Quelques jours avant de partir en voyage, j’ai eu envie de - TopicsExpress



          

Quelques jours avant de partir en voyage, j’ai eu envie de prendre un dernier bol d’air pur dans notre maison de campagne. Nostalgie, quand tu nous prends … MA COMPAGNE, LA CAMPAGNE Il me plaît, de temps en temps, de replonger dans mon sud natal pour communier avec ma terre, m’accrocher à ses racines, la remercier pour tout ce qu’elle m’offre, m’excuser de ne pouvoir lui accorder plus de temps et lui promettre fidélité. Fidélité à la terre, fidélité à son Créateur, fidélité à mon Créateur … Ma famille est originaire du village de Bkassine, dans la région de Jezzine. Village bien ancré dans les traditions libanaises, dans le fond et la forme. Mon grand-père a acquis, au siècle dernier, de la famille Joumblatt, une grande propriété dans le village de Araye, jouxtant le chef-lieu. Puis mon père y a aménagé, à la fin des années soixante, une maison datant du début des années 1800, où mes grands-parents logeaient les fermiers. Longtemps occupée par tous genres d’envahisseurs et de visiteurs, cette maison a connu une longue période d’hibernation après le départ des israéliens et avant que je ne me décide à la restaurer, en accord avec ma famille, pour devenir notre nid commun. Depuis, elle est, pour moi, un véritable Eden de ressourcement. Ce matin-là … Dès l’aube, la fenêtre ouverte pour accueillir les premiers rayons de soleil, caressé par un petit vent frais, encore calfeutré sous mon édredon, je suis réveillé par une symphonie de cocoricos dans laquelle tous les coqs du village se la jouent à qui mieux mieux. Je saute de mon lit, pieds nus comme pour mieux sentir la fraîcheur du sol, j’ouvre la porte qui donne sur le jardin et hume l’odeur bienfaisante de la rosée du matin sur le sol humide, odeur accompagnée de celle du jasmin, mélangée à la menthe, à la lavande et au romarin … Face à moi, habillé de la magnifique forêt de pins de Bkassine, un majestueux flanc de montagne, qui se lave les pieds dans le fleuve de Bisri, fait la révérence à son alter ego qui porte, en face de lui, sur son dos, la légendaire grotte de Fakhreddine. La chair de poule me submerge quand mon regard est attiré par la maison de mes ancêtres, en plein cœur de cette forêt, puis par l’église Mar Takla arborant fièrement ses vitraux de Chartres et abritant ses trois évêques, qui ont contribué à faire la gloire du village, et surtout par le paisible cimetière où repose, depuis près d’un an, ma très chère maman, appelée « sett Renée », par les bonnes gens qui lui portaient amour et respect. Couvrant le chant des cigales, une voix lointaine me sort de ma rêverie : « Woooooo Bou Youssef, 7awwel el may ». Et, tout en synchronisation, quelques secondes plus tard, j’entends l’eau glisser à flot dans le canal du bord de la route, comme pour compléter les mouvements de cette belle symphonie matinale. Puis, au même moment, j’entends des bruits de pas qui se précisent, un aboiement et quelques bêlements : voici qu’un troupeau de moutons et de chèvres avance vers moi, guidé par les « tss tss tss tss … » du berger lançant de petits cailloux comme pour définir les limites du chemin à prendre, et accompagné par le chien de garde. Le voilà accueilli par les clochettes des vaches beuglant de plaisir sous les mains expertes qui sont en train de les traire en chantant. Et hop, je saute dans le « jal » au-dessous de la maison pour cueillir une pêche lavée par la rosée et la croquer. Je pense alors à feu mon père, « khawéja Oidih », maître absolu des lieux, qu’il a façonnés avec amour, respecté par tous, et qui se donnait un malin plaisir à prendre son premier repas de la journée à cet endroit même où les métayers se plaisaient à le partager avec lui. C’est alors qu’Ayoub, fils de la seule famille druze du village, arrive avec sa vannette, me portant les délicieuses « manakiches 3al saj » de sa cousine et la « echta » de sa belle-sœur. Avant d’attaquer ce p’tit dej’ royal, je déclenche le jet d’eau de la fontaine centenaire cachée entre deux jeunes saules pleureurs du jardin gazonné pour me plonger la tête dessous et sentir couler sur moi son eau claire et limpide. C’est dimanche. Il est déjà dix heures. La cloche de l’église sonne. Comme des élèves à la fin de la récré, tous les villageois, parés de leurs plus beaux atours, défilent religieusement, répondant à l’appel sacré de la prière. Rendez-vous quelques minutes avant sur la « sé7a » pour se saluer. Là, dans le tas, je surprends Bou-Hussein, aux côtés de Bou-Toni, la main dans la main pour ne pas glisser, riant à gorges déployées en se racontant les faits et méfaits de la semaine. Ils iront prier ensemble pour que Dieu, le même pour les deux, protège leur village. La vie à la campagne ? Un véritable plaisir des cinq sens qu’aucune ville au monde, si belle soit-elle, ne peut nous offrir. Bonheur authentique où nous plonge notre Liban profond … Car celui qui ignore ce Liban-là ne peut comprendre pourquoi il y a des femmes et des hommes, des soldats et des enfants, des prêtres et des cheikhs, qui s’accrochent à lui, becs et ongles, pour ne pas le voir glisser sous leurs pieds ! Nagy el-Khoury Facebook, lundi 5 août 2013
Posted on: Mon, 05 Aug 2013 15:35:06 +0000

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