RETOUR SUR MOI : Les nouvelles publiées : Nouvelle numéro 7 - TopicsExpress



          

RETOUR SUR MOI : Les nouvelles publiées : Nouvelle numéro 7 : Ce que voit le Seigneur est indéfinissable L’ordinateur était vraiment un objet de torture. Sœur Patricia n’y comprenait rien ; ‘ Mais quelle idée la Mère Supérieure avait-elle eu de faire installer un appareil de ce genre dans toutes les chambres du couvent ! ‘, pensa-t-elle. Certes, l’idée de pouvoir communiquer avec l’extérieur était un grand pas pour la communauté … Néanmoins, sœur Patricia restait perplexe : les jeunes de la paroisse lui avaient décrit cet objet comme une œuvre révolutionnaire. Mère Annabelle avait de surcroît rajouter une connexion internet, de sorte que, premièrement, les religieuses puissent commander des fournitures nécessaires à la fabrication des petits trains miniatures qu’elles tentaient de vendre tous les dimanches après-midis, quelques heures après la messe, et deuxièmement, pour communiquer plus facilement avec les autres couvents. Patricia réalisa qu’à première vue, l’idée était plutôt enchanteresse. Elle demanda même pardon à Dieu pour avoir, l’espace d’un instant, eu des pensées déplacées : et si cet engin était capable de lui permettre de rentrer en relation avec le beau moine Anthony, qui résidait au monastère Saint-Joseph de l’autre côté de la ville ! Ce serait vraiment excitant ! Malheureusement, il ne s’agissait sans doute que d’un rêve ; il était fort possible qu’elle n’arrive jamais à envoyer un e-mail, ou même chatter sur un groupe de discussion. Il fallait qu’elle se rende à l’évidence ; elle avait choisi sa voie : son corps et son âme appartenaient à Dieu. C’était son choix, et même si elle n’avait vu la porte d’entrée du bâtiment où elle se trouvait qu’une seule fois dans sa vie, c’est-à-dire le jour de son arrivée au couvent Sainte-Marguerite-Des-Prés, elle se rappelait comme si c’était hier de cette porte vétuste et lugubre fermée par un double cadenas, dont chaque pièce s’entremêlaient comme deux maillons d’une chaîne, faisant fuir presque tous les visiteurs car traduisant une idée d’enfermement permanent, voire de prison. Sœur Patricia n’avait pu réfréner l’apparition d’un rictus sur son visage, lorsqu’elle avait découvert ces deux bouts de métal en forme de P : elle s’était écriée ‘ Me voici arrivée à la Prison Paroissiale ! ‘. Le regard de Mère Annabelle en disait long sur la première impression que la nouvelle pensionnaire avait fait à sa supérieure. Il lançait des éclairs et çà allait durer pour l’éternité ! Il était maintenant dix heures du matin, et après avoir passé quatre heures à la prière, Patricia se sentait exténuée. Soudainement, Mère Annabelle informa ses religieuses qu’elle allait donner un cours d’informatique dès à présent. Sœur Josiane et sœur Huguette en étaient enchantées : il y avait enfin de l’action au couvent ! Pendant exactement trente-deux minutes et quarante-trois secondes, Patricia avait fait du dessin ; elle n’avait écouté que d’une oreille les recommandations et conseils de Mère Annabelle. Certes, elle avait bien compris comment envoyer et recevoir un courrier électronique, mais rien d’autre dans le discours de la Supérieure ne l’avait intéressée ; c’est pourquoi elle s’était mise à dessiner sur une feuille de papier : Anthony nu au presbytère, Anthony assis sur son missel, Anthony allumant un cierge, Anthony fumant dans les toilettes … Elle se laissa aller dans les abysses de son imagination quand soudain une règle en bois vient lui toucher le bout du nez … C’était Mère Annabelle qui s’était aperçue du manque d’intérêt de la jeune fille. Puis cette dernière laissa malencontreusement tomber ses chefs-d’œuvre artistiques au pied de la Mère Supérieure ; mais elle ne l’avait pas fait exprès ; en levant la tête, son coude avait frôlé le bout de papier, qui, après avoir virevolté, avait atterri entre les deux chaussures de Mère Annabelle. Celle-ci avait un problème de dos et ne voulut pas tenter le Diable en se baissant. Mais si elle avait des problèmes de vertèbres, elle n’en avait pas moins de très bons yeux. Mère Annabelle éclata de rire et dit : ‘ Je vois, ma fille, que votre amour pour Dieu est plus fort que votre amour de l’informatique’ ; ce à quoi, Patricia répondit : ‘ Oh oui, ma mère, Il est constamment dans mes pensées ‘. Puis, Mère Annabelle décréta que le cours était fini et que si elles le désiraient, les filles pouvaient prendre deux heures pour s’entraîner aux rudesses du monde virtuel. Patricia se précipita dans sa cellule et alluma son portable. Ensuite, elle cliqua deux fois sur le petit E bleu à gauche de l’écran. Mère Annabelle avait dit que lorsque l’on cherchait quelque chose d’imprécis, il fallait se rendre sur un moteur de recherche. Mais quel était le nom de celui que la Mère Supérieure avait présenté ? Elle se creusa la tête et une image lui revînt en mémoire ; en effet, pendant la démonstration, beaucoup de sœurs avaient ri car elles avaient cru qu’Annabelle les insultaient. ‘ Oui, c’était quelque chose comme Ta Gueule. Ah oui’, se souvint-elle, ‘ c’est Google ! ‘. Patricia s’extasiait. Elle entra dans le petit rectangle blanc les deux mots ‘ monastère ‘ et ‘ saint-joseph ‘ et l’ordinateur l’informa qu’il avait trouvé pas moins de cinq mil neuf cent soixante douze réponses en rapport avec sa demande. Patricia ne se résigna pas et regarda le premier lien, tout en ignorant que le premier lien était justement le plus souvent celui que l’on voulait. Elle cliqua donc une fois à l’aide de sa souris sur le premier trait bleu. Très vite, des photos de moines dont elle avait fait la connaissance l’année dernière lors d’un barbecue inter-ecclésiastiques organisé pour la célébration de la fête de Pâques apparurent à l’écran ; Patricia en fut tout excitée. Quelle ne fut pas sa joie de le voir en tailleur en train de croquer vigoureusement dans une saucisse ! Non pas le Seigneur, bien entendu – Patricia n’étant pas illuminée à ce point -, mais bien le moine Anthony, qui avait omis de se tailler la barbe pour l’occasion … Il était vraiment trop craquant ! Ses cheveux bruns ébouriffés et sa barbe hirsute ne le rendait que plus séduisant ! Soudain, un énorme bruit retentit dans le couvent. Sœur Patricia crut un instant qu’une bombe venait d’exploser dans la chapelle ou alors qu’une des sœurs s’amusait à péter devant un porte-voix. Patricia se leva, laissa son ordinateur allumé, et se précipita dans le hall où la cinquantaine de religieuses du couvent Sainte-Marguerite-Des-Près furent bientôt toutes réunies. On aurait dit un troupeau de vaches ayant aperçu un agriculteur susceptible de leur distribuer du foin. Sœur Huguette, la plus âgée du couvent, avait les larmes aux yeux ; sa coiffe se mouvait en fonction de la force du vent, car désormais, on pouvait dire que le couvent était ouvert au public mais également sur l’extérieur ; en outre, il était possible d’apercevoir les trois plaisantins ( les moines Christophe, Stéphane et Anthony ) de l’autre côté de la rue. Leurs rires résonnaient dans toute la rue … Sœur Huguette en était toute émoustillée : ‘ Seigneur, ils ont posé une bombe ! Ils ont fait sauté la porte du couvent ! Oh, Seigneur ! ‘ Patricia se retenait de rire. La porte en pierres et ces deux lettres P avaient cédé. Elle ne put s’empêcher de faire un signe de la main au moine Anthony, qui, complètement hystérique, lui répondit d’un bras d’honneur. Sœur Huguette, quant à elle, était dans tous ses états ; elle hurlait : ‘ Mère Annabelle, Mère Annabelle, c’est l’apocalypse ! Les moines de St-Joseph ont tout fait sauter ! ‘ – au loin, on entendit un murmure et quelques personnes à l’ouïe fine purent entendre ‘ C’est toi qu’on veut sauter, Huguette ! ‘. On ne sut jamais qui des trois jeunes moines prononça cette phrase insultante, qui, naturellement, n’échappa pas à la Mère Supérieure. Cette dernière était en train de succomber à une tentation lorsqu’avait retenti la déflagration ; en effet, Annabelle, dite ‘ Belle ‘ pour ses intimes, savourait du camembert dans la chapelle du couvent. Sa leçon d’informatique passée, elle s’était permis un petit plaisir et s’était laissée aller aux délices de son pêché mignon. Elle n’approuva pas d’être dérangée alors qu’elle n’avait pu engloutir qu’une demi-portion que le père Laurent – qui dirigeait le monastère Saint-Joseph – lui avait fait livrer en cachette. Annabelle se mit à crier : ‘ Petits voyous ! Je téléphone de ce pas à Père Laurent … Vous allez voir ce que vous allez voir ! Vous allez vivre les ‘ travaux forcés ‘, messieurs ! Cette porte coûte à elle seule soixante mille euros ; pour nous rembourser, vous viendrez récurer les toilettes du couvent tous les jours jusqu’à la Noël, çà, je vous le promets ! ‘. Et elle partit dans l’instant se saisir du combiné téléphonique le plus proche. Quelle ne fut pas sa stupeur de constater qu’il n’y avait aucune tonalité. Furieuse, elle se précipita à l’extérieur et traversa la chaussée. Les moines Christophe, Stéphane et Anthony avaient tout prévu car ils étaient autour du bâtiment à couper tous les fils électriques … Annabelle s’insurgea : ‘ Mais que faîtes-vous ? Ma parole, vous êtes complètement fous ! ‘, puis elle s’approcha furtivement des trois hors-la-loi ; une forte odeur d’alcool lui émoustilla les narines. Elle n’en croyait pas ses yeux, et encore moins ses narines. Il semblait évident que les trois plus jeunes moines du monastère se trouvant à l’autre bout de la ville s’étaient alcoolisés et avaient décidés de faire une blague à leurs consoeurs du couvent Sainte-Marguerite-Des-Près. C’en était trop ! Mère Annabelle s’approcha d’un des garçons et lui donna une baffe. Christophe, un jeune homme plutôt grassouillet, poussa Mère Annabelle contre le mur, la coinça avec son gros ventre et lui cracha au visage. Puis, Anthony sortit une petite fiole remplie d’alcool de sa poche et en versa le contenu sur la tête de Mère Annabelle. Patricia en profita pour sortir du couvent. Elle jeta un œil sur les restes de la porte d’entrée et ne put s’empêcher de penser que l’entrée du couvent était beaucoup moins triste désormais. Sœur Josette suivait Patricia comme l’aurait fait un chien voulant rattraper son maître. ‘ Mais où allez-vous, sœur Patricia ? Pourquoi partez-vous alors qu’il y a tant d’actions au couvent ? ‘ demanda-t-elle. Patricia répondit : ‘ Suivez-moi, et vous comprendrez ! ‘. Sœur Josette à ses trousses, Patricia arriva à la boulangerie et acheta deux baguettes. Elle ordonna à Josette d’en prendre une et de la suivre. Soudain, Josette reconnaissant le chemin comme étant un parcours familier s’exclama ‘ Mais on retourne au couvent ! ‘. Patricia acquiesça et une dizaine de minutes plus tard, elle arrivèrent aux côtés de Mère Annabelle. La pauvre était toujours martyrisée par les trois intrus, Anthony s’en donnait à cœur joie ( il essayait de décrocher le soutien-gorge de Mère Annabelle ), tandis que Christophe lui donnait des coups de pieds, quand Stéphane, quant à lui, lui jetait des cailloux au visage. Patricia hurla ‘ Attendez, on vient vous aider ! ‘ et à l’aide de sa baguette dont elle se servit comme d’une batte de base-ball, elle frappa sa Supérieure au ventre, puis elle dit à Josette ‘ Allez, c’est à vous ! Défoncez-vous, Josette, et tant que vous y êtes, défoncez-la au passage ! ‘. Ils étaient maintenant cinq à faire souffrir la pauvre Belle, qui, écorchée, défigurée, l’était beaucoup moins. Puis le massacre s’arrêta. Annabelle se recroquevilla et se mit à pleurer, quand Patricia, Josette, Anthony, Christophe et Stéphane partirent en courant vers le bourg d’Arcachon. A partir de ce jour, plus rien ne fut jamais comme avant. Mère Annabelle demanda sa mutation dans un couvent à Strasbourg ( qu’elle obtînt immédiatement, des suites de son témoignage sur l’agression ) ; sœur Josette ne fut pas inquiétée ; quant aux quatre autres protagonistes de l’histoire, ils furent invités à annuler leurs vœux, ce qu’ils firent avec le plus grand plaisir. La première chose que fit Patricia à l’annonce de sa ‘ libération ‘ du couvent Sainte-Marguerite-Des-Prés fut de s’acheter une mini-jupe. La première chose que fit Anthony lorsqu’il quitta définitivement le monastère St-Joseph ( environ deux semaines avant que Patricia ne redevienne une citoyenne normale ), il s’acheta un maillot de bain. Néanmoins, malgré leurs âges respectifs qui étaient sensiblement similaires, ils ne se fréquentèrent qu’en amis. Anthony prit goût à se rendre à la piscine et devint au bout de deux ans maître-nageur à Arcachon. L’obsession de Patricia ne s’arrêta pas pour autant ; elle croyait toujours en Dieu mais elle se rendait compte qu’elle avait fait ce qu’elle avait fait pour recevoir les faveurs d’Anthony. Après avoir passé un mois de repos en Bretagne chez sa grand-mère afin de se remettre des événements, elle revint discrètement à Arcachon où elle prit des cours de natation. La piscine Saint-Corentin était une piscine privée où un énorme crucifix jouxtait les sept plongeoirs du grand bassin. Patricia, malgré son jeune âge, ne savait toujours pas utilisé internet, mais elle savait au moins deux choses : elle savait nager et elle aimait Anthony. Un samedi après-midi, elle prit un cours particulier de deux heures avec Anthony et au bout d’un moment, elle plongea jusqu’au fond du bassin et ota intégralement son maillot une pièce ; puis elle nagea jusqu’aux petits escaliers qui permettaient de sortir de l’eau, à droite du plongeoir numéro sept, se dirigea vers la croix, se mit bien en face du Christ et se retourna. Puis elle écarta les bras et dit : ‘ Anthony, je t’aime ! Je suis à toi ! ‘, ce à quoi, Anthony répondit ‘ Rhabille-toi, j’ai jamais vu une fille aussi moche ‘ et il s’évanouit, le spectacle horrible que Patricia lui avait offert l’ayant complètement abasourdi. Lorsqu’il chuta, Anthony se cogna la tête contre le rebord de la piscine ; sa tempe droite se mit à saigner, et il perdit connaissance ; le sol humide fit glisser son corps dans l’eau javellisée, corps qui se mit à flotter à la surface … Patricia, complètement nue, courut jusqu’à l’accueil où une vieille femme proche de la retraite comptait tranquillement les billets de banque qui se trouvaient dans sa caisse. Horrifiée à la vue du corps de la jeune femme et croyant apercevoir un monstre, elle s’empara d’une perche avec laquelle elle empala l’ancienne religieuse. Patricia, touchée au cœur, mourut sur le coup, pareil à Anthony qui, s’il avait quitté les ordres deux semaines avant elle, quittait cette fois-ci le monde deux minutes après elle. La vieille Chantal ne put jamais partir à la retraite. Elle fut condamnée à quinze ans de prison ferme pour les deux meurtres. Elle mourut en cellule en priant Dieu …
Posted on: Sun, 04 Aug 2013 19:05:09 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015