Pourquoi je donne du cannabis à mon fils de 9 ans Le témoignage - TopicsExpress



          

Pourquoi je donne du cannabis à mon fils de 9 ans Le témoignage dune mère américaine dans une expérience thérapeutique pour apaiser les souffrances de son fils autiste. Un sachet de cannabis thérapeutique, REUTERS/Robert Galbraith - Un sachet de cannabis thérapeutique, REUTERS/Robert Galbraith - Au printemps dernier, jai rédigé un article sur ma demande dautorisation dadministrer de la marijuana à but thérapeutique à J., mon fils de 9 ans, qui souffre dallergies, dans lespoir de soulager ses douleurs abdominales et son anxiété à lorigine des démons qui le poussaient à se taper lui-même et à agresser les autres. Après avoir lu des études sur la manière dont le cannabis peut atténuer les douleurs et langoisse, et en accord avec son médecin, nous avons décidé de faire un essai. Jai déjà raconté quau bout dun mois de thé au cannabis et de mini-cookies à la marijuana (mon mari a découvert le pâtissier qui sommeillait en lui), il nous semblait que J. avait lair plus heureux. Mais cétait difficile à dire. Il passait une bonne matinée, et puis au déjeuner il se remettait à envoyer valser sa nourriture. Nous remarquions pourtant quen rentrant de lécole, quand il avait mal au ventre (on ne lui administrait aucune dose de cannabis là-bas), il courait à la cuisine et réclamait son thé et ses cookies. Comme sil savait que cétait ce qui atténuait ses épouvantables crampes intestinales. Et aujourdhui, quatre mois après le début de notre expérience avec le cannabis, comment va J.? Eh bien, un soir, il ny a pas longtemps, il est revenu de lécole et jai remarqué quun grand changement sétait produit: sa chemise était intacte. publicité Avant la marijuana, J. mangeait des choses qui nétaient pas comestibles. Cette pratique a un nom: le pica (le pica pousse certaines femmes enceintes à manger de la craie ou de lamidon). J. mâchait le col de ses t-shirts tout en arrachant furtivement le tissu de bas en haut, quil détissait avant den avaler les fils. Quand jallais le chercher à larrêt de bus après lécole, tout le devant de sa chemise avait disparu. Son pica était devenu si incontrôlable que nous ne pouvions pas le laisser dormir avec un haut de pyjama (il aurait disparu au matin) ou un oreiller (pareil pour la taie et la garniture). Un ancien édredon de famille a été réduit en lambeaux, et il a même réussi à faire des trous dans une couverture en polaire avec les dents -son régime bio en a pris un coup. Je me suis mise à ne le vêtir que de hauts en coton bio, mais nous navions pas les moyens den acheter un par jour. Le pire était de le voir crier de douleur aux toilettes, quand ce qui était entré devait ressortir. Je faisais des cauchemars où de longs fils faisaient des nœuds autour dorganes digestifs (bienvenue dans notre vie privée !) Presque immédiatement après le début des prises de cannabis, le pica a disparu. Dun coup. J. dort à présent avec son édredon hypoallergénique en coton et laine bio, qui semble appeler au mâchonnage. Il le tire jusque sous son menton le soir et déclare: «Je suis bien confortable !» Moins dagressions Ensuite, nous avons commencé à constater des changements sur les bulletins scolaires de J. Son programme est basé sur une thérapie appelée lanalyse comportementale appliquée, qui implique, comme son nom lindique, une analyse méticuleuse des données. Lors dune réunion de parents au mois daoût (lannée scolaire de J. est plus longue que les cursus classiques), son professeur a présenté avec enthousiasme son bilan «dagressions» pour juin et juillet. Une agression est définie comme la tentative ou lacte de frapper, donner un coup de pied, mordre ou pincer une autre personne. Toute lannée dernière, chaque journée décole était immanquablement marquée par 30 à 50 agressions, et un jour il est même monté jusquà 300. Le tableau de juin et juillet, en revanche, montrait quil passait parfois des journées entières -voire plusieurs daffilée- sans la moindre agression. Autre preuve: le bus. Ces dernières années, larrivée du bus scolaire de J. avait été le moment le plus traumatisant et imprévisible de notre journée. J. sest déjà jeté dans le bus pour frapper le conducteur au visage. Il sest bagarré avec les assistantes et a essayé de les mordre. Son comportement faisait naître le pire chez les autres: une surveillante du bus (nous plaisantions en disant quelle aurait mieux fait daller travailler à la prison locale), qui semblait naimer aucun des enfants, le traitait dune façon particulièrement méprisante, allant jusquà linsulter, une fois même en notre présence. Cet été, une nouvelle équipe daides et de conducteurs a fait son apparition. Jai réalisé que ces gens ne connaissaient que «Cannabis J.»-un enfant aux yeux pétillants qui leur dit bonjour tous les matins, va tranquillement sasseoir et essaie même daider à boucler sa ceinture. Un jour, alors que lassistante habituelle de J. était malade, une dame avec un sourire planant a gentiment accompagné J. à sa descente du bus. Elle me disait quelque chose; et après avoir replacé une méchante grimace renfrognée sur son visage, je me suis écriée à lintention de mon mari alors que le bus séloignait: «Cétait elle, pas vrai?» Nous avons ri, sous le regard de J. «Cest rigolo!» a-t-il déclaré. Il y a un mais à cette joyeuse histoire de marijuana, pourtant. Si le cannabis a atténué les problèmes les plus envahissants de J., son autisme est devenu plus distinct. Comme le montrent ses résultats scolaires, ses marques dagressivité sont devenues bien moins fréquentes, mais ses démonstrations explosives -cris, aboiements, glapissements de joie- persistent. Quand J. vivait sa phase sombre, nous passions notre vie hors de vue, hors de portée, à la maison, avec un enfant hurlant, violent, qui envoyait valser sa nourriture et la vaisselle. Les sons étaient contenus par des fenêtres à double vitrage (quand elles nétaient pas cassées). Aujourdhui, dans notre cercle familial, nous avons atteint une merveilleuse homéostasie: la vaisselle reste intacte, nos bras et le visage de J. ne portent plus de marques de griffures. Mais quand nous sortons pour jouer dans le jardin, nous promener après le dîner ou faire du tandem avec J., nous voyons bien que les voisins savent que notre famille est différente, et que cela ne leur plaît pas toujours. Nos voisins les plus proches (nous pourrions leur faire passer un gâteau depuis la cuisine) ont toujours été compréhensifs. Mais dans la rue dà côté, quand nous apparaissons, le voisin cesse de jouer au ballon avec son fils et le fait rentrer à la maison quand nous approchons, ignorant le joyeux «Bon-jouuuuuuur!» de J. Cest lui que nous soupçonnons de nous crier dessus -de derrière dautres maisons, sans que nous puissions le voir- quand J. vocalise un peu bruyamment dehors. Et puis il y a cette maman, dont le fils a à peu près lâge de J. (qui, dailleurs, crie exactement de la même manière que J.). Quand nous la croisons, elle évite notre regard, et a ostensiblement ignoré notre invitation à une fête. Nous avons aussi entendu, venant de derrière la clôture dune famille qui nous scrute sans jamais nous saluer: «Oh, cest J.» Ostracisme Parfois, nous nous sentons victimes dun ostracisme du XXIe siècle. Avec du recul, bien sûr, il ne sagit que de petits tracas par de petites gens. La présidente de mon département universitaire invite J. dans son jardin à elle, pour quil puisse jouer dans sa piscine, et le laisse vocaliser devant ses voisins qui ne trouvent rien à y redire. Une mini-bande dados branchés qui passe devant chez nous après lécole salue toujours J. avec sincérité, quand il leur lance amoureusement un: «Salut, salut, saluuuuuuuuuuuut!» Je suis heureuse que le cannabis ait donné à J. lopportunité de sortir et de goûter à la vie. Si parfois elle lui donne des coups, elle lui offre aussi des fleurs. Je nestime pas que la marijuana soit un remède miracle contre lautisme. Mais en tant quherboriste amateur, je considère que cest une merveilleuse plante, tout à fait sûre, qui permet à J. de participer plus pleinement à la vie sans risquer les dangers, et les effets secondaires parfois permanents, des médicaments pharmaceutiques. Maintenant que nous avons trouvé la bonne dose et la bonne souche («White Russian» -très prisée des malades atteints de cancer, qui ont aussi besoin quon les soulage dune souffrance extrême). Libéré de la douleur, J. peut aller à lécole et apprendre. Et son comportement violent ne le condamnera pas à finir à lhôpital psychiatrique pour enfants local -scénario trop commun parmi ses pairs. Une amie dont on avait diagnostiqué lenfant comme autiste mais qui ne lest plus (il va à lécole au même niveau que sa classe dâge et a subi trois tests de développement montrant quil ne mérite plus ce diagnostic), a voulu sembarquer dans une sorte de mission karmique pour aider dautres enfants. Au bout de longues recherches, elle est tombée sur le cannabis exactement de la même manière que moi. «Cela a des implications spectaculaires pour la communauté des autistes» sémerveille-t-elle. Nous avons des photos de J. il y a un an, à lépoque où il se labourait le visage avec les ongles. Aucun des experts consultés navait la moindre piste sur le moyen de len empêcher. Ce petit enfant au visage épouvantablement sanglant et couvert de croûtes nous apparaît dorénavant comme un visiteur venu dune autre planète. Le J. que nous connaissons na pas du tout lair défoncé. Il a juste lair dun petit garçon heureux. Lexpérience doejang Et le cannabis peut encore nous surprendre. Nous craignions que ses «grignotages» naggravent les excès alimentaires de J., réaction à ses crampes destomac. En fait, la marijuana semble avoir modulé ces symptômes. Peut-être interprétait-il les douleurs de son estomac comme des signaux de faim. Certes, J. peut encore devenir surexcité sil aime trop un aliment, et parfois, quand il mange, mon mari et moi quittons la pièce pour réduire au minimum ses distractions. Lautre jour, nous avons osé expérimenter le «doenjang», une soupe de tofu fermenté quil adorait quand il était bébé. La dernière fois que nous lavions tenté, il y a un an, il avait envoyé son bol sécraser contre le carrelage du mur (oh, cette soupe doenjang puante et son million de manières de tout salir...) Nous avons laissé J. tout seul dans la cuisine devant son bol fumant et nous sommes allés dans la pièce dà côté. Nous avons attendu. Nous avons entendu le choc de la cuillère contre le bol. Des shlurps satisfaits. Puis un bruit étrange que nous narrivions pas à identifier: chkka chkka chkkka bsssshhht doinnng! Nous sommes revenus dans la cuisine, prêts à voir les murs repeints au doenjang. Tout était propre. Le bol et la cuillère avaient disparu. J. avait mis sa vaisselle dans lévier, lavait rincée et rangée dans le lave-vaisselle -ce que nous ne lui avions jamais appris à faire, bien quil avait dû nous voir le faire un million de fois. En quatre mois, cet enfant qui ne savait pas salimenter seul était devenu capable de se nourrir et de débarrasser la table. Ce bol, pas parfaitement rincé mais presque, a été lune des visions les plus douces de ma vie de mère. Et jespère bien quil y en aura dautres. Marie Myung-Ok Lee Traduit par Bérengère Viennot Image de Une: Un sachet de cannabis thérapeutique, REUTERS/Robert Galbraith
Posted on: Sun, 13 Oct 2013 20:45:14 +0000

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