RETOUR SUR MOI : Les nouvelles publiées : Nouvelle numéro 24 - TopicsExpress



          

RETOUR SUR MOI : Les nouvelles publiées : Nouvelle numéro 24 : L’école de rêve : La salle de classe était aussi bruyante que d’habitude. Madame Estannec ne savait plus où donnait de la tête. Les crayons de couleur jonchaient le sol, les feuilles de classeur s’entassaient sur les petits pupitres, et chaque élève était assis à sa place habituelle ; la plupart discutait avec son voisin des péripéties du week-end quand un ou deux autres attendaient patiemment que le cours commence. Il était neuf heures et le cours de lettres était le premier de la journée. La classe de terminale littéraire comptait vingt-un élèves : trois garçons et dix-huit filles. Cela faisait juste une semaine que l’enseignement avait débuté. Certains ne s’étaient pas revus de tout l’été et s’extasiaient face à leurs camarades de leurs notes respectives au bac de français. Tous les élèves avaient eu confiance en eux en ce qui concerne cette épreuve. Ils avaient tous effectué leur année de Première ensemble, savaient que le français n’était pas la matière où ils étaient les plus faibles, et ne s’étonnaient pas aujourd’hui d’être passés au stade supérieur. Retrouver Madame Estannec était un véritable enchantement. Roselyne Estannec enseignait le français et les lettres depuis bientôt trente ans. Ses élèves l’adoraient tellement que sa classe ressemblait toujours à un véritable capharnaüm. Mais Roselyne adorait les enfants. Elle n’en avait pas personnellement, et avait reporté toute son affection sur les soixante-deux élèves dont elle était chargée. En effet, Roselyne Estannec avait pour mission d’instruire les dix-huit élèves de Première littéraire mais également les vingt-un élèves de la Terminale précédemment citée, ainsi que la deuxième Terminale littéraire, qui comptait vingt-trois élèves. Dans la classe qui avait cours de lettres en ce lundi matin, les discussions allaient bout train. On était content de se retrouver, heureux de partager une nouvelle année ensemble. Seule Christelle était légèrement déconfite : sa meilleure amie Adella n’était pas dans la même classe qu’elle. Il allait falloir trouver de nouvelles connaissances ou alors attendre avec impatience le cours d’allemand car Adella pratiquait cette langue et on réunissait les deux classes sous forme de groupes pour les cours de langues. Christelle s’était installée au fond de la classe, près du radiateur. Elle s’ennuyait à mourir et avait une légère envie de pleurer. Soudain, la porte de la salle B715 s’ouvrit, laissant place au directeur, Monsieur Teccon. Ce dernier était suivi de près par un … punk ! Christelle releva la tête. « Comment avait-on pu laisser un garçon de cette espèce franchir le seuil d’un établissement catholique aussi réputé ! », pensa-t-elle. Elle trouva l’évènement des plus étonnants. Monsieur Teccon présenta le nouveau-venu comme étant un nouvel élève originaire du Sud de la France. Christelle étant seule et quasiment collée au radiateur, on invita Jérôme à s’installer à ses côtés. La classe, composée d’une majorité de filles, était en émoi. Un nouveau spécimen de la race masculine venait de faire son entrée, et en outre, il venait de s’asseoir à côté de la fille la plus laide et la plus banale de tout le lycée ! Les filles huèrent le nouveau venu, qui fit fi de leur réaction et cria « Bon, il commence, ce cours ? », laissant découvrir une voix roque et aux intonations chantantes des plus charmantes. Christelle en fut toute retournée. Elle rougit. Puis Monsieur Teccon s’éclipsa et Madame Estannec présenta les œuvres au programme. Dimitri, assis au côté de Wilfried au fond de la classe, mais à l’opposé de Christelle, avait un tout autre programme en tête. Quelqu’un avait gâché sa vie et il avait bien l’intention de le lui faire payer ; il était le seul redoublant cette année. Il ne connaissait personne dans cette classe de terminale ; certes, l’année précédente n’avait pas été des plus réjouissantes, et ce, à tous les niveaux : premièrement, au niveau scolaire, bien sûr, mais également au niveau relationnel. Faisant le pitre les trois quarts du temps, il n’avait assimilé aucune connaissance et ses amis s’étaient peu à peu éloignés de lui. L’été avait été des plus catastrophiques ; recalé après l’épreuve de rattrapage, au cours de laquelle il avait dû choisir deux matières à passer à l’oral pour rattraper ses points ; qu’elle n’avait pas été sa surprise de voir ce jour-là Monsieur Rogeur lui ouvrir la porte. Il avait eu du mal à admettre que son professeur d’histoire soit également un examinateur lors de l’épreuve du baccalauréat : il en avait perdu tous ces moyens … Monsieur Rogeur était à nouveau son professeur d’histoire et géographie cette année, à en croire l’emploi du temps fournie par Madame Estannec la semaine passée. Cela n’en finissait pas ! Plus le temps avançait, et plus la vie était horrible, pensait intérieurement Dimitri ; brun, le cheveu court, il ruminait en silence en jetant des coups d’œil furtifs par la fenêtre ; il était convaincu que cette année allait être des plus ennuyeuses. Dimitri jeta un coup d’œil à la ronde et ses pensées vagabondèrent à nouveau ; il ne nota pas les trois livres à acquérir sur son agenda et focalisa son esprit sur Monsieur Rogeur. Ce dernier lui avait crié dessus et mis un zéro, une note éliminatoire ; il l’avait apparemment dans le collimateur ; désormais, c’était réciproque. Dimitri n’avait plus rien à perdre. Il était empreint d’un désir de vengeance hors du commun. Il décida de mettre au point un plan et de faire payer à Christobald Rogeur son erreur. Madame Estrannec répéta bien fort que le premier trimestre tournerait autour de « Mémoires de guerre » de Charles de Gaulle et de « Fin de partie » de Samuel Beckett ; Dimitri ne put réfréner une envie de sourire. « Pour moi, çà va en effet être la guerre, et la partie est loin d’être terminée ; elle ne fait même que commencer », pensa-t-il. Christobald Rogeur avait gâché une année de sa vie ; à cause de lui, il ne pouvait plus que rêver du précieux sésame qui lui permettrait enfin d’avoir accès à l’université. Il était vert de rage. Dire que cet homme continuait de vivre sa vie comme bon lui semblait alors qu’en parallèle il gâchait l’existence de dizaine voire de centaine de jeunes pleins d’espoir. Cela devait cesser : Dimitri avait cette irrésistible envie de le massacrer, de le torturer, de le faire souffrir …A cause de Christobald, Dimitri était descendu plus bas qu’il ne l’était déjà ; grâce à Christobald, il avait appris la haine. Désormais, il avait le désir de commettre un meurtre ; il fouilla dans son esprit et se remémora la fusillade du lycée Colombine aux Etats-Unis. Il désirait fortement être plus discret ; en aucun cas, il ne se fatiguerait à dégoter une arme à feu, puis à prendre en otage toute sa classe, dans le seul but d’abattre Monsieur Rogeur ; Dimitri décida qu’il serait plus subtil. Il avait envie de commettre le crime parfait. Un seul crime. Le meurtre de Christobald Rogeur. Il n’était pas convaincu de parvenir à ses fins mais la rage et la haine qui montaient en lui à la vue, l’évocation ou encore la prononciation du nom de son rival le boostaient. Il redoublait et cela arrivait pour la première fois de sa vie ; c’était pour lui un déshonneur, une honte inexprimable ; il ne pouvait s’empêcher de penser que cet évènement, qui n’était sans doute qu’un détail pour les autres, allait être inscrit sur son dossier scolaire. Ainsi, l’information serait connue de tous jusqu’à la fin des temps ! Dimitri était seul ; mais rien ne le rebutait ; il allait se servir de ces dix mois pour récolter des informations sur Christobald Rogeur pour pouvoir l’anéantir ensuite. Puis le son de la cloche retentit. Il était temps de passer au cours suivant : le cours d’allemand ! La sonnerie stridente du réveil de Christelle retentit. Elle venait de faire un cauchemar. Elle ne connaissait aucune Madame Estannec, aucun Dimitri, aucun Wilfried et aucun Monsieur Teccon. L’année scolaire débutait ce matin et elle se demandait si elle n’avait pas fait un rêve prémonitoire. Allait-elle rencontrer l’homme de sa vie cette année, sous la forme d’un voyou aux dehors rebutants ? Elle le désirait fortement. Elle sortit de son lit à grande vitesse, le sourire aux lèvres. Ce matin-là, elle ne prit pas de petit déjeuner et se retrouva une heure à l’avance devant son lycée …
Posted on: Sun, 04 Aug 2013 19:36:48 +0000

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