Philippe DESPORTES (1546-1606) Recueil : Stances Philippe - TopicsExpress



          

Philippe DESPORTES (1546-1606) Recueil : Stances Philippe DESPORTES (1546-1606) Enfin les dieux bénins ont exaucé mes cris Enfin les dieux bénins ont exaucé mes cris ! La beauté qui me blesse, et qui tient mes esprits En langueur continue, Languit dedans un lit dun mal plein de rigueur, Son beau teint devient pâle, et sa jeune vigueur Peu à peu diminue. Plus grand heur en ce temps ne pouvait madvenir, Une heure en son logis on ne leût su tenir, Elle eût fait cent voyages, Aux festins, aux pardons dun et dautre côté, Et chacun de ses pas au coeur meût enfanté Mille jalouses rages. Pour le moins tant de jours quau lit elle sera Nonchalante de soi, ma frayeur cessera. Car ceux qui me font crainte Dapprocher de son lit nauront pas le pouvoir, Et peut-être le temps quils seront sans la voir Rendra leur flamme éteinte. Mais, las ! une autre peur va mon coeur désolant, Je vois quelle affaiblit, et son mal violent Dheure en heure prend âme, La force lui défaut à si grande douleur, Les roses de son teint nont pas tant de couleur, Ni ses yeux tant de flamme. Eh bien elle mourra, men faut-il tourmenter ? Rien de mieux en ce temps je ne puis souhaiter : Car selle mest ravie, Et que pour tout jamais son oeil me soit couvert, Mon coeur à tant dennuis ne sera plus ouvert, Sa mort sera ma vie. Je naurai plus lesprit de fureurs embrasé, Mon lit ne sera plus si souvent arrosé, Et la nuit solitaire Ne morra tant de fois les hauts cieux blasphémer, Ni la loi des destins qui me force daimer, Quand moins je le veux faire. Si tôt que son beau corps sera froid et transi, Sur le point de sa mort je veux mourir aussi, La sentence est donnée, Car ma vie à linstant de regret finira, Ou par glaive ou poison du corps se bannira Mon âme infortunée. Avec ce dernier acte à tous je ferai voir Que moi seul en vivant méritais de lavoir Pour mon amour fidèle : Car de tant de muguets, qui laiment feintement, Je suis sûr que pas un, fors que moi seulement, Ne se tuera pour elle. Tous mes maux prendront cesse en ce commun trépas, Je ne douterai plus que jamais ici bas Son coeur de moi sétrange : Et jaime trop mieux voir notre mort arriver Que, si vivants tous deux, je men voyais priver Par un malheureux change. Ô Mort, hâte-toi donc ! fais ce coup glorieux, Et de ton voile obscur couvre les plus beaux yeux Que jamais fît Nature. Sépare un clair esprit dun corps parfait et beau, Tu mettras avec elle Amour et son flambeau Dedans la sépulture. Las ! en parlant ainsi, je sens soudainement Un spasme, une faiblesse, un morne étonnement, Qui pâlit mon visage, Ma langue sengourdit, mes yeux sont pleins dhorreur, Puis en moi revenu, dépitant ma fureur, De ces mots je moutrage : Ô méchant que je suis, ingrat et malheureux ! Je ne mérite pas dêtre dit amoureux, Jai lâme trop cruelle : Chacun veut de sa dame allonger le destin, Et moi je fais des voeux pour avancer la fin, Dune qui mest si belle. Il faut bien que la rage ait pouvoir dedans moi, Et que le troublement, qui me donne la loi, Soit dune étrange sorte, Quand vivant tout en vous, ô mon mal bien-aimé ! Nayant jour que de vous, par vous seule animé, Je vous souhaite morte. Mais plutôt les hauts cieux et tous les éléments Soient remis pêle-mêle en confus brouillements, Le sec avec lhumide, Puissent tous les humains sans remède finir, Ains que je voie hélas ! votre mort advenir, Ô ma belle homicide ! Il est vrai que pour vous jai beaucoup enduré, Jai porté le regard et lesprit égaré, Jai eu la couleur sombre, Jai pleuré, jai crié, mais souvent sans raison : Car jétais si troublé de jalouse poison Que je craignais mon ombre. Puis quand tous ces soucis pour vous miraient suivant, Encore aux ennemis on pardonne souvent, Quand leur fin est prochaine. Joint quun trait de vos yeux doucement élancé, Et vos propos si doux mont trop récompensé De tant et tant de peine. Ô dieux, qui dici-bas les destins gouvernez, Et qui des suppliants les malheurs détournez, Oyez ce que je prie ! Rendez saine Madame avec un prompt secours, Et sil en est besoin, retranchez de mes jours Pour allonger sa vie. Et toi, Dieu Cynthien, qui fais tout respirer, Si dès mes jeunes ans on ma vu tadorer, Viens alléger Madame ; Chasse au loin sa langueur, rends-lui son teint vermeil, Soleil, tu aideras à cet autre Soleil Qui éclaire en
Posted on: Sun, 17 Nov 2013 11:03:30 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015