Mon Témoignage suite de mon Dépot de plainte Il n’a plus - TopicsExpress



          

Mon Témoignage suite de mon Dépot de plainte Il n’a plus d’emprise Cette nuit fut mouvementée, jétais à la fois heureuse dêtre à jamais hors des griffes de mon père, mais javais aussi ce sentiment de culpabilité qui me rongeait. Comment mettre fin à ce dictat sous lequel jétais depuis mon enfance en une nuit, cétait impossible. Et cest bien le drame des victimes, si à un moment de courage extrême ils ou elles décident de mettre au grand jour ce que leur bourreau leur fait subir, ils faut quils aient en face deux des gens qui les croient. Pour ma part ce fut mes employeurs dans un premier temps, puis ces deux gendarmes, si ce navait pas été le cas, je naurai rien pu faire pour sortir de ma vie, et cest le drame que beaucoup de victimes rencontres sur leur parcours tous les jours. Linceste est une blessure profonde, un bain de boue dans lequel nous restons depuis lenfance, se sortir de cette boue nest pas chose facile. Il ne suffit pas seulement den prendre conscience, car toutes les victimes ou presque se rendent compte de la situation dans laquelle elles sont, mais il faut un élément déclencheur à limage dun levier qui soulève une pierre trop lourde, lélément déclencheur est indispensable à la victime pour sen sortir. Pour moi, ce fut lamour que je portais à ce jeune homme qui a été pour moi un don du ciel, pas dans la mesure où il était parfait, mais surtout parce que lamour que je ressentais pour lui me permettait de soulever des montagnes, ladage qui dit que lamour est plus fort que tout est parfois une réalité. La dénonciation est une pénible lutte contre plusieurs facteurs: le premier est léducation que nous avons reçue, qui consiste à penser que ce qui arrive doit rester un secret quoiquil arrive, quil ne faut pas parler, et que les autres sont une menace. Il y a aussi le renfermement sur soi-même, et surtout sur son univers, le mépris de son cœur et de ses sentiments. La déstructuration complète de son soi en tant quêtre humain, le respect de son corps qui nest là que pour assouvir le besoin de lautre, toutes ces choses font la personnalité de la victime; elle est là pour son bourreau, elle ne survit que parce que au fond delle-même réside une lueur de vie. Renoncer à tout cela est une épreuve importante, il sagit de se retourner contre tout ce qui régit votre vie, tout ce qui a été inculqué comme étant « la norme ». Cela est difficile à comprendre je crois, pour les personnes de lextérieur, de ne pas se débattre lorsque lon commence à grandir. Oui, mais encore faut-il ne pas avoir ce contrôle permanent, cette dépendance psychologique, cette prise en otage perpétuelle de lesprit, rabaissant et avilissant constamment la victime, lui ôtant tout envie de vivre, de découvrir autre chose, cette honte aussi, toujours présente chez la victime, encore plus au moment de la dénonciation, honte de dévoiler au grand jour tout ce quil ou elle a subi. Les trois principaux piliers sur lesquels le silence de la victime repose sont la honte, la culpabilité, et la solitude. La honte, car il faut mettre au grand jour ce qui est le plus intime; la culpabilité car elle essaye, même si cela est incroyable, de protéger sa famille et la dénonciation va irrémédiablement éclater la famille; et la solitude car même si elle « sait » ce quil ou elle subit, elle ne sait pas vers qui se tourner pour La dénonciation est un pas de géant, je venais de le franchir et jen étais soulagée, Ma première matinée « libre » sest passée rapidement, puisque que javais de nouveau rendez-vous à la gendarmerie pour de nouvelles dépositions et aussi ce rendez-vous médical qui m’inquiétait un peu, de toute ma vie de jeune fille je navais jamais eu de rendez-vous chez un médecin gynécologue. Certainement parce que un tel examen aurait dévoilé ce que je subissais chaque jour, cest pourquoi ce Arrivée à la gendarmerie, ce sont les deux mêmes gendarmes qui ont pris soin de moi, Chantal et Armand repartirent pour soccuper de leur magasin, quils avaient un peu délaissé à cause de mon affaire. Je montais dans une voiture de gendarmerie en direction de l’hôpital où se trouvait lexperte qui devait m’ausculter. Les gendarmes étaient au courant de mon histoire damour, mais ils mavaient expliqué qu’il était important de faire ce genre dexamens car la spécialiste pouvait déceler des lésions antérieures et ainsi physiquement prouver les viols de mon père, et que cétait la procédure dans ce genre daffaires. Cétait une jeune femme dune trentaine dannées, durant lexamen la présence des deux gendarmes était semble-t-il obligatoire, ils étaient restés là, sans regarder mais à distance leur permettant dentendre tout ce qui se disait. Maintenant, avec le recul, je sais que cet examen était radicalement différent d’un examen classique, puisquil était fait pour déterminer, pour trouver quelque chose. Jétais mal à laise sur cette table recouverte de papier blanc, les jambes étendues sur ces barres en fer, recouvertes dun drap blanc, ouvertes au regard dune Elle diagnostiqua, outre le fait que je n’étais plus vierge, un déchirement de lanus qui avait entrainé une déformation du conduit, du, selon elle, à des pénétrations répétées, les lésions remontaient à plusieurs mois. Elle dictait tout ce quelle diagnostiquait à laide dun magnétophone, sans états dâme, toutes les séquelles de mon corps, et je restais là en attendant que tout cela se termine. Elle me rassurait, mexpliquait où elle allait me toucher, ce quelle allait faire. Lexamen dura une trentaine de minutes, puis ce fut le tour des prises de sang, bilan complet. Avant de sortir de lexamen, elle me prescrit la pilule et mexpliqua en détails comment la prendre. Elle fut ma gynécologue pendant de nombreuses années après ma dénonciation. Sur le chemin du retour, les deux gendarmes se mirent à me parler deux, de leur famille, de leurs enfants, de langoisse quils pouvaient avoir à suivre de telles affaires, du dégoût que mon père faisait naître en eux, une discussion pleine dhumanité, de compassion, de contact humain. Dans laprès-midi, je continuais mes dépositions avec moins dintensité, elles portaient plus sur des réponses à des questions vis à vis de la déposition de mon père. En fin de soirée, jattendais quelques minutes dans la même pièce où je m’étais endormie la veille, puis on me fit rentrer dans un bureau pour mexpliquer que jétais maintenant mise sous tutelle, car jétais mineure. Je pouvais rester chez mes employeurs mais la tutelle était là pour me soutenir juridiquement. Je me retrouvais devant un nouveau combat, celui de faire face à cette nouvelle situation, avancer seule sur ce nouveau chemin qui serait désormais ma vie. Je me suis liée damitié avec lun des gendarmes, celui qui avait une barbe, je suis toujours en contact avec lui, il est maintenant à la retraite et cest toujours avec plaisir que je le revois de temps à autres. Laffaire était maintenant entre les mains de la justice, mon premier réflexe à la sortie de la gendarmerie a été de me rendre dans une église pour remercier Dieu de mavoir permise de me libérer de cet enfer, puis de retour chez mes employeurs, jai appelé mon petit ami pour lui dire que jétais enfin libre, que plus personne ne nous empêcherait de nous voir et de nous aimer. Il ne comprit pas pourquoi je lui disais tout cela, alors jai tout expliqué. Pourquoi je ne pouvais pas sortir, ce que je subissais, par qui, jai parlé pendant un long moment sans quil minterrompe, je reprenais mon souffle de temps en temps, pressée de lui expliquer ce quétait ma vie quand je quittais ses bras, pourquoi javais eu le courage de dénoncer mon père, puis quand jeus fini de tout déballer, il y eut un silence, puis il explosa de colère: « Pourquoi ne mavoir rien dit ? Je serais venu avec toi à la gendarmerie, je suis le dernier au courant, alors que jaurais voulu être avec toi pour te soutenir ». Je lui expliquai que javais honte de lui dire la vérité, que je ne voulais pas le perdre, quil me laisse tomber. Je lui demandai mille fois pardon, sa colère retomba, sa voix se calma et je savais à ce moment-là que tout irait bien entre nous à présent. Enfin, pour la première fois de ma vie, je pouvais respirer librement, essayer de vivre pour moi et ne plus survivre.Sandrine Rochel
Posted on: Wed, 30 Oct 2013 11:02:09 +0000

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