RECAPITULATIF DE CHRISTIAN RANUCCI - PARTIE 2/3 Suite du - TopicsExpress



          

RECAPITULATIF DE CHRISTIAN RANUCCI - PARTIE 2/3 Suite du document rédigé par Christian Ranucci. - 2ème partie Je pensais : « Le pull-over rouge, à qui appartient-il ? à qui donc ? Et ce couteau aussi ? Et puis javais bu mais me souviens quand même de ce que jai fait. Et puis ce cambriolage, en pleine nuit, de mon garage ? Quest-ce que ça veut dire ? Pourquoi ? Et puis les automobilistes avec qui jai eu cet accrochage ? Martinez et sa fiancée. Ils disent bien que jétais seul dans ma voiture. Ils ne peuvent pas se tromper, un passager, ça se voit dans un coupé. Bon Dieu ! Il était peut-être possible que pendant le laps de temps où je me suis évanoui juste après larrêt, jai eu « une amnésie » comme ils me le disent, et que je commette un acte dont je ne garde souvenir, mais même dans ce cas, leur scénario ne colle pas, lenlèvement à 11 heures moins le quart, mon accident à 12 h 30, cest bigrement long comme « amnésie ». Dailleurs eux, ils disent « amnésie » quand ils parlent de mon évanouissement après mon accident et cétait la fatigue plus lalcool plus la commotion; et ils sempressent dajouter en insistant : « Amnésie simulée », « II fait semblant de ne pas se souvenir », « Trou de mémoire parce quil ne veut pas raconter comment il a commis son forfait », etc. « Une façon comme une autre de me culpabiliser ! Mon évanouissement les arrange bougrement. Bon Dieu, quelle hypocrisie, quel vice. » Ma mémoire ne mavait pas trompé, malgré lalcool et la fatigue, mes souvenirs que javais pris pour une fiction, après que jeus cru à lhistoire du commissaire, reflétaient bel et bien la réalité. En bref, le vrai que javais pris pour le faux est vrai et le faux que javais pris pour le vrai est faux. Mais il restait à le prouver. Je sentais peser sur moi le voile lourd et indistinct dun traquenard. Ils étaient nombreux sur les lieux du crime, juge, procureur, secrétaire, policiers, à attendre que je leur montre comment sétait passé ce meurtre que je navais pas commis. Mes nerfs ont craqué. La gorge nouée je dis au juge DI Marino : « Ce nest pas moi ! Ce nest pas moi ! - Cest trop tard pour le dire », me répondit-elle. Nous remontâmes dans les véhicules, et après un kilomètre environ en direction de Marseille, les véhicules sengagèrent sur un petit chemin, peu visible de la route, ils le suivirent sur 300 mètres, sarrêtèrent, sur un terre-plein recouvert par endroits dune couche de tourbe - servant vraisemblablement à la culture des champignons - le tout entouré de végétation. Lentrée de la galerie de la champignonnière nest pas visible du terre-plein, la seule indication est un petit chemin en pente descendante qui paraît senfoncer dans la colline vers nulle part. Il faut le suivre pour parvenir à lentrée vaguement circulaire de la galerie boueuse, pierreuse et sombre. Arrivés là, le juge, le procureur et autres regardèrent un moment les lieux et nous repartîmes. La reconstitution était terminée. Je crois quil est utile que nous nous penchions maintenant sur les témoignages de M. Guazzone Henri, 50 ans, propriétaire de lexploitation champignonnière et de M. Rahou Mohamed, 54 ans, employé. Je passerai sur ce que jai déjà exposé précédemment, notamment comment jai rencontré M. Rahou et sa famille, bu le thé avec eux, attendu la venue du patron M. Guazzone. Je me contenterai de résumer leurs témoignages, qui eux aussi minnocentent. Bien que fort curieusement ils furent déclarés témoins daccusation ! « Il nous parut fatigué mais souriant, naturel, un peu éprouvé (transpirant) par les efforts quil venait de fournir pour tenter de désembourber sa voiture, mais ses vêtements étaient propres, du moins ne présentaient pas de taches suspectes. » Je mentionnerai encore ce détail : M. Guazzone, alors quil se rendait, avec lemployé et moi-même au tunnel pour voir quels moyens il fallait mettre en oeuvre pour sortir ma voiture de là, dit : « Je trouvais tout de même étrange de voir une voiture bloquée à cet endroit de ma propriété, ne sachant ce que son chauffeur venait faire là, je fis mine dappeler la police. Il neut aucune manifestation de crainte quelconque. Jacceptai ensuite de lui donner un coup de main et je suis allé chercher mon tracteur. » La reconstitution terminée, cétait linstruction qui allait bien vite, bien trop vite sachever aussi. Jétais complètement piégé, le carcan de la justice me tenait. Peu importait par quels moyens elle y parvint. Ce qui primait cétait de classer laffaire. Vite. Mais, moi, je sentais, je commençais à savoir que j`étais victime dune machination. Je nen voyais quune vague silhouette, mais déjà suffisamment pour commencer à en démonter pièce par pièce les éléments que je connaissais. La raison - le pourquoi lon avait pas hésité à sacrifier la vie, lhonneur et la liberté dun innocent - métait inconnue. Elle me lest encore aujourdhui vingt-trois mois plus tard. Javais tout dabord commencé à me poser des questions à propos de ce pull-over rouge retrouvé à la champignonnière, puis sur ce couteau, puis sur les raisons de la visite de ces quatre policiers soi-disant magistrats, puis sur le cambriolage en pleine nuit de mon garage à Nice, puis je mesurais combien le commissaire eut de chance en tombant sur un garçon aussi jeune, confiant, naïf et aux nerfs fragiles, réussissant par une belle mise en scène à le faire douter de lui-même et de ce quil avait vu et fui. Puis je pris connaissance des témoignages de toutes les personnes, celles qui ont assisté au kidnapping et celles qui mont vu ce jour-là: M. Martinez Vincent : « Il était seul dans sa voiture. » MM. Guazzone Henri et Rahou Mohamed : qui expliquèrent comment je suis venu les trouver pour leur demander de laide, ma voiture étant immobilisée, que javais [lair] fatigué, mais souriant, transpirant mais mes vêtements étaient propres. Un individu qui aurait eu quoi que ce soit à se reprocher, à plus forte raison un crime aussi odieux que celui-là, dabord aurait fui et ne serait pas entré dans une propriété privée, ni venu embourber son véhicule dans un tunnel boueux pour ensuite venir se montrer tranquillement devant plusieurs personnes (M. Guazzone et toute la famille Rahou), ni boire le thé avec eux en bavardant, puis demander de venir sortir sa voiture. Et puis, comment aurais-je pu laver les traces, dans un tel crime - lon imagine aisément que son auteur doit être sali de la tête aux pieds - chaussures, pantalon, chemise ou veste, bras, mains ? Et puis pour entrer dans cette propriété dont le chemin, et accès, nest guère visible de la route, sans avoir le nez dessus ? II faut connaître. Idem pour lentrée de la galerie. Et les témoins de lenlèvement : M. Spinelli, garagiste de profession : « II était vers les 11 heures, le lundi 3 juin, il sagissait dune voiture Simca 1100 grise, quatre portes; lhomme était vêtu dun pantalon foncé, et dune veste plus claire. Je lai vu dune quarantaine de mètres mais je peux préciser quil avait les cheveux plutôt courts, avec les oreilles dégagées, cheveux noirs, il devait avoir dans les 35 ans. II a fait monter la petite fille dans sa voiture par la portière droite de façon naturelle, je dirais familiale. Puis par la suite: « Il navait pas de lunettes. » Ce seul témoignage minnocente et rend absurde le simple doute que lon pouvait avoir de mon innocence. Car ma voiture est certes grise, mais il sagit dune Peugeot 304, non dune Simca 1100, il sagit dun coupé deux portes, non dune voiture à quatre portes. Je nai pas la corpulence du ravisseur (je suis plus svelte), je nai pas de veste claire. Je nai pas 35 ans (jen ai 20). Je nai pas les cheveux noirs, ni courts, ni oreilles dégagées, ils sont châtain clair, longs. Et jai des lunettes constamment. Après le drame, lon présenta au jeune frère de la victime, jean, 6 ans, plusieurs types de voitures dans la cour de lÉvêché en lui demandant « de montrer celle du Monsieur ». Sans hésitation il montra une voiture Simca grise à quatre portes. (Dois-je préciser quon le fit tourner autour de ma propre voiture en lui demandant : « Tu es sûr quelle nétait pas comme celle-là ? » ) Le commentaire du commissaire Porte, je crois, le chef dAlessandra (NDLR: en fait linspecteur Porte est ladjoint du commissaire Alessandra), fit, après ce nouveau témoignage qui bouleversait quelque peu les plans préétablis, la remarque suivante : « Il ne reconnaît pas la voiture du ravisseur... cest pathétique ! » Voyez jusquà quel point un homme peut cultiver lart de la mauvaise foi. Témoignage de Jean Rambla : « Il parlait comme les gens dici, il avait des cheveux noirs et il navait pas de lunettes. » Jai des lunettes et des cheveux châtain clair et je nai pas daccent. Je précise sil en était besoin que ces deux témoins capitaux sont formels et ne me reconnaissent pas. Et pour cause... Vous rendez-vous bien compte de lextraordinaire et de linsolite du fait que les deux seules personnes qui ont assisté au rapt de Maria-Dolorès Rambla nont pas été convoquées, lors du procès, par laccusation; mais par moi ! Par la défense ! Comprenez-vous ce que cela implique ? Le juge dinstruction Di Marino a dû penser que si le pigeon était déjà plumé, il ne pourrait être cuit, à cause notamment des témoins qui linnocentent et des contradictions à surmonter pour le faire passer pour le coupable de cet enlèvement et de ce meurtre, sil ne trouvait rapidement un argument dappoint. Lon fit des recherches, partout où javais passé (même en République fédérale dAllemagne où jai accompli mon service armé), pour voir si, par hasard, il ny aurait pas eu un crime inexpliqué dans les environs commis par un homme qui me ressemblerait. Il ny eut aucun résultat bien sûr. Je viens décrire « bien sûr », mais ce nest pas si évident, car si je nai évidemment jamais commis de crimes ou délits que ce soit en France, en R.F.A. ou ailleurs, il eût été possible quil y ait une ressemblance avec un quelconque malfaiteur. Sait-on jamais ? Di Marino neut pas cette aubaine. Lon fit passer aussi, dans des quotidiens régionaux, un article avec ma photo qui demandait à toutes personnes, ayant eu à se plaindre du comportement anormal dun sadique, sils ne reconnaissaient pas sur la photo cet homme-là. Il y eut deux réponses ! Quelle jubilation pour Di Marino ! Elle a dû sen frotter les mains comme un vieil avare qui trouverait un billet de plus dans la monnaie que lui rend son commerçant. Voici ces gens. N° 1. Les faits : Mme M. Marthe, épouse Spinek, 48 ans; Nice, 06 ; et sa fille 10 ans. Un jour que sa fille rentrait de lécole, alors quelle venait de quitter ses camarades au coin de la rue et sapprêtait à rentrer dans la ville maternelle, un homme habillé dun imperméable beige et avec des lunettes fumées poursuivait sa fille jusque dans le couloir. Se voyant surpris par la mère qui regardait par la fenêtre la scène, le type senfuit à toutes jambes. Confrontation : Précisons dabord les circonstances de cette confrontation : Je suis assis avec à ma gauche et à ma droite deux jeunes policiers en complet-veston. Moi je suis en chemise - vêtements sales et fripés, cheveux en brosse ultra courts. Pas rasé. Pas lavé. Bref, aussi visible quune mouche dans une assiette de lait. Ceci posé, si cette dame Spinek dit : « Celui-là lui ressemblerait bien un peu mais il était différent tout de même », et sa fille dit : « Je ne reconnais aucun de ces trois hommes », cest que à coup sûr il doit sagir dune autre mouche, non ? Eh bien pourtant le juge Di Marino insérait quand même ces précieux témoignages dans le dossier à charges. Histoire de me salir. Limperméable beige. Spinek : « Il avait un imperméable beige ou gris. » Di Marino à moi : « Avez-vous un imperméable beige ? » Moi : « Non. Je nen possède quun et il est bleu marine. » Di Marino à Spinek : « II était beige ? » Spinek : « Oui !... Beige ou gris je crois bien. » Di Marino à Spinek : « Vous êtes sûre quil nétait pas bleu ? » Spinek : « Cest possible, mais je ne crois pas. » Etc., etc. Mais là aussi le juge a raté la manoeuvre. A titre documentaire je précise que : 1 - Je nai pas dimperméable gris ou beige, ou beige-bleu ou gris-bleu. 2 - Je nai pas de lunettes à verres fumés. Jamais eues. 3 - Je me trouvais ce jour-là à 1 000 km de Nice, à Bruxelles. Bien entendu, jai dit au juge que je me trouvais alors à Bruxelles. Il ne voulut rien savoir - je mentais - ni surtout vérifier. Sentêter, se mettre dans lobligation, après, de reconnaître que ces précieux témoins ne mont jamais vu, et nont rien à faire dans le dossier à charge... N° 2. M. Pappalardo Marc, 33 ans, tourneur ; et son fils, 6 ans ; Nice, 06. Les faits : dimanche de Pâques, 1974 - après-midi. Un individu amène le petit gamin dans un sous-sol dimmeuble, lui raconte des histoires et lui offre des bonbons. Entre-temps, son père inquiet avertit la police. Le gamin retourne chez lui et dit à son père que le Monsieur qui lui a donné des bonbons va revenir demain. II le décrit comme étant un vieux monsieur avec une barbe blanche (NDLR: Le jeune Pappalardo na à aucun moment parlé de barbe blanche) et aussi avec des cheveux blancs. Le lendemain, alors quil rentrait chez lui avec son fils, celui-ci dit à son père, en voyant un jeune homme vers lentrée de son immeuble, quil reconnaît le Monsieur de la veille. Le père accroche le Monsieur et lui demande des explications sur sa présence là, ce quil vient faire là, etc. et veut emmener lhomme à la police. Le type senfuit en courant et il na pas réussi à le rattraper. Confrontation : Mêmes circonstances que précédemment. Ce M. Pappalardo rentre dans le bureau du juge. Celui-ci lui pose la question : « Le reconnaissez-vous parmi ces 3 hommes ? » Éclats ! Exclamations ! Clameurs ! Lhomme pointe son index dans ma direction en affirmant sur le ton le plus affirmatif qui soit : « Cest celui-là ! Je le reconnais bien. Cest celui-là ! » Le secrétaire du juge note tranquillement ce quil raconte. Tandis que moi jinforme le juge Di Marino que cet homme se trompe. M. Pappalardo précise au juge : « Il avait les cheveux plus longs. (Javais une coupe ultra-courte.) II avait une chemisette à manches courtes bleue et blanche. » Je réponds : « Je nai pas de chemisette bleue et blanche. La seule que jai de claire est blanche. » Le juge nest pas content. Lhomme continue : « Je suis sûr que cest ce type que jai vu devant chez moi le lendemain ; chemisette bleue et blanche ou chemisette blanche ! » Je questionne : « Cet homme qui a donné des bonbons à votre fils avait, je crois, des cheveux blancs et une barbe blanche et était âgé ? » Réponse : « Mon fils ne connaît pas les couleurs ! II confond le blond et le blanc. » (Je suis châtain clair ...) Cinq minutes plus tard le bambin entre dans le bureau : questions gentilles du juge. Le gamin répond : « Le Monsieur nest pas là ! » Le juge : « Regarde bien, prends ton temps, on nest pas pressé. Alors ? - Non, il nest pas ici. » La secrétaire du juge note. Je répète une nouvelle fois au juge que ce M. Pappalardo fait erreur. Que lon doit vérifier. Je me trouvais chez moi avec ma mère, et il y avait aussi, je crois, une invitée le jour où ce vieux monsieur a offert des bonbons au bambin. Je parlais pour rien. Le juge sen foutait. Par la suite, je me suis demandé où ce monsieur Pappalardo était allé chercher son culot pour accoster un passant devant son immeuble, et qui sest ensuite enfui en courant, en le prenant pour un vieillard. Ou pour me reconnaître comme ressemblant à lhomme qui, lui, ressemblerait au vieillard, ou me reconnaître comme un vieux à barbe blanche ! On pourrait en rire. Si... Malheureusement le juge Di Marino sest cramponné à ces sottises, et elles sont encore dans le dossier. Tortures, menaces, mensonges, mise en scène, escamotages, machinations, calomnies, rien ne les arrêtèrent pour accabler un innocent, camoufler la vérité et tromper lopinion publique. Au début, le commissaire Alessandra a-t-il pensé sincèrement que jétais coupable, et, de peur de voir un coupable lui échapper par manque de preuve, sest-il cru en devoir d « aider » la justice par ses machinations ? Certes, dans ces cas-là, bien quil eût outrepassé ses attributions et ses droits en usant de certains moyens hautement répréhensibles, il bénéficierait de quelques circonstances atténuantes. Mais comment expliquer, tout au long des mois, mon inculpation et mon maintien dans une prison ? Car, même dans ce cas-là, comment le juge dinstruction a-t-il fait, par la suite, pour ne pas se poser des questions sur les nombreux témoignages qui minnocentent, les contradictions, illogismes, impossibilités matérielles (et même morales), bref, tous les points qui demeuraient obscurs si lon me prenait, moi, pour coupable ? Pourquoi ces oeillères ? cette surdité ? ce refus de la raison ? A partir du jour où jai soupçonné que lon se servait de moi comme bouc émissaire, jai accumulé patiemment tous les éléments que jai pu, ceux qui détruisaient linterprétation erronée de certains autres éléments, ceux qui prouvaient ou tendaient à prouver mon innocence ou ceux qui simplement faisaient naître des questions sur des points litigieux. Et un jour, le 24 décembre 1974 à 9 heures, je profite dune convocation du juge Di Marino pour lui exposer mes découvertes, demander à être éclairé sur certains points obscurs et demander à ce quon procédât à des enquêtes. Bref, crier mon innocence et demander justice. Je neus même pas le temps dachever mon préambule, Di Marino me dit : « ça ne mintéresse pas ! Vous mentez ! Au revoir ! » Le juge partit peu après et fut remplacé par un autre nommé Michel. Lorsquil me convoqua le 19 février 1975 pour signer le récapitulatif, je profitai de cette occasion pour lui dire ce que son prédécesseur navait pas voulu entendre, espérant rencontrer un esprit moins obtus. Je commençais à lui dire que certains faits troublants quil faudrait vérifier... quil me coupa net, il eut exactement la même réaction que Di Marino. « Ça ne me regarde pas ! Je ne veux rien savoir ! Écrivez-moi pour un rendez-vous ! » Le lendemain matin ma lettre partit pour demander ce R.-V. Je reçus en réponse un mois plus tard un télégramme minformant que le dossier avait été transmis et que linstruction était terminée. Toujours ces oeillères, toujours cette surdité, toujours ce refus de la raison. De toutes les questions que je posais, il en était une qui résumait toutes les autres. « Mon inculpation, mon emprisonnement et surtout mon maintien, en prison, est-ce le résultat dune accumulation derreurs ou bel et bien une machination ? Un an après mon inculpation je fus en mesure de répondre à cette question sans douter. Cétait dun traquenard dont jétais la victime innocente et pas dune erreur judiciaire ou autre. Début juin 1975, ma mère vint me voir au parloir, comme chaque jeudi. Elle me raconta ce qui suit : Alors quelle attendait lappel de son numéro pour le parloir, une dame qui comme elle attendait son tour, qui venait rendre visite à un de ses fils qui se trouvait aux Baumettes, pour une affaire insignifiante, sapprocha delle en lui disant : « Lon vient de me dire que vous étiez la maman dont le fils a été inculpé dans laffaire Rambla, cest bien vous ? » Ma mère répondit que oui. La dame dit alors : « Je croyais que votre fils avait été relâché ! Je sais que votre fils na pas enlevé ni tué Maria Rambla ! Je sais qui est le coupable et je ne comprends pas que votre fils soit encore en prison à sa place ! » Ma mère demanda immédiatement des explications, comment savait-elle que jétais innocent ? La dame se présenta, elle se nomme Mme Mattéi, 46 ans, est mère de huit enfants, et elle habite la cité des Tilleuls à Saint-Jérôme-Malpasset à Marseille. Et elle conta à ma mère ces faits extraordinaires : (Pour des raisons de clarification, je vais rapporter en une seule fois tous ces faits; mais ma mère ne put prendre connaissance du tout quaprès avoir revu ultérieurement Mme Mattéi.) Le premier eut lieu quatre jours avant le rapt et le meurtre de Maria-Dolorès Rambla. « Le vendredi 31 mai 1974, lune de mes filles Agnès, qui a 12 ans, jouait en bas de limmeuble de notre cité avec son amie Carole Barraco, 13 ans, lorsquun homme sapprocha de ma fille et son amie. Il leur expliqua quil venait de perdre son petit chien noir et demanda si elles voulaient bien laider à le chercher avec lui et proposa de monter dans sa voiture. Ma fille et son amie ont refusé. Lhomme insista. Elles refusèrent toujours. Cest à ce moment quen me penchant par la fenêtre de ma cuisine, je suis au premier étage, jai vu la scène, cest-à-dire lhomme qui parlait aux deux fillettes. » « Il était habillé dun pull-over rouge vif, dun pantalon sombre, il avait les cheveux noirs et plutôt courts, il devait avoir dans les 35 ans. Sa voiture était une Simca 1100 grise à quatre portes. Je lai vu remonter dans sa voiture et repartir. Je nai pas pu relever le numéro en entier, mais jai vu que son numéro finissait par un 8, et avec le 54 pour la région. Jai pu voir aussi quil y avait des jouets posés sur la lunette arrière de la Simca (poupées, seau en plastique, ballons denfant et dautres articles du même genre). Jappelai ma fille, et elle me raconta comment elle et son amie venaient dêtre abordées par cet individu. Si nous le revoyions, ma fille, son amie ou moi-même, nous le reconnaîtrions. » « Le lendemain, le samedi 1er juin 1974, je lai revu. Jétais en train dattendre ma fille à la sortie de son école. II sest approché de moi et ma demandé si je navais pas vu une petite fille de cette taille à peu près (il ma montré avec la main la hauteur dune fillette dune huitaine dannées). Je lai reconnu tout de suite. Jen suis restée clouée sur place. Il a dû voir que je le reconnaissais car il sest immédiatement éloigné sans attendre de réponse. Il était encore habillé avec ce pull-over rouge vif - col ras du cou et boutons qui fermaient sur lépaule. Il sétait éloigné justement en direction du raccourci qui mène vers la rue dAlbe où fut enlevée Maria Rambla. » « Le mardi 4 juin 1974. Je suis allée porter plainte auprès du commissaire Mariani, au commissariat de mon quartier. Il ma dit aussi de me rendre à lÉvêché en me donnant un numéro de bureau. Jy suis allée et cest un commissaire qui sappelle Alessandra qui ma reçu. Je lui ai raconté tous les faits et jai ensuite signé ma déposition. Ce jour-là, jai croisé dautres personnes qui venaient elles aussi porter plainte pour des tentatives denlèvements denfants qui avaient eu lieu, il y a quelques jours, comme moi, et qui concernaient le même maniaque à la Simca 1100 grise. » « Le 3 juin 1974, quand la radio a annoncé quune enfant de 8 ans avait été enlevée par un homme brun avec une Simca 1100 grise et qui avait employé le même stratagème quavec ma fille et son amie, venir chercher un petit chien noir égaré pour ensuite emmener les enfants dans sa voiture, jai su que cétait cet homme qui avait enlevé cette pauvre Maria-Dolorès Rambla. » « Peu après, le 6 juin, jai appris que lon avait retrouvé cette malheureuse enfant assassinée près de Marseille et quon avait arrêté un jeune homme de 20 ans pour ce meurtre. » « Le 6 juin en matinée, jai été convoquée ainsi que ma fille Agnès au commissariat central par le commissaire Alessandra qui avait enregistré ma plainte. IL ma dit que lon avait arrêté lassassin de la petite Maria-Dolorès Rambla et il me demanda, ainsi quà ma fille, si parmi les quatre ou cinq jeunes hommes que lon nous présentait se trouvait lhomme au pull-over rouge vif et à la Simca 1100 grise. Votre fils était parmi eux, complètement effondré, en larmes. Lhomme au pull-over rouge ny était pas. » « Après nous sommes reparties. Javais appris quun jeune homme, Christian Ranucci, avait été inculpé pour cet horrible assassinat, mais jai pensé quon lavait ensuite relâché vu que ce nest pas lui, lhomme au pull et à la Simca 1100; cest pourquoi je métonne que maintenant, un an après, il soit toujours en prison. » « Le surlendemain, ou lendemain, 7 ou 8 juin, le commissaire Alessandra est venu chez moi pour me demander de me rendre avec lui aux obsèques de cette pauvre enfant pour reconnaître son assassin, si des fois, il y venait. Jy suis allée, mais je nai vu personne lui ressemblant durant toute la cérémonie. » « Lorsque ma fille avait failli être enlevée par cet individu, jen ai parlé à mes voisins pour les avertir. Et jappris aussi que ce triste individu avait déjà essayé denlever des enfants dans ma cité des Tilleuls à Saint-Jérôme et aussi ailleurs, à la cité des Ceriseraies à Saint-Loup. Jai rencontré à lÉvêché, M. Martel qui est gardien aux Ceriseraies de Saint-Loup, lorsque jy suis allée pour porter plainte le 4 juin, ainsi que M. C., Mme Barraco, ma voisine des Tilleuls, et celle-ci na fait que contresigner les plaintes, elle est un peu craintive. » « Aux Tilleuls, le maniaque au pull-over rouge avait essayé denlever lami du frère de Carole Barraco, qui est la copine de ma fille Agnès. Cet homme avait abordé le petit Alain Barraco (6 ans) en lui disant de faire venir un garçonnet de 8 ans, ami dAlain, et qui jouait plus loin, il dit à Alain : « Va le chercher, je veux lui parler. » Quand le garçonnet arriva, lhomme au pull rouge ressortit encore une fois son histoire de petit chien noir mais le garçonnet na pas voulu venir. Lhomme le tira soudain par le bras pour le mettre dans sa Simca. Heureusement le garçonnet réussit à senfuir. Lhomme au pull rouge partit aussi. » Lon devine ma joie lorsque jappris tout cela, après avoir tant et tant recherché des éléments solides pour étayer mon innocence du meurtre de Maria-Dolorès Rambla. Nous avions enfin des preuves, à profusion presque, de mon innocence. Je remerciai Dieu. Je voyais la fin de mes épreuves et celles de ma mère. Ma mère rendit visite à Mme Mattéi chez elle pour obtenir le maximum de détails parce quelle avait vu, elle, sa fille et sa camarade Carole. Ma mère visita aussi Mme Barraco, M. C., M. Martel. Mes avocats maîtres Lombard et Le Forsonney furent informés de ces faits nouveaux et afin quils fassent entendre les témoins car, par extraordinaire, tous ces témoignages nous avaient été cachés, escamotés. La justice taisait tout sur cet homme. Ma mère visita M. Martel, le concierge des Ceriseraies à Saint-Loup, gardien assermenté. Celui-ci relata à ma mère dans quelles circonstances il vit, et parla même à lindividu (NDLR: Le témoignage de M. Martel ne fait pas apparaitre quil ait jamais parlé à cet homme.) : « Le samedi 1er juin 1974, je vis un homme âgé de 35 ans environ, cheveux noirs et courts, portant un pull-over rouge ras le cou avec des boutons sur lépaule, il semblait rôder dans le couloir dun des immeubles dont jassure la surveillance, je me suis approché et lui ai demandé ce quil cherchait, il me répondit quil attendait quelquun. Je nai pas insisté et suis parti. Lui aussi partit peu après. » « Plus tard, alors que je faisais ma ronde, un jeune garçon de 14 ans qui habite la cité vint me trouver pour me dire quun type avec une voiture avait un comportement bizarre. Je le suivis immédiatement. De loin je reconnus lhomme remarqué dans un couloir auparavant, il avait dailleurs toujours son pull-over rouge vif. Il était en train de parler à deux fillettes de la cité. Lorsquil me vit, il sauta dans sa 1100 grise et disparut. Jinterrogeai les deux fillettes, il sagissait de Patricia et Nathalie C., elles me dirent que ce « Monsieur » leur avait dit quil avait égaré un petit chien noir et leur avait demandé de monter dans sa voiture, pour laider à le rechercher. » « Le lendemain du lundi de Pentecôte, le mardi 4 juin 1974. Je suis allé porter plainte à mon commissariat pour que ce dangereux individu soit recherché et arrêté, et à lÉvêché où le commissaire Alessandra ma reçu, il y avait aussi dautres personnes venues pour porter plainte contre ce même détraqué au pull rouge. » « Jai appris le rapt et le meurtre sauvage de la petite Rambla, les journaux et radios parlaient au début dun homme de trente ans passés aux cheveux noirs et courts et quil avait enlevé la petite Rambla dans une Simca 1100 grise après avoir prétexté quil avait perdu un petit chien noir. Jai appris aussi que lon avait inculpé un jeune de 20 ans pour ce meurtre. Je puis vous dire que lhomme au pull rouge et à la Simca 1100 ne lui ressemble pas du tout. Je ne comprends pas comment on la arrêté, ce jeune, il na même pas de Simca 1100. » « Enfin le 7 ou 8 juin 1974, cest-à-dire après le meurtre et larrestation de Ranucci, le commissaire Alessandra vint me voir, il était à la recherche de lassassin de Maria Rambla. Nous sommes allés dans une clinique de débiles mentaux proche de mon quartier; le directeur de létablissement me présenta une demi-douzaine de malades de 35 ans environ et dont le physique ressemblait à celui du maniaque (cheveux noirs etc.). Je nen reconnus aucun. Et nous repartîmes. » Ma mère rendit visite également à Mme Barraco, cité des Tilleuls, qui est une voisine et amie de Mme Mattéi et dont sa fille faillit bien être enlevée avec celle de Mme Mattéi, et dont le fils Alain 9 ans ne dut peut-être son salut quau fait que le maniaque avait « préféré parler » avec son copain quil fit appeler et tenta demmener de force dans sa voiture. Mme Barraco na pas vu lindividu, elle a entendu son signalement que ses enfants lui en ont fait. Elle ne put que confirmer tout ce que lon sait déjà. Confirmer aussi quelle se rendit à lÉvêché pour faire une déposition et contresigner celles des autres témoins. Elle ne porta pas plainte. De caractère craintif, et réservé, elle préféra sabstenir. Après tout, ses enfants ne furent victimes que de tentatives... Ma mère rendit enfin visite à M. C., le père de Nathalie, 10 ans et Patricia, 9 ans. II rapporta les circonstances, données plus haut, de la tentative dont elles échappèrent grâce à lintervention de M. Martel, le gardien assermenté. Toujours, bien sûr, le même signalement de lhomme, de sa Simca grise, le même prétexte. II confirma enfin avoir bien porté plainte devant le commissaire Alessandra le 4 juin 1974. Beaucoup de points obscurs ou inexpliqués trouvèrent leurs éclaircissements, grâce à ces trois derniers témoignages. Ainsi, tous les témoins décrivent lhomme des cités avec sa Simca 1100 grise et son signalement est exactement celui qui fut rapporté par les deux témoins du rapt de Maria-Dolorès Rambla dans sa Simca 1100. Je tenais enfin la piste de lassassin dont le crime ma été imputé.
Posted on: Thu, 21 Nov 2013 00:07:46 +0000

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