Refus de réintégration consécutive à la nullité du - TopicsExpress



          

Refus de réintégration consécutive à la nullité du licenciement : la Haute Juridiction veille Lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l’employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d’une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu’à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou que le juge en prononce la résiliation. Dans ce cas, le salarié a droit en outre aux indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu’à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail. LES FAITS À la suite d’un examen médical pratiqué à sa demande par son employeur – médecin – le 13 mai 2005 révélant une grosseur, la salariée a été convoquée le jour même, par lettre remise en main propre contre décharge, à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 20 mai suivant et a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception du 27 mai 2005. Elle a saisi la juridiction prud’homale en nullité de son licenciement, la Halde étant intervenue au soutien de sa demande. LES DEMANDES ET ARGUMENTATIONS Par arrêt du 14 décembre 2010, la Cour d’appel de Versailles prononce la nullité du licenciement et ordonne sa réintégration (CA Versailles, 11e ch., 14 déc. 2010, no 08/03045). Devant le refus de la société de procéder à cette réintégration, la salariée demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Dans un arrêt du 27 octobre 2011, les juges du fond accueillent sa demande, mais jugent que la résiliation judiciaire produisait les effets d’un licenciement abusif, alors que la salariée soutenait que la rupture était nulle, car liée à son état de santé (CA Versailles, 11e ch., 27 oct. 2011, no 08/03045). La société forme alors un pourvoi, lequel est déchu pour ne pas avoir été suivi du dépôt au secrétariat-greffe de la Cour de cassation, dans le délai prévu, du mémoire contenant l’énoncé des moyens invoqués. L’occasion pour la salariée de former un pourvoi incident. LA DÉCISION, SON ANALYSE ET SA PORTÉE La réponse de la Haute Juridiction se fait en deux temps. Dans un premier temps, la Haute Juridiction rappelle, au visa des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du Code du travail et de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 , que tout licenciement prononcé à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est nul et que, dès lors qu’il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et le jugement constatant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période. Dès lors, doit être cassée la décision d’appel qui, après avoir jugé le licenciement de la salariée nul comme prononcé en raison de son état de santé, a dit qu’il sera déduit des salaires qu’aurait dû percevoir la salariée les revenus que cette dernière a pu tirer d’une autre activité professionnelle pendant la période correspondante ainsi que les revenus de remplacement qui ont pu lui être servis pendant cette même période. Dans un second temps, la Cour Suprême soutient que lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l’employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d’une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu’à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou que le juge en prononce la résiliation. Dans ce cas, le salarié a droit en outre aux indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu’à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail. → Nullité du licenciement en raison de l’état de santé Aux termes de l’article L. 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé. L’article L. 1134-1 du même code dispose qu’en cas de litige, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Dans cette affaire, la salariée, qui venait de constater qu’elle présentait une grosseur à un sein, a demandé à ses employeurs – médecins – de l’examiner. Ceux-ci ont diagnostiqué à la palpation l’existence d’une tumeur et l’un d’eux lui a prescrit le jour même une mammographie. Cet examen ainsi que les examens complémentaires ont permis d’établir qu’il s’agissait d’une tumeur cancéreuse. Le même jour, ces mêmes employeurs lui ont remis contre décharge une convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour motif économique. Il ne fait aucun doute, dans cette affaire, que la concomitance entre ces deux événements laisse supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé de la salariée, qui a logiquement conduit les juges d’appel à considérer le licenciement comme présentant un caractère discriminatoire et comme étant dès lors entaché de nullité. Or, on le sait, la nullité du licenciement permet au salarié de demander sa réintégration (Cass. soc., 30 avr. 2003, no 00-44.811). Si l’employeur la refuse, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 25 janv. 2006, no 04-40.789 ) ou, comme c’est le cas dans cette affaire, en demander la résiliation judiciaire (Cass. soc., 11 juill. 2012, no 10-15.905, JSL no 330-5, obs. M. Hautefort). Réintégration et indemnisation du préjudice subi Dans l’hypothèse d’une réintégration, le salarié peut prétendre au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et la date de réintégration effective, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. La question qui se pose ici est celle de savoir si les revenus que la salariée a pu tirer d’une autre activité ou les revenus de remplacement doivent être déduits de la réparation du préjudice subi. Oui pour les juges du fond, qui décident, dans leur arrêt du 14 décembre 2010, de prendre en compte les augmentations générales de salaire consenties à l’autre salariée de la société, également employée en qualité de réceptionniste, mais que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus que la salariée a tirés d’une autre activité ainsi que les revenus de remplacement qui lui ont été servis pendant cette période. Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis et confirme par cet arrêt une jurisprudence récente selon laquelle l’indemnité doit être égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la réintégration, peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période (en ce sens, déjà, Cass. soc., 11 juill. 2012, no 10-15.905, préc.). Jusque-là, rien de nouveau. Il faut passer au second moyen du pourvoir incident. La Haute Cour se trouve confrontée ici à une nouvelle interrogation : que se passe-t-il lorsque l’employeur refuse la réintégration ? → Refus de réintégration : le licenciement est illicite Pour les Juges du Quai de l’Horloge, lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l’employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d’une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu’à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou que le juge en prononce la résiliation. Dans ce cas, le salarié a droit en outre aux indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu’à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail. Et le principe ainsi posé est des plus clairs : lorsque l’employeur fait obstacle à la réintégration d’un salarié ordonnée judiciairement et que le salarié prend alors acte de la rupture de son contrat de travail, la résiliation ou la prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement illicite. Point de licenciement sans cause réelle et sérieuse donc. Mais la solution ne saurait ici surprendre. En effet, si la résiliation judiciaire du contrat de travail produit classiquement les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (en ce sens notamment, Cass. soc., 20 oct. 2010, no 08-70.433 ), elle peut également produire ceux d’un licenciement nul. C’est le cas notamment en cas de harcèlement moral (récemment Cass. soc., 20 févr. 2013, no 11-26.560, JSL no 341-3, obs. M. Hautefort). C’est désormais le cas dans l’hypothèse d’un refus de réintégration. La sanction s’avère être sévère : à l’indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu’à ce qu’il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou que le juge en prononce la résiliation s’ajoutent des indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité pour licenciement illicite. Il faut cependant ici nuancer la nouveauté. Un arrêt du 25 janvier 2006 avait déjà posé le principe en des termes similaires concernant un salarié protégé qui avait pris acte de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 25 janv. 2006, no 04-40.789 ; confirmé depuis, Cass. soc., 12 nov. 2008, no 07-41.756). Le principe se trouve aujourd’hui doublement étendu donc : d’une part, à tous les salariés ayant obtenu une réintégration judiciaire ; et, d’autre part, aux hypothèses de résiliation judiciaire. Une uniformisation salutaire malgré la sévérité de la sanction. Texte de l’arrêt LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant : [...] Sur le premier moyen du pourvoi incident de la salariée, qui est recevable : Vu les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, ensemble l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; Attendu qu’en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, tout licenciement prononcé à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est nul ; que, dès lors qu’il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et le jugement constatant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période ; Attendu qu’après avoir jugé le licenciement de la salariée nul comme prononcé en raison de son état de santé, la cour d’appel a dit qu’il sera déduit des salaires qu’aurait dû percevoir la salariée les revenus que cette dernière a pu tirer d’une autre activité professionnelle pendant la période correspondante ainsi que les revenus de remplacement qui ont pu lui être servis pendant cette même période ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Et sur le second moyen du pourvoi incident, qui est recevable : Vu les articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L. 1235-3 du code du travail ; Attendu que lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l’employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d’une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu’à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou que le juge en prononce la résiliation ; que dans ce cas, le salarié a droit en outre aux indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu’à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail ; Attendu que la cour d’appel retient que, dans son arrêt du 14 décembre 2010, la cour d’appel a requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme Y... en contrat de travail à temps plein, que dès lors, la société Cabinet médical de Beauregard devait réintégrer la salariée sur la base d’un travail à temps plein, sauf à ce que cette dernière accepte de signer un avenant à son contrat de travail précisant qu’elle travaillerait à temps partiel, selon un horaire précisé dans ledit contrat, ce qui n’a pas été le cas, qu’en conséquence, en imposant à la salariée une réintégration dans un emploi à temps partiel, l’employeur a commis un manquement à ses obligations contractuelles suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, avec effet à la date du prononcé de l’arrêt, que cette résiliation ne produit pas les effets d’un licenciement nul, étant sans lien avec l’état de santé de la salariée, mais qu’elle produit les effets d’un licenciement abusif ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la résiliation judiciaire du contrat de travail était prononcée du fait du refus de l’employeur de procéder à la réintégration ordonnée par son précédent arrêt en raison de la nullité du licenciement, ce dont elle aurait dû déduire que la résiliation judiciaire produisait les effets d’un licenciement illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CONSTATE la déchéance du pourvoi formé par la société Cabinet médical de Beauregard ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que la résiliation judiciaire prononcée produit les effets d’un licenciement abusif et en ce qu’il a dit qu’il sera déduit des salaires qu’aurait dû percevoir la salariée pour la période du 27 mai 2005 au 27 octobre 2011 les revenus que cette dernière a pu tirer d’une autre activité professionnelle pendant la période correspondante ainsi que les revenus de remplacement qui ont pu lui être servis pendant cette même période et en ce qu’il a enjoint aux parties de verser aux débats et de communiquer à la partie adverse des documents, l’arrêt rendu le 27 octobre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles [...]. Cass. soc., 29 mai 2013, pourvoi no 11-28.734, arrêt no 978 FS-P+B
Posted on: Wed, 18 Sep 2013 09:08:10 +0000

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