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Quel avenir pour les services publics en Europe face à la libéralisation ? Libéralisation européenne des services, modifications des règles sur les aides d’Etat et politique de concurrence, autant de politiques libérales imposées par les institutions européennes qui ont des répercussions sur les services publics. Face à ces constats, comment protéger davantage les services publics des règles de concurrence pour maintenir une régulation et un financement satisfaisants ? Contribution d’Amandine Crespy, titulaire de la chaire en études politologiques européennes à l’Université Libre de Bruxelles 1. Contexte Il faut avant tout rappeler que l’Union européenne n’a pas de politique des services publics, ce qui constitue l’aspect le plus problématique pour l’avenir des services publics en Europe. C’est donc quasi exclusivement à travers la politique de concurrence que sont appréhendées, au niveau européen, les questions liées aux services publics. Par conséquent, l’accent est mis sur l’application de la logique de marché et de concurrence à l’ensemble des activités de services dans le cadre du marché commun, les services considérés d’intérêt général ayant un statut dérogatoire. Cette situation de fait reflète la logique fonctionnaliste qui caractérise le développement historique de l’intégration européenne : tandis que les institutions européennes, et singulièrement la Commission, possèdent des compétences étendues en matière de régulation du marché commun, les Etats-membres n’ont pas cédé leurs compétences en matière sociale (entendu au sens large). Les services publics, c’est-à-dire l’ensemble des services marchands ou non-marchands auxquels on reconnaît un caractère d’intérêt général, représentent aujourd’hui environ 26% du produit intérieur brut, 30% de l’emploi (soit quelques 64 millions d’employés) et 6.4% du total des investissements en Europe[1]. Dans le cadre européen, on peut distinguer schématiquement quatre catégories de services : - Les services relevant des fonctions régaliennes de l’Etat : justice, police, administration, sécurité sociale, éducation obligatoire. Ces services sont considérés comme des services non-économiques d’intérêt général (SNEIG) et sont exclus du champ d’application du droit européen[2]. - Les industries de réseaux : télécommunications, transport, énergie, poste. La libéralisation de ces secteurs a été entreprise dans le cadre de la construction du marché commun à la fin des années 1980 et s’est accélérée au cours des années 1990. A ce jour, la libéralisation est totale (transport aérien, télécommunications) ou limitée (transport ferroviaire). Ces services sont considérés comme des services d’intérêt économique général (SIEG), un statut reconnu par le Traité de Rome de 1957. Les directives serctorielles contiennent néanmoins une obligation de services universel. La nature économique d’un service, qui conditionne l’application du droit européen de la concurrence, est examinée au cas par cas par la Cour de justice (CJUE) lorsque des entreprises privées portent plainte. La jurisprudence a largement contribué à l’application du droit européen à un nombre toujours plus grand de services publics. - Les services sociaux : santé, logement social, aide aux personnes dans le besoin, etc. Il n’existe pas de cadre réglementaire européen pour ces services, qui sont gérés au niveau national (voire régional). La Commission européenne reconnaît la spécificité des services sociaux d’intérêt général (SSIG) qui bénéficient de dérogations significatives au droit de la concurrence. Ces services peuvent toutefois être considérés comme économiques. Dans le domaine des soins de santé, une directive de 2011 (2011/24/UE) vise à faciliter la prestation transfrontalière de services dans la mesure où elle permet aux patients d’être remboursés par leur système national de sécurité sociale pour des soins reçus dans un autre pays. - L’éducation et la formation : tandis que l’éducation obligatoire demeure hors de portée des règles de concurrence européennes, l’enseignement supérieur, l’enseignement à distance et la formation professionnelle peuvent, à l’instar des services sociaux, être considérés comme économiques. Outre les politiques concernant l’enseignement supérieur (mise en place du European Credit Transfer System, ECTS), les initiatives en la matière se limitent à de la gouvernance soft (forums d’échanges de pratiques, mise en place d’indicateurs, etc). Notons que dans le domaine de l’eau, les directives européennes ne visent pas la libéralisation, les directives européennes traitant des normes de qualité. La libéralisation du secteur de l’eau a toujours connu une forte résistance[3]. Il existe un relatif consensus au sein des institutions européennes (dirigées par des majorités conservatrices-libérales) sur le fait que les services publics recèlent un potentiel de compétitivité non-encore exploité. La marchandisation et la libéralisation des services publics, c’est-à-dire la coexistence d’opérateurs publics avec des opérateurs privés sur des marchés prétendument compétitifs à l’échelle de l’Union, est perçue comme un moyen de stimuler la croissance et l’emploi et, dans le même temps de réduire les dépenses publiques. Cette idée est particulièrement prégnante au sein de la Commission européenne où les Directions générales chargées de la concurrence, du marché commun et de l’économie et des finances tiennent le haut du pavé. Pourtant, un certain nombre d’éléments, épars et peu visibles, permettent de mettre en cause certains aspects d’une marchandisation. Ceux-ci sont liés à l’insécurité juridique et la mauvaise application (voire la non-application) des règles européennes, la baisse de la qualité des services et les effets d’aubaine pour les opérateurs privés. Ces problèmes ont généré des demandes, dans certains Etats-membres et au sein de secteurs de l’action sociale, pour une re-régulation au niveau européen qui mettrait l’accent sur le respect des missions d’intérêt général (accessibilité, équité, continuité, prix raisonnable). En dépit d’avancées sur le plan du droit, le débat politique est aujourd’hui dans l’impasse. Bien que le sujet soit principalement appréhendé sous un angle juridique[4], aussi bien dans le débat académique que politique, il recouvre en réalité une forte dimension idéologique. L’éventuelle re-régulation des services publics au niveau européen, sous la forme d’une directive-cadre, a occupé l’agenda politique européen entre le milieu des années 1990 et 2007. Le traité de Lisbonne opère des changements ambivalents sur le plan du droit. D’un côté, un nouveau protocole sur les services d’intérêt général met surtout l’accent sur la subsidiarité, c’est-à-dire l’autonomie des Etats-membres dans la gestion et le financement des services publics. De l’autre, le nouvel article 14 TFUE autorise le Parlement et le Conseil à légiférer en la matière, et ce par voie de règlement, c’est-à-dire par un instrument plus détaillé et contraignant qu’une directive. La Commission se refuse jusqu’à ce jour à faire usage de cette disposition pour soumettre une proposition législative en raison d’un soutien insuffisant à une législation horizontale et ce tant parmi les Etats-membres qu’au sein du Parlement européen. L’absence de soutien pour une régulation européenne s’explique par la diversité des modèles nationaux (organisation territoriale et conceptions philosophiques de l’Etat, configuration post-communiste), spécificités techniques et réglementaires sectorielles, relatif consensus sur l’intérêt de la marchandisation comme moyen de modernisation. Il en résulte une focalisation sur la subsidiarité, notion paravent à toutes les réticences. Les implications de cette situation sont essentiellement de deux ordres. Sur le plan juridique, les services publics sont soumis à des règles éparses dont ils ne sont pas l’objet puisqu’il s’agit du droit de la concurrence. Les récentes réformes vont néanmoins dans le bon sens. Récemment, les règles sur les aides d’Etat (Paquet Almunia), c’est-à-dire les aides financières versées par l’Etat à des entreprises prestant des services publics, ont été revues et assouplies pour les services sociaux d’intérêt général[5]. Cela décharge les petites structures et les autorités locales du fardeau que constitue l’application des règles de la concurrence. Une nouvelle version de la directive sur la passation des marchés publics (2011/0438(COD)) est en cours d’adoption : elle prévoit notamment la prise en compte de critères sociaux et environnementaux et doit améliorer la transparence afin que les pouvoirs publics puissent décider non pas sur la seule base du prix (offre la plus basse) mais aussi de la qualité du service proposé, et enfin faciliter l’accès des PME à la commande publique. Une nouvelle directive sur l’attribution des concessions fait encore débat. La Commission voudrait contraindre les collectivités à justifier de manière précise le choix des concessionnaires, tandis que celles-ci souhaitent conserver une marge de manœuvre importante. Sur le plan politique, la dynamique se situe clairement sur le terrain de la concurrence, tandis que la qualité et le financement adéquat des services publics ne sont traités que de manière déclaratoire dans des textes non-contraignants qui demeurent largement inconnus dans les Etats-membres, comme c’est le cas du cadre de qualité volontaire adopté par le comité de protection sociale en octobre 2010[6]. Au fur et à mesure qu’un nombre toujours plus grand de services sont considérés comme relevant de la sphère économique, la logique du marché et de la concurrence leurs sont appliqués. A cet égard, le secteur de la santé est clairement dans la ligne de mire de la Commission européenne. Comparé à d’autres Etats-membres (en particulier l’Allemagne ou le Royaume-Uni), les politiques de libéralisation ont eu un impact limité sur les services publics en Belgique. La présence du secteur privé était traditionnellement importante dans les secteurs hospitalier et électrique, et a en revanche affecté le secteur de la poste. Les pertes d’emplois ou l’augmentation du temps partiel ont été significatives dans certaines secteurs (électricité, poste) mais globalement moins importantes que dans d’autres pays. Un niveau de régulation relativement élevé a été maintenu grâce à l’imposition des réglementations et accords sectoriels (hôpitaux privés), l’inclusion de standards sociaux et environnementaux dans les contrats de concession (transport public local en Flandre), etc. Le défi est donc non seulement de maintenir mais de moderniser les services publics dans un contexte marqué par la faiblesse des finances publiques. 2. Enjeux Si le sujet est complexe, notamment du fait du grand nombre de secteurs concernés, les enjeux sont relativement clairs. Le risque est grand d’aboutir, à moyen et long terme, à une existence résiduelle des services publics[7]. Dans un tel scenario, les activités les plus rentables sont exploitées par des opérateurs privés, tandis que les activités les moins rentables restent à la charge des autorités publiques. Les services offerts par le secteur privé sont des services low cost assurés par des salairés précarisés et en sous-effectifs pour l’immense majorité des citoyens, tandis que les plus aisés auront les moyens de bénéficier de services de qualité. De nouveau, le secteur de la santé illustre les évolutions à l’oeuvre. Si l’on ne parvient pas à maintenir des services publics de qualité pour tous (soit le respect des principes d’accessibilité, de continuité, d’équité, etc), c’est la cohésion de nos sociétés qui est gravement menacée. L’Etat sera réduit à « faire l’aumône » aux groupes-cibles les plus vulnérables tandis que les autres citoyens seront livrés à leurs propres ressources pour l’accès inégal aux services essentiels au regard de l’inclusion dans l’économie et la société. A cet égard, il est par exemple significatif que, dans certaines de ses communications, la Commission européenne fasse systématiquement référence aux Roms, qui constituent un cas extrême plutôt qu’ils ne reflètent le citoyen européen lambda. Afin de contrer un tel scenario, les enjeux se situent essentiellement à trois niveaux : · Assurer une régulation juste et efficace afin d’éviter la privatisation des profits et la socialisation des risques. Il ne s’agit donc ni de nier l’existence des règles de concurrence européenne ou de blamer l’Europe pour tous les maux des services publics. En tout état de cause, les règles européennes laissent une large latitude aux autorités nationales et régionales pour organiser l’ensemble des secteurs. · Assurer le financement pérenne des services publics. Le tarissement des ressources publiques s’est considérablement accéléré avec la crise de la dette et la mise en place, partout en Europe, de politiques d’austérité. Partout, les services publics ont été les premières victimes de la crise[8]. Des suppressions d’emplois massives dans les divers secteurs ne peuvent qu’affecter la qualité des services. · Assurer des niveaux d’emplois et des conditions de travail décents. Bien que ce point ne soit jamais abordé dans les débats européens, les services relevant de l’intérêt général (qu’ils soient assurés par des opérateurs privé ou publics) représentent près d’un tiers de l’emploi européen. Ils jouent donc un rôle crucial face aux problématiques du chômage et de la précarisation des salariés. En Belgique, la sixième réforme de l’Etat prévoit des transferts importants de compétences aux communautés (soins de santé et aide aux personnes âges et handicapées, infrastructures hospitalières notamment) et aux régions (formation des demandeurs d’emplois). Dans ce contexte, la reconfiguration réglementaire et financière au niveau infranational pourrait amener son lot de dangers mais peut également être saisi comme une opportunité. A l’heure actuelle, on constate (en Belgique comme ailleurs) une méconnaissance encore trop grande des règles européennes – voire des résistances passives. L’enjeu n’est ni plus ni moins que la légalité du financement public. A Bruxelles, les hôpitaux privés ont par exemple attaqué la Commission qui n’avait pas ouvert, suite à une plainte en 2005, de procédure formelle d’examen des aides versées aux hôpitaux publics (IRIS). Le tribunal de l’UE a conclu que la Commission devait examiner de plus près une éventuelle surcompensation des missions d’intérêt général par les autorités publiques. Lorsque les aides d’Etats sont déclarées illégales, elles doivent être remboursées par les bénéficiaires. Bpost a par exemple reversé quelques 417 millions d’euros à l’Etat fédéral et s’apprête à rembourser de nouveau 80 à 85 millions supplémentaires pour 2011-2012. Au-delà de la régulation et du financement, les enjeux se situent surtout au niveau des idées. Globalement, il existe un consensus en Europe sur les objectifs à atteindre. Il s’agit d’avoir des services publics efficaces, c’est-à-dire des services de qualité en évitant un gaspillage des ressources (notamment publiques). Cette question s’inscrit dans le débat plus large sur la réforme des Etats-providence en Europe. Les services publics jouent un rôle crucial dans le sens où les efforts de modernisation visent à remplacer les transferts d’argent par une série de services qui garantissent l’inclusion sociale des individus, leur insertion sur les marchés du travail, le soutien dans les périodes difficiles des parcours, et le développement de leur potentialités tout au long de la vie. Il s’agit en somme de l’agenda de l’investissement social promu par la Commission européenne. Il existe également un consensus sur le fait qu’on ne peut opposer performance économique et politique sociale. Dans son discours sur l’État de l’Union en 2012, José Manuel Barroso a par exemple affirmé que « ce sont précisément les pays européens avec les systèmes de protection sociale les plus efficaces et avec le dialogue social le plus développé qui sont les économies les plus compétitives au monde ». Ceci étant, les appréciations divergent quant aux moyens d’atteindre ces objectifs. Une grande partie des responsables politiques au niveau européen et national pensent que la marchandisation (qui implique bien souvent la privatisation) est le moyen le plus efficace de moderniser les services publics tout en délestant les Etats du poids du financement. Cette croyance dans le fait que le marché est en tout état de cause la meilleure réponse est particulièrement forte au sein de la Commission européenne. Pourtant, cette vision n’est pas confirmée par l’évaluation des politiques de libéralisation. Après avoir été critiquée pour sa partialité et la faiblesse de sa méthodologie en la matière, la Commission européenne a cessé de produire des rapports dévaluations. Une étude menée par des chercheurs indépendants a produit à cet égard des résultats intéressants[9]. On peut notamment relever que la libéralisation n’a pas réellement engendré de marchés concurrentiels dans la mesure où le nombre d’opérateurs demeure très réduit malgré la tendance au changement de régime juridique du public vers le privé. La libéralisation et la privatisation ont mené à une dégradation de l’emploi dans ces secteurs et à un renforcement des inégalités, tant entre les salariés qu’entre consommateurs pauvres et riches. Il est par ailleurs impossible d’établir un lien direct entre les hausses de productivité et libéralisation au-delà des effets de très court termes liés aux pertes d’emplois massives suite à l’ouverture à la concurrence. En réalité, les meilleures performances sont liées à une réglementation efficace et ce indépendamment de la nature publique ou privée des entreprises. Enfin, les usagers les plus aisés sont davantage favorables à l’idée du choix entre différents services, et sont donc plus favorables à la logique de la libéralisation, tandis que les moins aisés privilégient la qualité et le prix raisonnable des services. De la même manière, la Commission encourage, de manière indifférenciée, le recours systématique aux partenariats public-privé (PPP) comme le meilleur moyen de financer les investissements dans infrastructures publiques. Pourtant, les études menées sur le sujet montrent que si un certains projets ont été couronnés de succès, il existe aussi des cas dans lesquels la charge financière liées à la gestion des risques assumée par les autorités publiques s’est avérée inacceptable et les coûts exorbitants sur le long terme. Le recours au PPP ne doit donc pas être systématique, mais prudente, avec des contrats taillés sur mesure pour chaque projet. En tout état de cause, la mise en place et le suivi des PPP requièrent des ressources importantes en personnel qualifié. Ces évaluations ne sont pourtant pas discutées. La Commission européenne promeut de manière constante une vision exclusivement marchande des services publics, parfois avec des arguments fallacieux. L’idée d’une directive-cadre a par exemple été enterrée au motif qu’il est impossible de réguler de manière horizontale avec un texte européen des secteurs aussi divers que l’ensemble des SIG. Pourtant, à la même période, la Directive Services (adoptée en 2006) a procédé à la libéralisation horizontale de l’ensemble des activités de services. Dans ce cadre, il a été possible d’obliger les Etats-membres à procéder au screening de l’ensemble de leur réglementation en matière de services. L’adoption de la directive en 2006 a confirmé que la logique de concurrence constitue la règle, tandis que les services publics obtiennent, au compte goutte et sous des conditions strictes, un statut dérogatoire. Les positions défensives cherchant à tenir éloigner l’Union européenne de la régulation des services publics au nom de la subsidiarité sont majoritaires et tendent à se renforcer dans les Etats-membres. Pourtant, la stratégie consistant à laisser les services publics en proie au droit européen de la concurrence et, dans le même temps, les Etats et régions livrés à eux-mêmes en matière de régulation et de financement est contre-productive sur le moyen terme pour la grande majorité des Etats européens. 3. Propositions concrètes Il faut sortir le débat européen de l’impasse pour aller vers une politique positive des services publics en Europe: rien ne changera si les services publics sont appréhendés exclusivement sous l’angle de la concurrence. Permettre l’établissement d’un diagnostic partagé sur les forces et faiblesses du modèle marchand des services publics. · Il faut pallier les besoins en évaluation des politiques menées : libéralisation des industries de réseaux, PPP, etc. Les principes et critères définis dans le cadre volontaire de qualité du comité de protection sociale fournit une trame d’analyse pertinente. · Afin d’établir un contrepoids aux positions de la Commission, le Parlement européen pourrait commanditer une telle étude et créer un débat sur les résultats dans le cadre, par exemple, d’une résolution non-législative. · Afin de rassembler autour d’une remise à l’agenda des services publics, il faut impérativement et trouver des terrains d’entente avec, d’une part, les pays qui ont des services publics performants mais se sont montrés jusqu’ici réticents envers les initiatives européennes (notamment Allemagne et pays scandinaves), et, d’autre part avec les pays qui subissent de plein fouet la crise de la dette et auraient un intérêt objectif à développer une politique européenne des services publics. S’il n’existe pas d’expertise politiquement neutre, l’établissement d’un état des lieux des services publics en Europe constitue une première étape indispensable afin de nourrir un débat informé et d’aller de l’avant. Pour promouvoir une régulation plus efficace, · Il faut que l’obligation de service public soit clairement établie comme principe général, de manière systématique dans l’ensemble des directives sectorielles. Qu’il s’agisse d’un marché libéralisé, d’une procédure de concession, ou de la passation de marchés publics, la prestation d’un service d’intérêt général doit s’accompagner du respect de normes sociales, environnementales et des standards de qualité. De telles obligations doivent s’appliquer de la même manière à des opérateurs publics et privés, a fortiori lorsqu’ils sont en concurrence sur un même marché. · Le débat sur la pertinence des règles en matière d’aides d’Etat doit être poursuivi. Celui-ci pourra notamment s’appuyer sur les rapports que les Etats-membres doivent transmettre dans les mois qui viennent sur l’application des règles européennes. Au nom du principe d’efficacité et de proportionnalité, les acteurs ne participant à aucune dynamique transfrontalière doivent pouvoir échapper à des opérations lourdes de calculs des surcompensations. Par ailleurs, la possibilité d’une sous-compensation (sous)financement des activités liées aux missions de service public) doit également pouvoir être envisagée. · Contrairement à la doxa ambiante, tout ne peut pas être résolu par la jurisprudence. On observe des contradictions entre, par exemple, le Protocole sur les SIEG qui proclame l’autonomie des Etats-membres et régions à définir leur propre notion de services public, et les décisions de la CJUE qui visent à imposer une définition restrictive du logement social ciblé sur les populations les plus vulnérables[10]. Seul un véritable débat sur l’inscription de principe communs dans la législation secondaire (utilisation de l’article 14TFUE) peut permettre de trancher certaines questions. Il faut remettre les services publics au cœur de l’agenda sur l’investissement social, et ce dans le contexte de crise et d’austérité. · Les investissements dans les services publics doivent jouir d’une immunité dans les calculs des déficits. Cela pourrait faire l’objet des travaux du comité de protection sociale et/ou d’une recommandation du Conseil. · Il faut impérativement dégager de nouvelles ressources pour financer les initiatives en la matière. La Commission propose par exemple d’allouer 20 à 25% des différents fonds (structurels, de cohésion, Fonds social, etc) à des politiques d’investissement social. Qu’il s’agisse de l’éducation et de la formation, de la santé ou de la lutte contre la pauvreté et pour l’insertion : toutes ces politiques passent par les services publics (même si la Commission ne le dit pas). L’allocation d’une partie du budget européen aux services publics dans le cadre de l’agenda sur l’investissement social pourrait être rendue contraignante dans le cadre du nouveau cadre budgétaire pluriannuel en cours de discussion. Face à l’aggravation des inégalités entre les Etats-membres comme en leur sein, il est indispensable de dégager de nouvelles pistes au niveau européen en matière de régulation et de financement. Ceci étant, beaucoup peut et doit être fait au niveau national et régional. L’objectif doit être de s’adapter de manière intelligente à la contrainte mais aussi de se saisir des aspects positifs de l’agenda européen. Respect des règles de concurrence et accès au financement européens doivent désormais être pensés ensemble de manière intégrée car pour la période 2014-2020, l’accès aux financements européens (FSE et FEDER) sera conditionné au respect des règles sur les aides d’Etat. En matière de financement, · Il faut dresser un état des lieux de la situation de l’ensemble des services publics au regard des règles sur les aides d’Etat. Il faut déterminer une méthode concrète de calcul du coût et donc du montant de la compensation liée aux missions de service public pat l’Etat. La question des aides d’Etat étant transversale à l’ensemble des services publics (industries de réseaux et services sociaux), on peut imaginer un groupe de travail chargé de cette question au niveau fédéral. · Même si peu de marchés sont en réalité très concurrentiels, il faut anticiper avant que n’ait lieu « l’écrémage du marché », c’est-à-dire la concentration des nouveaux entrants privés sur le marché sur les activités les plus rentables mettant ainsi en danger le financement du service universel (par exemple sur le marché postal ou en matière de formation professionnelle). Il s’agit donc de calculer le montant d’éventuels versements liés au fonds de compensation. Ce travail peut être fait par le régulateur ou l’autorité publique compétente dans chaque secteur et ce en lien avec des chercheurs qui s’intéressent au prix du service universel en fonction de la nature des territoires[11]. · Il faut se saisir de l’agenda sur l’investissement social. Cela pourrait se traduire par un programme d’investissement social qui viserait à attirer, au niveau local et régional, les financements des fonds européens (fonds structurels, fonds sociaux, etc) pour le financement des services publics. · En matière de politiques ciblées, les actions en faveur des enfants et de la jeunesse doivent être une priorité. La Commission a par exemple proposé de se concentrer sur les politiques sociales ciblées sur les enfants afin briser le cycle des inégalités à un stade précoce des parcours personnels[12]. La mise en place de la « garantie pour la jeunesse » qui a fait l’objet d’un accord récent au niveau européen[13] peut également être fructueuse. Celle-ci vise à ce que tous les jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans se voient proposer un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi. · En tout état de cause, les dépenses relatives à l’investissement social doivent être largement immunisées des coupes budgétaires liées au contexte de crise. En matière de régulation, il s’agit surtout de créer des conditions d’égalité et de concurrence loyale entre prestataires privés et publics. Pour cela, il faut · Inclure dans tous les contrats de concession et passation de marchés publics des dispositions relatives aux conditions d’emplois, et aux standards de qualité et ce afin de contrer la dualisation des marchés en termes de qualité des emplois et des services. · Cela pourrait passer par l’extension des compétences des autorités de régulation en matière de supervision[14]. 4. Synthèse Alors que chacun reconnaît le rôle fondamental des services publics dans le fonctionnement des économies et sociétés européennes, le contexte européen se caractérise par une tendance à la marchandisation de ces services. Dans un contexte marqué par la pénurie de moyens publics, la croyance selon laquelle la modernisation des services publics passe nécessairement par la présence accrue des acteurs et de l’argent privé dans un nombre toujours plus important de secteurs est largement dominante. Or le risque est grand de voir les acteurs privés s’emparer des activités les plus rentables, tandis qu’un services public résiduels, centré sur les populations les plus défavorisées, resteraient à la charge des autorités publiques. Afin d’éviter un tel scenario tout en allant de l’avant, il faut trouver des réponses face aux enjeux de la régulation, du financement et de la qualité de l’emploi. Ce qui est frappant, c’est d’abord l’absence d’évaluation et de connaissances systématiques sur les effets la libéralisation et la privatisation, ainsi que sur le coût des services publics. Il est urgent d’établir un diagnostic susceptible d’être partagé. De telles études peuvent être commanditées soit par les régulateurs et autorités compétentes au niveau national et régional ainsi que par le Parlement européen (après que la Commission a jeté l’éponge). Si la configuration politique semble extrêmement défavorable, on ne peut abandonner la bataille des idées au niveau européen. La logique implacable du droit primaire et secondaire européen, largement focalisée sur la concurrence, ne met pas toujours les citoyens et la qualité des services publics au centre. A cet égard, une position purement défensive centrée sur la subsidiarité est contre-productive, comme l’ont prouvé des jugements récents sur le logement social par exemple. Il faut donc continuer non seulement d’interroger la pertinence des règles sur les aides d’Etat mais aussi de réclamer un cadre législatif permettant d’ancrer des principes positifs. La discussion d’une évaluation indépendante dans des enceintes politiques est le principal moyen pour relancer le débat et sortir du dogmatisme. Au niveau national, plutôt que d’ignorer les règles européennes, il faut mettre en oeuvre des méthodes intelligentes du calcul de la compensation liée au financement du service public et ce afin d’éviter des situations de remboursement d’aides suite à des décisions de justice. De nouveau, cela doit être basé sur un screening précis de l’ensemble des aides versées. L’agenda d’investissement social qui vise la modernisation de l’Etat-providence passe nécessairement par des services publics performants (en matière d’éducation, de santé, de formation, etc) et doit être saisi comme une opportunité. Les autorités locales et régionales peuvent attirer à ce titre une partie significative des fonds structurels et sociaux européens. [1] Public services in the European Union and in the 27 Member States, European Centre of Employers and Enterprises providing Public services (CEEP), mai 2010. [2] Soulignons que le texte de la nouvelle directive sur la passation des marchés publics (COM/2011/0896 final - 2011/0438 (COD)) mentionne que les Etats-membres sont libres de définir les services de sécurité sociale obligatoire comme non-économique ou économique ce qui, dans le second cas de figure, les place dans le champ des règles du droit européen de la concurrence. [3] La Fédération des syndicats européens des services publics a lancé une initiative citoyenne pour que l’accès à l’eau soit reconnu comme un droit humain. [4] Pour cette raison, on ne s’étendra pas ici sur la jurisprudence. [5] Le règlement 360/2012 du 25 avril 2012 stipule que les compensations ne dépassant pas 500 000 sur trois ans ne sont pas qualifiées d’aides d’Etat et ne doivent donc pas être notifiées à la Commisison européenne. [6] « A voluntary European quality framework for social services », The Social Protection Committee, SPC/2010/10/8. On peut souligner que ce document existe exclusivement en anglais. [7] Cf The future of public services in Europe, UNISON & Verdi, unison.org.uk/positivelypublic/thefuture.asp [8] Selon la Fédération syndicale européenne des services publics, dès 2011, 70 000 emplois avaient été supprimés en Roumanie et 15 000 en Allemagne. [9] Il s’agit du projet PIQUE (financé par le 6ème programme cadre européen) menée par des chercheurs dans 6 pays européens (AT, BE, DE, UK, PL, SW) : pique.at. [10] En France et aux Pays-Bas, les organismes de logement sociaux ont été attaqués par des investisseurs privés en immobilier pour cause de surcompensation au motif que les logements sociaux étaient proposés à des ménages ayant des revenus relativement élevés et ne pouvant pas être considérés comme les bénéficiaires d’une politique sociale. Suite à une plainte d’une trentaine d’entreprises privées, la CJUE est interrogée sur la compatibilité avec les règles européennes en matière de la libre prestation de services et d’aides d’Etat d’un décret décret de la Région flamande du 27 mars 2009 qui impose aux acteurs privés de réserver une partie des lots au logement social ou de payer une amende en compensation (affaire C-203/11). En octobre 2012, l’avocat général estimait qu’il pouvait y avoir surcompensation du coût lié au service public, surtout en l’absence de procédure de marché public. [11] Cf par exemple « Le financement du service universel », Réflexions, site de vulgarisation de l’ULG. [12] Commission recommandation, « Investing in Children : breaking the cycle of disadvantage », C(2013)778, 20.02.2013. [13] Recommandation du Conseil du 28 février 2013. [14] On renvoie ici aux recommandations plus précises des rapports produits dans le cadre du projet PIQUE.
Posted on: Tue, 05 Nov 2013 09:13:13 +0000

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