Occitanie : Muret, 8 siècles plus tard Par Felipe BONNET, - TopicsExpress



          

Occitanie : Muret, 8 siècles plus tard Par Felipe BONNET, ministre de léconomie et des finances de la République Fédérale Occitane. Comme le dit FONTAN, l’assimilation conduit tout un peuple à une sorte de refoulement et de dépérissement culturel. L’infériorisation et la dévalorisation de la langue et du comportement occitan ont entrainé un complexe d’infériorité et un mépris de la collectivité ethnique occitane et de la terre occitane, qui a conduit à une sous productivité économique. Certains assimilés (occitans) deviennent collaborateurs de la nation dominante (France) et en sont les plus farouches chauvins. Notes sur la Batalha de Murèth (jeudi 12 septembre 1213) Situation à l’aube du 13ème siècle : Au début du 13ème siècle, bien que les terres occitanes soient unifiées linguistiquement, elles demeurent éclatées politiquement. Il n’existe pas de pouvoir politique pan occitan alors que les divers comtés occitans jouissent, dans les faits, d’une certaine indépendance. Les pouvoirs royaux ou d’Etat en présence sont les Capétiens (en France), les Catalan-aragonais (avec Pierre II d’Aragon, comte de Barcelone), les Plantagenêt (pour la Guyenne), sans oublier le pouvoir de l’Eglise. En 1213, la croisade dite contre les Albigeois se poursuit depuis 4 ans, d’abord avec une optique religieuse (extermination de la religion cathare), ensuite elle se transformera en guerre d’annexion des terres occitanes par le pouvoir français. La colonisation de l’Occitanie se met en place, avec la tentative de l’étouffement du pouvoir politico socio économique occitan. Quelques mois avant la bataille de Muret, en décembre 1212, les Statuts de Pamiers sont adoptés, ils régissent la vie religieuse et sociale des territoires occitans vaincus par Simon de Montfort, l’article 46 de ces Statuts édicte l’interdiction pendant 10 ans aux femmes nobles occitanes de prendre un mari autre que Français. Depuis le 27 janvier 1213, un état occitano-catalan (et aragonais) est en cours de création. Ce « royaume » embryonnaire s’étend quasiment jusqu’aux portes de Brive. La Bataille de Muret sonnera l’anéantissent définitif de cette construction étatique. La défaite de Muret est d’une importance considérable en termes de géopolitique. Justification ethniste de cet état occitano-catalan : Si l’on considère que la langue catalane médiévale est de l’occitan, il est logique et souhaitable, d’un point de vue ethniste, que Catalans et Occitans se regroupent (au Moyen-âge) au sein d’un même état (les nations n’étant pas immuables, l’ethnie « occitano-catalane » s’est plus tard scindée en nation catalane et nation occitane). Question aragonaise : La question du rattachement de l’aragonais à cette ethnie « occitano-catalane » est plus délicate. FONTAN a classé l’aragonais comme dialecte castillan. Or quand on lit de l’aragonais moderne, le sentiment qui s’en dégage est qu’on est en présence d’une « mescla » de castillan, de catalan et d’occitan. Wikipedia énonce : « Bien que certains linguistes classent laragonais dans le groupe des langues ibéro-romanes, laragonais présente des divergences qui léloigne des langues romanes de louest de la péninsule (castillan, astur-léonais, galicien-portugais), et qui le rapprochent plutôt du catalan et loccitan (et plus particulièrement du gascon), par exemple en ce qui concerne la conservation des particules pronominales adverbiales ibi/bi/i et en/ne. On retrouve de plus, dans le lexique élémentaire de laragonais, un pourcentage légèrement supérieur de vocables apparentés au catalan (particulièrement loccidental) et au gascon quau castillan, encore que cela dépende des variétés. » Linguistiquement, l’aragonais moderne semblerait plus proche de l’ensemble occitano-catalan que du castillan. Il serait intéressant de faire une étude de l’aragonais médiéval, il faudrait analyser, par exemple, la contribution de Bernard POTTIER de 1953 intitulée « les éléments gascons et languedociens dans l’aragonais médiéval ». Il ne serait pas surprenant que l’aragonais médiéval soit encore plus proche de l’occitan (ou du catalan) que l’aragonais ne l’est aujourd’hui, la langue castillane ayant probablement colonisé, au cours des siècles, le parler aragonais. Aussi l’idée de l’intégration ethnolinguistique des aragonais médiévaux à l’ethnie « occitano-catalane » médiévale (ou tout au moins du rapprochement entre aragonais et occitano-catalan) n’est peut-être pas aussi hérétique, sur le plan ethniste, que cela peut paraitre au premier abord. Conscience du destin politique occitan: A l’aube du 13ème siècle, l’Occitanie n’ayant pas de pouvoir unificateur propre, les contemporains ont conscience que l’avenir politique des terres occitanes va se jouer entre pouvoir capétien et pouvoir catalan (ou catalan-aragonais). Cette alternative du devenir occitan est formulée, au début 13ème siècle, par le troubadour occitan ALBERTET de SISTERON qui explique dans l’un de ses poèmes que les Catalans sont nettement préférables aux Français. Monges, digatz segon vostra scienssa cal valon mais, Catalan o Frances? E mier de sai Gaiscoigna e Proenssa, e Limozin, Alvergne e Vianes, e de lai part la terra delz dos reis; e car sabetz de totz lur captenenssa, voill qe·m digatz en qals plus fins pretz es Moines, dites-moi, selon votre science, Lesquels valent le plus : les Catalans ou les français ? Et mettez d’un côté Gascogne et Provence, Et Limousin et Auvergne et Vienais, Et de l’autre côté la terre des deux rois… (Note : le Vienais correspond certainement au pays de Vienne, ville du département actuel de l’Isère, en territoire franco-provençal) Et de fait, la terrible défaite occitano-catalane de Muret, par l’élimination physique du roi d’Aragon Pierre II, laissera le champ libre à la volonté expansionniste, impérialiste du pouvoir français. Remarques sur la victoire française de Muret : Les Occitano-catalans étant supérieurs numériquement aux Français (de 10 à 100 fois plus nombreux, selon les sources), il est souvent fait état d’une éclatante victoire française. Il y a lieu de relativiser la grandeur de cette victoire qui a, pour le moins, fortement manqué de noblesse et de panache : - Les Français ont simulé leur départ pour revenir aussitôt par surprise - L’attaque vraisemblable ou plutôt le massacre des campements où les alliés occitano-catalans étaient attablés, en train de manger, non préparés au combat et armés dans la précipitation et le désordre (sources : Chanson de la Croisade, Chronique majeure de Matthew Paris, Histoire de la guerre des Albigeois, Chronique de Bernat Desclot. - L’assassinat prémédité du roi d’Aragon par les chevaliers français Alain de Roucy et Florent de Ville (pour la préméditation, voir la Chronique de Baudouin d’Avesnes) Conséquences de la défaite de Muret : Les conséquences sont considérables. Un grand roi est mort (Pierre II d’Aragon), entre 15 000 et 20 000 Occitano-catalans sont massacrés. Le choc psychologique, social, économique est immense, « il n’y avait guère de maison où l’on eut un mort à déplorer » dira Guillaume de Puylaurens, à tel point qu’il fallut créer un tribunal spécial pour régler les questions administratives et successorales suite à ce carnage. La culpabilisation des occitano-catalans, l’humiliation religieuse et l’aliénation s’installent, générées par de nombreuses sources qui présentent la victoire française de Muret comme un châtiment divin. Muret devient une nouvelle Sodome et une nouvelle Gomorrhe. La défaite de Muret sera la porte ouverte à l’annexion différée de l’Occitanie à la couronne de France. Différée car l’annexion de l’Occitanie, morceau par morceau, prendra plusieurs siècles, différée aussi car pendant une dizaine d’années après la défaite de Muret, la reconquête occitane se met en place avec un élan nationaliste occitan hors pair. Michel ROQUEBERT parlera de l’éveil de la conscience occitane et de la naissance du « sentiment national occitan ». Le 1er septembre 1220, le comte de Toulouse, Raymond VI signera une charte dans laquelle figure la notion de « gens de notre langue » et qui révèle le nationalisme de libération occitan basé sur l’identité linguistique. La défaite occitane de Muret, par l’élimination de l’allié catalan de poids en la personne du roi d’Aragon, rempli la condition nécessaire à la future annexion à la France qui ne fera qu’altérer la marque socioculturelle spécifique occitane, à la différence de la Catalogne médiévale qui aurait très certainement protégé cette identité commune occitano-catalane. La véritable hérésie de cette croisade est que l’Occitanie ait été rattachée à la France (et en partie à L’Italie et à L’Espagne). On passera la question de la dépossession et du pillage économique propre à toute colonisation. Les séquelles psychologiques demeurent très profondes aujourd’hui. Comme le dit FONTAN, l’assimilation conduit tout un peuple à une sorte de refoulement et de dépérissement culturel. L’infériorisation et la dévalorisation de la langue et du comportement occitan ont entrainé un complexe d’infériorité et un mépris de la collectivité ethnique occitane et de la terre occitane, qui a conduit à une sous productivité économique. Certains assimilés (occitans) deviennent collaborateurs de la nation dominante (France) et en sont les plus farouches chauvins. Le refoulement linguistique dont ils souffrent inconsciemment est la cause de leur agressivité et de leur impérialisme. En luttant contre les non assimilés, ils luttent contre leur propre subconscient, et ils se vengent de l’oppression qu’ils ont subie, en l’imposant aux autres. Ce processus est l’une des explications probables de la poussée actuelle de l’extrême droite en Occitanie et en Provence notamment. Gageons que les souverainistes occitans parviendront tôt ou tard à désaliéner le peuple occitan de ces grands maux / mots dont il souffre inconsciemment. Gageons que le peuple occitan parvienne à prendre son destin en main, au non du droit inaliénable à l’autodétermination des peuples. A Muret, seule une bataille a été perdue, d’autres batailles sont à mener …et à gagner.
Posted on: Tue, 05 Nov 2013 15:19:40 +0000

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