Questions directes à Roger Lumbala Tshitenge De gauche à - TopicsExpress



          

Questions directes à Roger Lumbala Tshitenge De gauche à droite : Omer Nkamba et Roger Lumbala. Photo CIC Ancien représentant de l’UDPS en France dans les années 90, ancien ministre, député national, Roger Lumbala Tshitenge, 55 ans, est le président du parti RCD-N (Rassemblement congolais pour la démocratie/National). Il est le ttout premier acteur politique congolais qui a osé clamer haut et fort sa "proximité" avec les rebelles du M23. Ceux-ci occupent plusieurs localités dans la province du Nord Kivu. Dans l’interview accordée à Congo Indépendant, en présence d’Omer Nkamba, "Roger" explique les raisons qui l’ont conduit à se rapprocher du M23. Il fait également le point sur la situation sur le terrain tout en esquissant le "projet politique" du Mouvement. Lumbala qui loue, au passage, "le sérieux" des "gens de l’Est" se gausse des habitants "du reste du pays" lesquels ne seraient, selon lui, que des "jouisseurs résignés". "Pour le M23 l’objectif reste le départ de Joseph Kabila du pouvoir", dit-il. Que faites-vous à Bruxelles ? Je suis venu rendre visite à mes "frères" et particulièrement à Omer Nkamba (Ndlr : ancien secrétaire national aux Relations extérieures de l’UDPS au début des années 90) qui a eu quelques ennuis de santé. J’en ai profité pour échanger avec lui sur la situation de notre pays. Omer Nkamba a été mon chef hiérarchique au moment où nous militions dans l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Avez-vous rencontré des officiels belges ? Pas du tout ! La Belgique est un grand pays. Je respecte les autorités belges. Toutefois, je reste Congolais. Je peux rencontrer mes compatriotes parce que les problèmes de notre pays concernent en premier chef les Congolais. Vous faites partie de la délégation du M23 aux discussions de Kampala avec le gouvernement de Kinshasa. Quel rôle jouez-vous exactement? Mon rôle est politique ! C’est-à-dire ? Je représente l’opposition politique dans cette délégation. Voulez-vous dire que vous participez à ces discussions en qualité de représentant de l’opposition congolaise ? Bien-sûr ! Avez-vous été mandaté ? Mandaté par qui? Nous parlons bien de l’opposition … C’est qui l’opposition ? L’opposition ne peut être que le contraire de gouvernants… Je représente l’opposition. Sauf que celle-ci n’est ni structurée ni organisée. Tout en me gardant de parler au nom des autres opposants, vous pouvez convenir que personne ne peut me contester la qualité de "véritable opposant" pour m’être battu aux côtés d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba. En tous cas, je parle au nom de mon parti politique. Et ce pour avoir été élu massivement député national dans mon Kasaï natal. Je me considère, dès lors, comme le représentant du peuple congolais. Quelle est la motivation profonde qui vous a poussé à rejoindre les rebelles du M23 ? J’ai décidé un jour de répondre à "l’invitation" du M23 simplement parce que j’avais promis aux Congolais le «Plan A» et le «Plan B». C’était lors des consultations politiques du 28 novembre 2011. Comme vous pouvez l’imaginer, le «Plan A», c’était l’élection de Monsieur Etienne Tshisekedi wa Mulumba en qualité de Président de la République. Après une tournée dans plusieurs pays européens, j’avais prévenu des Congolais de la diaspora en ces termes : «S’il arrivait que Kabila ne respecte pas la victoire d’Etienne Tshisekedi, il y aura un Plan B». Etant donné que Kabila - bien que c’est M. Tshisekedi qui a été élu - s’est imposé par la force des armes, j’ai pris la décision de passer au «Plan B». Ce "Plan" consiste à combattre Kabila par les armes. Cet homme a démontré, à la face du monde, qu’il pouvait "tenir en respect" les Congolais tant à Kinshasa qu’aux quatre coins du pays par la force des armes. Il peut ainsi tuer, enlever et massacrer la population impunément. Il est clair, que cet homme ne comprend qu’un seul langage : la "froideur" du canon. Devant des éléments armés, Monsieur Kabila comprend très vite le "message". Il a été mis à genoux par le M23 suite à la prise de Goma. On l’a vu voyager dans plusieurs capitales pour solliciter une médiation avec le mouvement. C’est ainsi que les forces du M23 ont accepté de se retirer de la ville avec en contrepartie des négociations. Voilà au moins une méthode qui contraint Kabila à accepter le dialogue. Alors que le même Kabila n’a jamais accepté de deviser avec les opposants politiques. Machiavel nous enseigne que celui qui ne comprend pas par la politique, il faut lui mettre le feu au c…La guerre est le prolongement de la diplomatie. Kabila a accepté la diplomatie parce qu’il est confronté à la guerre. Il faut vraiment être inintelligent pour ne pas comprendre qu’un homme armé ne peut respecter qu’un autre homme armé. Les swahilophones disent : « Dawa ya moto nii moto ». Tant que les Congolais n’auront pas compris cette évidence, Joseph Kabila accomplira, à son tour, 32 années au pouvoir... A propos d’opposants, "Joseph Kabila" vient de nommer François Muamba Tshishimbi à un poste politico-technique. Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que les opposants congolais ne se battent finalement que pour des postes ? François Muamba est un "grand-frère" du Kasaï. Je ne peux pas répondre à sa place. Nous avons vu, ici en Europe, des politiciens qui évoluaient à l’extrême-gauche passer à l’extrême-droite. Je lui souhaite une bonne chance dans la voie qu’il a décidé d’emprunter. Ce genre de mœurs politiques n’écorne-t-il pas l’image de l’opposition ? Un tel acte ne peut discréditer que son auteur. Je trouve risible l’affirmation selon laquelle les opposants ne se battent que pour leurs intérêts. Que dire alors de tous ces compatriotes de la diaspora qui avaient présenté leurs candidatures aux législatives du 28 novembre 2011 ? N’étaient-ils pas attirés par le traitement dévolu aux parlementaires lequel oscille entre 10 à 15.000 dollars américains ? Je suis un opposant congolais. J’ai tout abandonné pour combattre M. Kabila. Serai-je l’exception qui confirme la règle ? Je n’en sais rien! Une chose est sûre : je ne me bats pas pour mes intérêts personnels. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il est immoral d’être heureux tout seul. Je me bats pour que l’Etat congolais puisse garantir le «minimum possible» à chaque citoyen. Voilà pourquoi, j’ai refusé de rester dans une Assemblée nationale qui n’est qu’une caisse de résonance. Je ne peux pas tolérer que M. Kabila reste encore à la tête de l’Etat. Il a utilisé les armes en disant "j’y suis, j’y reste" alors que l’article 64 de la Constitution prohibe toute forme de coup de force. En vertu de cette disposition, je m’estime en droit d’user des mêmes moyens pour le chasser du pouvoir. Que répondez-vous aux Congolais qui se montrent réticents à l’égard du M23 suspectant le Rwanda de Paul Kagame de se dissimuler derrière ce mouvement ? On s’en fout ! On s’en fout éperdument! Nous n’avons pas besoin de ces Congolais là pour faire la guerre. Ces Congolais n’ont pas fait preuve de courage pour défendre leur pays et leur patrimoine. L’homme congolais est-il plus intelligent que le Conseil de sécurité des Nations Unies lequel a demandé à Kabila de négocier avec d’autres Congolais ? Devrait-on parler simplement d’une «logique du rejet» ? Il me semble que ce rejet trouve son point de départ en mai 1997 lorsque Laurent-Désiré Kabila est venu avec les Rwandais et les Ougandais. Pouvez-vous me citer un seul pays qui a connu de «révolution» par l’action de seuls nationaux? Il n’y en a pas! On peut citer l’Irak (USA), la Libye (France), la Centrafrique (Tchad). Avez-vous entendu les citoyens de ces pays réclamer la «facture» à ceux qui les ont aidés ? Les Congolais sont incapables de se battre pour leur pays. Mais, ils sont toujours prompts à demander la facture aux gens qui prennent des risques pour se battre pour eux… Etes-vous en train de confirmer que le Rwanda soutient le M23 ? Pas du tout ! J’essaie simplement de vous expliquer la genèse de cette frilosité congolaise. Faut-il rappeler que les Tanzaniens et des Ougandais d’origine rwandaise avaient aidé Yoweri Museveni à prendre le pouvoir à Kampala? Celui-ci a, à son tour, apporté son concours aux combattants du Front patriotique rwandais. Dans tous ces cas, il n’a jamais été question de facture. Sauf, au Congo. Le 28 novembre 2011, M. Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été élu président de la République. Deux années après, Kabila est toujours à la tête de l’Etat... Etienne Tshisekedi se trouve en résidence surveillée… Effectivement ! Qu’attendent ceux-là qui prétendent être plus Congolais que d’autres pour agir? Je connais bien l’Est du pays pour y avoir vécu. Quelle est justement la situation sur le terrain après les récents affrontements entre les FARDC et les combattants du M23 ? Le M23 contrôle la situation… Qu’entendez-vous par «contrôle»… Je veux dire que le mouvement a récupéré certaines localités. Pouvez-vous citer des noms? Non ! Je peux, en revanche, vous certifier qu’au moment où nous parlons, des canons sont pointés sur Goma. On ne me l’a pas dit. Je l’ai constaté. Il va sans dire qu’à tout moment, le M23 peut «entrer» dans la ville. Les Gomatraciens préfèrent d’ailleurs les combattants disciplinés du M23 aux éléments des FARDC. Contrairement à une certaine propagande, le M23 sécurise mieux la population. Certaines sources dénoncent pourtant des cas de violations des droits humains dans les territoires contrôlés par les forces rebelles… Pas du tout ! C’est de la spéculation. Je peux vous citer, à titre d’exemple, l’époque où les combattants du RCD/N et ceux du MLC de Jean-Pierre Bemba allaient prendre la ville de Beni au début 2000. Pour faire échec à cette prise, une certaine opinion a répandu des rumeurs accusant nos combattants d’actes de «cannibalisme». Vous avez été accusés d’avoir «mangé» des pygmées… Effectivement ! Je suis un Muluba wa Kabamba. Dans ma culture à moi, on n’a jamais touché à la chair humaine. Comment pourrais-je, dès lors, inciter mes combattants à se livrer à l’anthropophagie alors que nous nous trouvions dans un parc où pullulaient du gibier. Je suis allé à Mambassa, Badengaïdo, Epulu, Sarate-Molokaï et Kpuru-Kpata pour vérifier toutes ces allégations. J’ai été bien accueilli par des pygmées prétendument avoir été mangés. C’est un secret de Polichinelle de relever ici que certaines organisations non gouvernementales s’arrangent pour faire des déclarations et rédiger des rapports n’ayant aucun rapport avec la réalité sur le terrain. Le M23 va-t-il renvoyer sa délégation à Kampala pour la reprise du dialogue suite au souhait exprimé par le secrétaire général des Nations Unies ? Bien-sûr ! Il semble que le mouvement exige la signature préalable d’un cessez-le-feu… Nous exigeons le cessez-le-feu pour la simple raison que l’armée de Kabila est l’armée la plus faible du monde. Le M23 redoute non pas les affrontements avec les forces gouvernementales mais bien une catastrophe humanitaire. Une catastrophe qui pourrait découler d’un vaste déplacement de la population. La demande du M23 a été rejetée simplement parce que le gouvernement continue à placer son espoir sur la brigade d’intervention des Nations Unies pour «anéantir» nos forces. Vous avez, sans doute, remarqué que le Mouvement du 23 mars est prêt à relever le défi. Le Conseil de sécurité a bien reçu le message. Après sa venue à Kinshasa et à Goma, en mai dernier, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a fini par déclarer : «J’ai compris pourquoi le M23 se bat». Il ajoutait : «J’ai demandé à M. Kabila de négocier avec ses compatriotes du M23». Vous avez dit que Kabila ne comprend que le langage des armes. Partant de ce postulat, qu’allez-vous finalement négocier à Kampala ? Au départ, nous avons demandé le départ de M. Kabila afin que nous puissions mettre en place un «Comité de transition» chargé de gérer cette période ou d’installer M. Tshisekedi à la tête du pays. Et partant, mettre en place les mécanismes démocratiques. Mais, les choses sont loin d’être simples. En cause, M. Tshisekedi n’a jamais exprimé sa position tant vis-à-vis du M23 que de ceux qui luttent pour qu’il retrouve son impérium. Il n’a entrepris aucune démarche en direction de ce Mouvement. A partir de ce moment, le M23 va-t-il continuer à se battre pour le rétablissement de la vérité des urnes alors que le principal intéressé rechigne à s’exprimer ? Je crois que c’est un peu difficile. Notre objectif final reste : le départ de Joseph Kabila Le départ de «Joseph Kabila» du pouvoir ne peut constituer un "projet politique". Quel type de société comptez-vous promouvoir au Congo-Kinshasa ? Nous voulons en premier lieu instaurer une politique de bonne gouvernance. Qu’entendez-vous par "bonne gouvernance"? C’est l’industrialisation de la République démocratique du Congo. Objectif : l’autosuffisance alimentaire. On ne peut pas bâtir une économie sans que le pays produise pour exporter. Aujourd’hui, le Congo importe 99% de produits de première nécessité. Il faut mécaniser l’agriculture pour industrialiser le secteur agro-alimentaire. Pour atteindre cet objectif, le pays doit accroître sa production énergétique et améliorer la distribution d’eau courante. L’économie ne peut pas fonctionner sans l’homme. Bref, la famille. Il ne peut y avoir d’économie sans consommateurs. Il va falloir, pour ce faire, améliorer le pouvoir d’achat des gens. Les secteurs de l’éducation et de la santé font également partie de nos priorités. Pourquoi les conflits armés au Congo-Kinshasa partent-ils toujours de l’Est du pays ? Pour donner un «caractère national» à la lutte, pourquoi les guerres ne partent-elles pas de Bandundu, du Kasaï, du Katanga ou d’ailleurs ? Il y a une différence entre l’Est et le reste du pays. Les habitants de l’Est produisent les denrées alimentaires dont ils ont besoin. Ils peuvent ainsi manger à leur faim, du 1er au 30 du mois. Après avoir satisfait les «besoins économiques», cette population peut formuler des revendications d’ordre politique. Contrairement aux autres citoyens du pays, ceux de l’Est ne se laissent pas berner des promesses fallacieuses. Lorsque la parole donnée n’est pas respectée, ils prennent les armes pour exiger des comptes. Les «autres» s’adonnent à la jouissance et à la délation. Ils restent impassibles face aux gouvernants qui les gavent en paroles mielleuses. Voilà la différence qu’il y a entre les peuples de l’Est et les autres habitants de la République démocratique du Congo. Je vous conseille de jeter un coup d’œil dans «Facebook». Il vous sera loisible de constater avec stupéfaction les «bavardages» des originaires du reste du pays. Tel individu ou militaire annonce son "intention" d’«éliminer» Joseph Kabila. L’intéressé le fait savoir sur sa page Facebook. Une manière de prévenir l’ennemi. Alors qu’à l’Est, le silence et la discrétion sont de rigueur jusqu’à la réalisation de l’action. Qui a trahi le colonel John Tshibangu ? Il est clair que nous sommes de culture différente. J’ai décidé de faire mienne cette "culture de l’Est". Que pensez-vous des concertations nationales initiées par «Joseph Kabila» ? Un Président qui n’a pas de légitimité n’est pas habilité à initier ce genre de réunion. Cette rencontre n’est, en réalité, qu’un prétexte pour amener l’opposition à le légitimer. Ces assises ont été évoquées à la suite de l’attaque du M23… Propos recueillis par Michel Kazadi wa Tshamala et Baudouin Amba Wetshi © Congoindépendant 2003-2013
Posted on: Fri, 21 Jun 2013 01:24:48 +0000

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