullah, Werner Otto von Hentig, Mahendra Pratap, Kazim Bey, Walter Röhr. Un traité secret conclu entre le gouvernement royal d’Afghanistan et le gouvernement provisoire indien comprend une clause prévoyant la mise à disposition de 50 000 soldats afghans pour combattre l’armée britannique en Inde. Suivant la coutume, il est prévu de verser au gouvernement afghan une compensation financière pour chaque soldat tué. Peu satisfaisante pour l’Allemagne, cette expédition aura d’importantes conséquences géopolitiques dans la région : une étape dans les processus d’indépendance de l’Inde et de l’Afghanistan, des répercussions en Russie (politique communiste au Tibet et en Inde) et pour l’émancipation des musulmans en Inde, sans compter les liens personnels entre les clans et leaders afghans, indiens et iraniens. Niedermayer et Hentig publieront chacun un livre sur cette expédition: Im Weltkrieg vor Indiens Toren. Der Wüstenzug der deutschen Expedition nach Persien und Afghanistan et Von Kabul nach Shangai. En 1969, Werner Otto von Hentig sera l’invité d’honneur du roi Mohammed Zahir Shah lors des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance afghane. elefantenbatterie infanterie_afghane 84 royal_afghan_army_on_parade © photobucket (8 – 85 – 84 – 83) La « conspiration indo-allemande » et le « djihad allemand » L’expédition Niedermayer-Hentig fait partie de la conspiration indo-allemande, un vaste plan d’actions et de propagande destiné à déstabiliser l’empire britannique sur ses territoires coloniaux entre 1914 et 1917, utilisant complots, mutineries, alliances secrètes, et guérillas nationalistes. Cette mission secrète va aussi tenter de mettre en application sur le terrain la stratégie asymétrique de Max von Oppenheim: l’utilisation politique du djihad en Asie au profit de l’Allemagne en Europe et de l’empire ottoman en Asie. • les principes du djihad germano-ottoman C’est en 1898 qu’Oppenheim présente au Kaiser le potentiel stratégique du djihad ottoman. Il travaille sur ce concept pour présenter en octobre 1914 son plan magistral de 136 pages, Denkschrift betreffend die Revolutionierung der islamischen Gebiete unserer Feinde – Apporter la révolution dans les territoires musulmans de nos ennemis. Ce plan a trois objectifs: - la défaite de l’Angleterre par la conquête de l’Égypte et le soulèvement en Inde ; - la victoire de la Turquie sur la Russie par une bataille terrestre dans le Caucase ; - la révolution dans les territoires français (Tunisie, Algérie et Maroc). (la propagande anti-française au Maroc en 1915 est bien expliquée ici). « Dans cette guerre qui nous est imposée par l’Angleterre« , conclut Oppenheim, « l’Islam sera une de nos armes les plus importantes.« Le plan aussi prévoit que les prisonniers de guerre musulmans, sikh et indiens capturés chez l’ennemi soient internés dans des camps en Allemagne dès 1914, pour être instruits et incités à se révolter contre leur puissance coloniale. Deux de ces camps spéciaux, “Weinberg Lager”/ “Vineyard Camp” et “Halbmond Lager” / “Halfmoon Camp” sont situés à Wünsdorf, près de Berlin. L’exécution de ce plan conjoint, accepté par l’empereur et le sultan, consiste pour Enver Pasha à conduire le djihad contre les Britanniques, les Français et les Russes. Berlin fournit argent, experts, matériel militaire et propagande. Les sujets musulmans de l’Inde britannique, d’Égypte, d’Afrique du Nord et d’Asie doivent ensuite rejoindre la lutte pour combattre leurs puissances coloniales sous la bannière d’un califat ottoman. • le réseau de propagande allemande Toute une organisation de propagande est mise en place, dirigée par le nouveau Bureau oriental du Ministère des Affaires étrangères créé pour Oppenheim, avec pour objectif de déclencher agitation et rébellion dans les populations musulmanes des territoires ennemis. 75 centres de propagande sont ainsi établis dans l’empire ottoman comme bases de cette guerre asymétrique. • la mise en œuvre du djihad Comme prévu, le sultan proclame le djihad contre les infidèles. Mais plusieurs questions restent posées : - Le sultan ottoman est-il reconnu comme calife légitime pour mener un combat unifié au nom de l’islam? - Est-il permis de combattre au côté de certains infidèles contre d’autres infidèles? - Et est-il permis de tuer des musulmans défendant ces ennemis infidèles? Pour y répondre, comme prévu, une fatwa est édictée en novembre par la plus haute autorité religieuse ottomane, le Cheikh-ul-Islam. Le djihad contre les ennemis du Califat islamique est le devoir de chaque musulman et s’y soustraire est contraire au Coran. Il est interdit aux soldats musulmans des puissances ennemies de combattre les troupes musulmanes du califat, ainsi que celles de leurs alliés allemand et autrichien. Il est permis aux musulmans de se battre au côté des infidèles alliés au califat contre les infidèles ennemis et leurs combattants musulmans qui ne respecteraient pas la fatwa. Cette fatwa est traduite en plusieurs langues et des agents d’influence locaux sont recrutés, utilisant pour chaque cible les ressorts psychologiques adaptés. Des pamphlets et textes appelant à la révolte vont inonder les empires coloniaux ennemis. Le plan ottoman va utiliser les deux formes du djihad que sont le petit djihad (al-jihad al-asghar, petite guerre) qui est temporel, et le grand djihad (al-jihad al-akbar, grande guerre) qui est spirituel. Le petit djihad inclut le prosélytisme, le conflit armé, l’assassinat, le meurtre et le terrorisme. C’est l’homme face au monde. Le grand djihab est la lutte contre soi-même, le travail personnel contre ses défauts et démons. C’est l’homme face à lui-même et son créateur. Le plan ottoman de 1914 va habilement redéfinir ces deux termes: le grand jihad devient la guerre sainte universelle pour la gloire du califat islamique ottoman, et le petit djihad une guerre sainte menée par/pour un seul État. • bilan À la fin de la guerre, le bilan du plan d’Oppenheim et d’Enver Pasha n’aura finalement pas été très positif, malgré tout l’argent dépensé par l’Allemagne, la majorité des populations musulmanes n’ayant pas rejoint les rangs du califat ottoman. Ce plan aura eu aussi d’autres conséquences, comme le génocide arménien, la naissance du mouvement des Frères musulmans, et le principe de légitimisation religieuse des alliances terroristes. Par contre, les graines semées de la révolte et du nationalisme vont croître et leurs arbres divers prospérer dans toute la région. Mémoires lointaines, liens d’aujourd’hui Cette politique orientale de l’Allemagne a tissé des liens avec l’Afghanistan et l’Inde. De la complexité des tourbillons terribles de l’histoire du XXe siècle en Orient ressortent quelques lignes immuables, chemins vivaces et particuliers tracés par les liens invisibles de la mémoire. halfmoon1 Le camp de prisonniers de guerre « Halfmoon » Le cinéaste Philip Scheffner et l’anthropologue Britta Lange ont commencé en 2006 le travail The Halfmoon Files –toujours en cours– sur l’esprit, la mémoire, le fantôme des traces humaines comme la voix, et leur rôle dans la construction/lecture de l’histoire, dans ce moment particulier de la relation Allemagne-Inde qu’a été la première guerre mondiale. C’est la découverte d’archives sonores et photographiques oubliées de soldats indiens internés dans le camp allemand « Halfmoon » de Wünsdorf pendant la première guerre mondiale qui déclenche le projet: «L’écoute de ces voix a été une expérience spectrale. Une histoire de quelqu’un métamorphosé en fantôme. Mais le fantôme est puissant, pas juste une victime. Il échappe au contrôle du narrateur.» « Il était une fois un homme » : le jeune soldat sikh Mali Singh a prononcé ces mots, fixés sur microsillon le 11 décembre 1916 dans le camp de prisonniers de Halfmoon à Wünsdorf, près de Berlin. - See more at: alliancegeostrategique.org/2010/09/07/max-von-oppenheim-abu-jihad-allemand-expedition-niedermayer-hentig/#sthash.9ubfNvwl.dpuf
Posted on: Sat, 05 Oct 2013 06:31:22 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015