Personne n’ose plus s’aventurer aujourd’hui à prédire les - TopicsExpress



          

Personne n’ose plus s’aventurer aujourd’hui à prédire les conséquences des bouleversements politiques que connaît le monde arabe depuis le déclenchement de la révolution tunisienne. Il y a toutefois une certitude : le regard posé sur cette région a radicalement changé. Comme l’a très rapidement souligné l’économiste et essayiste libanais Georges Corm1, on assiste même à cette chose impensable il y a peu encore : le Sud est devenu une sorte de modèle pour le Nord, cité aussi bien dans les mouvements sociaux de l’Etat du Wisconsin que dans ceux de la capitale portugaise ! En ce qui concerne les technologies de l’information et de la communication (TIC) également, et précisément pour ce qui est de leur importance politique, la révolution dans les esprits est tout aussi notable. Après des années de total aveuglement sur les changements en cours, voilà qu’on voudrait faire tout à coup des soulèvements populaires tunisiens et égyptiens les premières “révolutions Twitter” de l’histoire du monde ! Naguère désert numérique voué à l’immobilisme politique, le monde arabe se voit miraculeusement transformé, par la grâce de certains commentateurs, en laboratoire des révolutions du troisième millénaire ! La diffusion des techniques numériques et l’adoption des réseaux sociaux ne sont le fait que d’une partie de la jeunesse arabe, bien entendu très loin d’être majoritaire. Il ne faut pas hésiter à le souligner alors que l’analphabétisme touche plus de la moitié de la population dans des pays comme le Yémen ou la Somalie mais aussi, à des degrés à peine moins élevés, comme l’Egypte ou le Maroc… Cependant, on ne peut que se réjouir de voir enfin modifié le prisme à travers lequel le monde arabe a été longtemps observé. En France en particulier, l’histoire, les préjugés, les intérêts mal compris, ont trop longtemps imposé des œillères rendant pratiquement impossible une vision tant soit peu objective des réalités. Pour autant, il ne faudrait pas que de nouvelles illusions brouillent à nouveau notre lecture des faits. Tous les observateurs ou presque ont été surpris par ces soulèvements populaires, et plus encore peut-être par la manière dont les acteurs de ces mouvements se sont emparés des réseaux sociaux pour former des militants, pour mobiliser des manifestants, pour diffuser l’information sur leurs actions… Sans négliger toutes les autres déterminations2 oeuvrant sans aucun doute au succès de ces revendications politiques, comment expliquer que le “Web 2.0 arabe” ait pu y être présent d’une manière aussi marquante ? 1. Un retard “bien venu” Il n’y a pas d’acte de naissance pour le Web 2.0, personne ne saurait dire à quel moment précis les “anciennes” pratiques du Web ont évolué majoritairement vers d’autres modes de fonctionnement. Il apparaît néanmoins, rétrospectivement, que les prophéties qui annonçaient, quelques années seulement après la révolution du Web, sa mort prochaine, au profit d’autres usages d’internet, n’étaient pas sans fondement. De fait, c’est bien juste après l’entrée dans le troisième millénaire que l’histoire des TIC, déjà incroyablement rapide et ramassée, a connu une nouvelle inflexion radicale à la suite de la diffusion de nouvelles applications au nombre desquelles figurent celles que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de “réseaux sociaux”. Analysant ce phénomène – surtout par rapport à l’espace politique français ou plus largement européen – Dominique Cardon3 met l’accent sur un phénomène qui lui paraît essentiel, celui de la “massification des pratiques” qui accompagne cette nouvelle ère de l’internet. L’analyse vaut également pour le monde arabe, si ce n’est que les conséquences de ce qu’on n’appelait pas encore le “Web 2.0″ y ont été paradoxalement décuplées par son “retard”. En effet, il y avait bien quelques raisons à la relative invisibilité de l’acculturation numérique du monde arabe pour tant d’observateurs. Au moment où internet entrait dans une nouvelle phase de son histoire, on pouvait penser, surtout lorsqu’on s’appuyait sur des instruments d’analyse strictement quantitatifs, que les pays arabes n’avaient toujours pas entamé une révolution technique où, à l’échelle mondiale, seuls les pays d’Afrique semblaient être encore moins avancés. Il y avait bien entendu des causes politiques à cette situation, et l’on a d’ailleurs bien (trop) souvent souligné le rôle négatif joué par des régimes autoritaires de la région, sans prendre en compte le fait que nombre d’entre eux – la Tunisie et l’Egypte singulièrement ! – avaient aussi lancé d’importantes initiatives pour l’incitation au développement des nouvelles économies du savoir. Mais il y avait aussi des obstacles financiers et sans doute plus encore techniques. Or, précisément au début du XXIe siècle, quand se mettent en place les données technique du Web 2.0, ils ont fini par être levés, assez rapidement en définitive, grâce à différentes avancées dans le domaine de l’adaptation et de la portabilité des applications, sans parler de la diminution de leurs coûts 4. Restaient les pesanteurs éducatives – ou même “culturelles” pour ceux qui croient à une identité musulmane ontologiquement rétive à la technique et au progrès…. Celles qui auraient pu freiner la pénétration d’internet, en raison par exemple des réticences à “bousculer” les codes d’une langue en partie figée, dans sa pratique écrite, par son statut symbolique notamment dans le domaine religieux, n’ont en réalité guère pesé, d’autant plus, encore une fois, que la dissémination des usages s’est faite à un moment où le réseau s’orientait vers une conception toujours plus user-friendly. Entrant dans la culture du numérique avec un réel décalage temporel, les sociétés arabes sont pour ainsi dire passés directement à l’âge du Web 2.0. Elles ont brûlé les étapes d’une chronologie pourtant déjà très resserrée en ignorant ou presque les prémices du Web “première manière” pour entamer leur développement numérique principalement avec les blogs et les applications des réseaux sociaux. En définitive, le retard des pays arabes aura été en quelque sorte “bien venu” puisque la démocratisation de l’accès à internet aura coïncidé, plus qu’ailleurs, avec la dynamique sociale associée à la diffusion d’applications si l’on veut plus “démocratiques”. 2. L’interconnexion de la jeunesse par le Web social
Posted on: Sun, 07 Jul 2013 21:39:19 +0000

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