Pour toi séraphin, rumine la beauté. Nedjma ou le poème ou - TopicsExpress



          

Pour toi séraphin, rumine la beauté. Nedjma ou le poème ou le couteau! Nous avions préparé deux verres de sang Nedjma ouvrait ses yeux parmi les arbres Un luth faisait mousser les plaines et les transformait en jardins Noirs comme du sang qui aurait absorbé le soleil Javais Nedjma sous le cœur frais humais des bancs de chair précieuse Nedjma depuis que nous rêvons bien des astres nous ont Suivis... Je tavais prévue immortelle ainsi que lair et linconnu Et voilà que tu meurs et que je me perds et que tu ne peux me demander de pleurer ... Où sont Nedjma les nuits sèches nous les portions sur notre dos pour abriter dautres sommeils! La fontaine où les saints galvanisaient les « bendirs » La mosquée pour penser la blanche lisse comme un chiffon de Soie La mer sifflée sur les visages grâce à des lunes suspendues dans leau telles des boules de peau de givre Cétait ce poème dArabie Nedjma quil fallait conserver! Nedjma je tai appris un diwan tout-puissant mais ma voix séboule je suis dans une musique déserte jai beau jeter ton cœur il me revient décomposé Pourtant nous avions nom dans lépopée nous avons parcouru le pays de complainte nous avons suivi les pleureuses quand elles riaient derrière le Nil... Maintenant Alger nous sépare une sirène nous a rendu sourds un treuil sournois déracine ta beauté Peut-être Nedjma que le charme est passé mais ton eau gicle sous mes yeux déférents! Et les mosquées croulaient sous les lances du soleil Comme si Constantine avait surgi du feu par de plus subtils incendies Nedjma mangeait des fruits malsains à lombre des broussailles Un poète désolait la ville suivi par un chien sournois Je suivis les murailles pour oublier les mosquées Nedjma fit un sourire trempa les fruits dans sa poitrine Le poète nous jetait des cailloux devant le chien et la noble ville ... Et les émirs firent des présents au peuple cétait la fin du Ramadhan Les matins sélevaient du plus chaud des collines une pluie odorante ouvrait le ventre des cactus Nedjma tenait mon coursier par la bride greffait des cristaux sur le sable Je dis Nedjma le sable est plein de nos empreintes gorgées dor! Les nomades nous guettent leurs cris crèvent nos mots ainsi que des bulles Nous ne verrons plus les palmiers poussés vers la grêle tendre des étoiles Nedjma les chameliers sont loin et la dernière étape est au Nord! Nedjma tira sur la bride je sellai un dromadaire musclé comme un ancêtre. Lorsque je perdis lAndalouse je ne pus rien dire jagonisais sous son souffle il me fallut le temps de la nommer Les palmiers pleuraient sur ma tête jaurais pu oublier lenfant pour le feuillage Mais Nedjma dormait restait immortelle et je croyais toucher ses seins déconcertants Cétait à Bône au temps léger des jujubes Nedjma mavait ouvert dimmenses palmeraies Nedjma dormait comme un navire lamour saigliait sous son cœur immobile Nedjma ouvre tes yeux fameux le temps passe je mourrai dans sept et sept ans ne sois pas inhumaine! Fouillez les plus profonds bassins cest là quelle coule quand ses yeux ferment les nuits comme des trappes Coupez mes rêves tels des serpents ou bien portez-moi dans le sommeil de Nedjma je ne puis supporter cette solitude! - Kateb Yacine, Nedjma ou le poème ou le couteau, in Lœuvre en fragments
Posted on: Sun, 01 Dec 2013 12:52:46 +0000

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