Rechercher : Accueil du site > Actualités > PolitiqueLettre - TopicsExpress



          

Rechercher : Accueil du site > Actualités > PolitiqueLettre ouverte au Président du Faso : « Dans quel état souhaiteriez-vous laisser ce pays ? » vendredi 9 août 2013 le faso.net. Dans cette lettre ouverte au président du Faso, Daouda Ouédraogo, étudiant en Master 2 à la Faculté de Droit de l’Université Jean MOULIN Lyon 3 (France), revient sur les propos du chef de l’Etat au cours de l’entretien accordé le 5 août à nos confrères de la RTB. Réagissez Tweet facebook Monsieur le Président, Quelques jours après voir accordé un entretien à des journalistes à l’occasion du 50ème anniversaire de la Télévision nationale, permettez moi de vous adresser à travers cette lettre mes sentiments en tant que citoyen burkinabè. De prime abord, sur l’opportunité de cet entretien télévisé, laissez-moi vous dire qu’il était des plus attendus, moins parce qu’il avait lieu à l’occasion des 50 ans de la Télévision nationale, mais parce qu’il devait vous permettre de vous exprimer sur la situation politique et socio-économique du pays. En effet, fidèle à vos habitudes, vous aviez jusqu’à cet entretien, gardé un silence assourdissant sur la situation du pays alors qu’un peu partout, de nombreuses manifestations populaires avaient eu lieu pour vous dissuader d’aller au bout de la réforme politique et institutionnelle devant conduire à la mise en place du Sénat. Je tiens à vous préciser que cette lettre n’a pas pour but de revenir sur l’inopportunité et l’inutilité du Sénat puisque cela a déjà été largement démontré par des observateurs plus avisés que moi. Cette lettre a simplement pour but de vous démontrer l’incohérence de votre position sur la question du Sénat en rapport avec le respect de la Constitution dont vous êtes le garant et le danger que cette incohérence fait courir à notre pays si fragile. Il a donc fallu attendre le 5 août pour que finalement vous vous exprimiez face au peuple burkinabè sur la question du Sénat. Si je n’ignore pas les propos que vous aviez tenus le 30 juillet dernier lors de votre visite en République de Côte d’Ivoire à l’occasion de la 3ème Conférence au sommet du Traité d’Amitié et de Coopération ivoiro-burkinabè, ceux ci n’ont pas pour moi la même valeur que ceux tenus au Burkina Faso. Mais pour en dire un mot, outre le fait que ces propos caractérisent un manque de considération pour le peuple burkinabè qui vous a élu, puisqu’ils ont été tenus à l’étranger, ils sont absolument scandaleux. En effet, à l’endroit des milliers de burkinabè qui se sont massivement mobilisés pour manifester leur opposition à la mise en place du Sénat, vous leur répondez qu’ « en France comme en Amérique, jamais une marche n’a changé une loi ». En dehors de l’incongruité de cette comparaison, elle témoigne d’une connaissance pour le moins approximative de l’histoire politique de ces pays. Faut-il vous rappeler que l’abrogation des lois ségrégationnistes aux Etats Unis dans les années 1960 est le résultat des marches et manifestations des populations noires américaines qui en étaient les victimes ? Plus proche de nous en 2006, souvenez-vous de l’ancien Président français Jacques Chirac qui, sous la pression populaire, a dû retirer la loi établissant le Contrat Premier Embauche ; loi qui avait pourtant été votée par le Parlement et validée par le Conseil Constitutionnel français. Faut-il enfin vous rappeler que le 3 janvier 1966, c’est le soulèvement du peuple burkinabè qui a été à l’origine de non pas le retrait d’une « simple » loi mais de la chute de tout un régime, celui du Président Maurice YAMEOGO ? Et si après ces contre arguments, vous persistez à faire de ces pays vos références en matière d’application des lois et plus globalement de pratiques démocratiques, je vous invite dans ce cas à aller au bout de votre logique. Vous a-t-il échappé qu’aux Etats Unis comme en France, depuis que celle-ci est devenue une république, jamais un homme n’est resté au pouvoir pendant 26 ans ? Pour revenir à votre entretien télévisé du 5 août, j’ai été effaré par la rapidité avec laquelle vous avez balayé la question du Sénat. Ce n’est peut-être pas de votre faute puisque ce n’est pas vous qui posiez les questions. Mais au-delà du niveau absolument affligeant des journalistes qui n’ont pas du tout été à la hauteur de l’entretien, c’est surtout l’imprécision, le flou, voir la vacuité de vos réponses qui m’ont le plus marqué. Par exemple, à la question de savoir ce que vous répondez à l’opposition qui vous prête l’intention de vouloir utiliser le Sénat aux fins de pouvoir vous présenter à l’élection présidentielle de 2015, vous dites : « ...En principe, le temps des polémiques est passé, parce que comme nous le savons aujourd’hui nous sommes au terme bientôt de la mise en place du Sénat. Nous pouvons surtout saluer la grande responsabilité des électeurs pour les mandats au niveau des collectivités territoriales. Maintenant, il est certain que là..., toujours depuis que je suis Président, on me prête telle intention, on me prête telle intention. Je pense que ce qui est certain, c’est que moi je suis là pour le Burkina Faso. Je pense que de ma position, ce qui est important, c’est de veiller à ce que nous puissions respecter ensemble la constitution du Burkina car c’est cela qui est avant tout le ciment de nos engagements divers pour la politique et pour ce pays-là. Autrement dit, je peux passer tous les jours à parler de on me prête ceci, on me prête cela. Mais je pense que le plus grave ce n’est pas de m’accuser de vouloir utiliser le Sénat pour ceci ou pour cela puisqu’on m’accuse même d’avoir amené le pays en retard depuis que je suis Président ; vous voyez... Alors que je pense avoir apporté plus d’eau potable, plus d’écoles, plus de santé, plus de liberté ; vous voyez. Donc, c’est un débat qui, pour moi, n’a pas beaucoup d’intérêt. Je crois que nous sommes là pour le Burkina et je crois que j’ai les mêmes droits que tout le monde ». Monsieur le Président, sauf votre respect, ces propos sont totalement indignes d’un responsable politique de votre niveau. Comment pouvez, sur une question aussi cruciale qui a mobilisé tant de Burkinabè, dire qu’elle est sans intérêt ? Comment pouvez-vous, après avoir tenu des propos aussi flous, être étonné que l’on vous prête certaines intentions ? Sans vouloir vous faire un procès d’intention, je demeure convaincu (jusqu’à ce que vos actes me donnent tort) à l’instar de millions de burkinabè, que le but ultime de la création du Sénat n’est rien d’autre que de vous donner la majorité parlementaire qualifiée qui modifiera l’article 37 afin de vous permettre de vous représenter en 2015. Sinon, expliquez-moi pourquoi mettre en place le Senat à seulement 2 ans de l’élection présidentielle, alors que pas plus tard qu’en 2002, la Chambre des Représentants, institution similaire avait été supprimée aux motifs qu’elle était source de lenteur législative et que son fonctionnement était couteux pour un pays aussi pauvre que le nôtre. Voulez-vous me dire que les raisons qui ont prévalu à la suppression de la Chambre des Représentants en 2002 ont par miracle disparu en 2013 ? Ainsi, vous vous apprêtez à engloutir des dizaines de milliards de francs dans une institution dont l’utilité pour la consolidation de notre « démocratie » est plus que douteuse. Cela, alors que des millions de burkinabè ne mangent pas à leur faim et n’arrivent pas à se soigner correctement. Comment pouvez-vous dilapider l’argent du contribuable burkinabè alors que des milliers d’étudiants ont été jetés à la rue au motif que le Centre National des Œuvres Universitaires (CENOU) n’avait pas les moyens pour les héberger pendant les vacances ? Comment pouvez-vous, vous qui être le chantre de l’émergence, rester insensible au sort de ces millions de diplômés sans emploi ? Dans un pays aussi pauvre que le nôtre où le moindre centime devrait être utilisé à bon escient, comment pouvez-vous ne pas punir sévèrement la corruption des plus hautes autorités de l’Etat comme l’était Monsieur Ousmane GUIRO ? Autant de problèmes qui attestent que les propos que vous avez tenus lors de ce fameux entretien télévisé étaient très loin de la réalité que vit l’écrasante majorité des Burkinabè. S’il serait certainement malhonnête de prétendre que vous n’avez rien fait de positif pour ce pays depuis que vous êtes Président, il serait en revanche objectivement honnête de dire que vous auriez pu mieux faire en 26 ans de pouvoir. Comme vous le savez très bien, l’article 36 de la Constitution dispose que « Le Président du Faso....veille au respect de la Constitution ». Si cette disposition ne souffre d’aucune ambiguïté, je crains que cela ne soit pas le cas pour vous. En effet, l’instabilité constitutionnelle que connaît notre pays et qui s’est manifestée ces dernières années par des révisions constitutionnelles aussi opportunistes les unes que les autres, notamment sur la durée et le nombre de mandat présidentiel possible est en réalité la preuve d’un déficit démocratique. En effet, si la Constitution est comme vous le dites si bien le ciment de nos engagements divers pour la politique et le Burkina, ce ciment peut-il tenir si la Constitution est chaque fois modifiée pour satisfaire les désirs des uns et des autres ? Assurément non et vous le savez très bien. Que vous modifiez l’article 37 pour vous présenter en 2015 ou pas m’importe finalement très peu car tôt ou tard, vous serez amené à quitter le pouvoir parce que si les hommes échouent à le faire, la nature elle, ne pourra échouer. De ce fait, la véritable question est de savoir dans quel état souhaiteriez-vous laisser ce pays ? Pour terminer Monsieur le Président, sachez que vous avez maintenant une responsabilité historique de ne pas mettre le pays dans une situation regrettable. Nul n’étant indispensable et irremplaçable, si vous choisissez de vous retirer en 2015 conformément aux dispositions constitutionnelles, ce sera l’occasion de prendre une retraite bien méritée et peut être de vous réconcilier avec une bonne partie du peuple burkinabè qui n’a toujours pas oublié les conditions dans lesquelles vous êtes venu au pouvoir. Bien cordialement, Lyon, le 8 août 2013 Daouda OUEDRAOGO Etudiant en Droit/ Université Jean MOULIN Lyon 3 (France) P.-S.
Posted on: Fri, 09 Aug 2013 23:11:39 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015