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Ressources Quand le Monde diplomatique décortique le phénomène « Alain Soral » Eléments du bandeau de la page daccueil du site Egalité & Réconciliation (montage) Critiquer Soral, c’est bien. Le faire de manière conséquente, c’est mieux. Le Monde diplomatique a publié dans sa dernière livraison un long texte (1) d’Evelyne Pieiller (2) consacré à l’influence du polémiste Alain Soral sur une partie de la gauche altermondialiste. Fondateur et président de l’association Egalité & Réconciliation (E&R), le comparse de Dieudonné et Thierry Meyssan est une véritable icône de la complosphère. L’article d’Evelyne Pieiller rappelle opportunément l’audience « assurément pas anecdotique » (3) dont jouit le site web d’E&R et cerne relativement bien les principaux thèmes du discours d’Alain Soral, en particulier son complotisme obsessionnel et l’antisémitisme dénué d’ambiguïté (4) qui transparaît aussi bien à travers son essai à succès Comprendre l’Empire (5) que dans ses innombrables vidéos postées sur le Net – même si la dimension négationniste d’un certain nombre de propos (6) tenus par l’intéressé n’est pas abordée. Evelyne Pieiller met surtout en évidence le lien historique entre le recours aux « théories du complot, franc-maçon, juif, Illuminati et autres » et sa traduction politique : « un populisme rouge-brun » confinant au fascisme. « Rouge-brun » Le bandeau qui barre la page d’accueil d’E&R fait cohabiter dans un même élan prométhéen Ahmadinejad, Chávez, Poutine, Khadafi, Sankara, Castro, Lumumba et le Che. Jeanne d’Arc et Alain Soral (« le créateur de ces rencontres du troisième type ») leur font face. Un rapprochement qu’Evelyne Pieiller semble considérer comme relevant de la captation d’héritage. Et pourtant, Soral n’a-t-il pas quelques motifs valables pour faire entrer tous ces « résistants à l’Empire » dans son panthéon ? Fidel Castro, par exemple, ne s’est-il jamais laissé allé à tenir des propos que l’extrême droite conspirationniste ne renierait pas ? Quant à Hugo Chávez, peut-on sérieusement soutenir que sa vision du monde – avec son appétence pour les théories du complot, notamment sur les attentats du 11 septembre 2001 (7) – se distingue fondamentalement de celle d’Alain Soral ? Lorsque feu le président vénézuélien expliquait que c’est l’Etat d’Israël « qui dirige et fixe la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient » (8), ne relayait-il pas l’une de ces obsessions constitutives du « populisme rouge-brun » qu’Evelyne Pieiller tient, à raison, en suspicion ? Pourtant, la figure tutélaire d’Hugo Chávez continue à fasciner cette « gauche déterminée à créer les conditions d’une véritable justice sociale » dont se réclame Le Monde diplomatique. Tant qu’elle ajournera le nécessaire droit d’inventaire de la « révolution bolivarienne », tant qu’elle persistera dans sa mansuétude à l’égard d’Hugo Chávez, comment peut-elle espérer s’opposer de manière conséquente à Alain Soral et ses amis ? Indéniablement, Evelyne Pieiller esquisse un pas vers une tentative de compréhension du phénomène Soral. Elle se refuse ainsi à considérer comme anecdotiques les cas de ces militants de gauche ayant fait défection pour rejoindre les rangs de l’extrême droite. Le phénomène, explique-t-elle, dit quelque chose de l’époque et il serait paresseux de l’écarter d’un revers de main. On en déplore d’autant plus qu’Evelyne Pieiller s’arrête avant de porter la plume dans la plaie. La faute à l’air du temps Le pouvoir de séduction des thèses soraliennes ne serait pas étranger au « butinage idéologique » d’internautes « souvent dépourvus de la formation que dispensaient hier partis ou syndicats et qui structuraient la réflexion » (9). Toutefois, cela ne saurait expliquer pour quelle raison ce sont Alain Soral et ses amis qui tirent les marrons du feu. Du reste, même si la piste mérite d’être approfondie, il n’est pas parfaitement établi que cette colonne vertébrale idéologique dont les organisations de gauche dotaient autrefois leurs militants immunisait efficacement contre toute accointance avec l’extrême droite. La principale cause du succès de Soral résiderait cependant moins dans ce déficit de formation politique, que dans l’air du temps, qui serait au « brouillage des repères » gauche-droite. Plusieurs exemples témoigneraient de cette « sérieuse confusion ». Le premier qui vient sous la plume d’Evelyne Pieiller est hélas loin d’être le plus convaincant : « Le Mouvement des entreprises de France (Medef) applaudit chaleureusement le ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici, venu à l’université d’été du patronat affirmer : Nous devons être au combat ensemble. » Ainsi donc, qu’une assemblée de chefs d’entreprises applaudisse un ministre de gauche illustrerait l’effacement du clivage gauche-droite ? A moins qu’on ne considère que ce soit cette phrase, « nous devons être au combat ensemble », qui pose problème ? Vérification faite, la phrase exacte, non tronquée, est dénuée d’équivoque : Pierre Moscovici parle d’un combat « pour l’emploi et la croissance ». Mais alors pourquoi faire mention de cet exemple qui n’en est pas un ? Risquons une hypothèse : il s’agit moins d’illustrer le confusionnisme ambiant que de faire diversion. En insinuant que patronat et gouvernement entretiennent une connivence coupable, Evelyne Pieiller introduit subrepticement une équivalence discutable entre les dérives rouges-brunes d’une partie de la gauche antilibérale et l’accommodement de la gauche de gouvernement avec le capitalisme. Une équivalence qui permet de noyer dans l’indistinction du brouillage idéologique tous azimuts le problème spécifique auquel est confrontée la « gauche de la gauche ». (10) Confusion ou compromissions ? Evelyne Pieiller ne revient vraiment à son sujet que lorsqu’elle évoque les cas de ces militants syndicalistes ou de cette candidate communiste qui ont fait le choix « de se présenter sous la bannière du FN ». Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas évoquer le cas emblématique de René Balme, maire d’une petite commune rhodanienne et fondateur d’Oulala.net, un site pas du tout anecdotique, non moins conspirationniste et « confusionniste » qu’E&R, et sur lequel on trouve quantité de textes non moins problématiques que ceux que l’on peut lire sous la plume de Soral ? Le cas de René Balme, qui est soutenu par le Front de Gauche pour les prochaines élections municipales, nillustre-t-il pas mieux encore que ces militants communistes passés au Front national le phénomène que tente de circonscrire Evelyne Pieiller ? Les épisodes, trop nombreux pour être accidentels, au cours desquels certains groupes se réclamant de la gauche altermondialiste se sont compromis avec un conspirationnisme très « soralo-compatible » semblent avoir été rejetés dans un angle mort de la réflexion. Pourquoi ne pas évoquer, par exemple, la publicité assurée par telle section locale de l’association des Amis du Monde diplomatique à des auteurs conspirationnistes proches de la mouvance meyssanienne ? Pourquoi ne pas mentionner les positions prises publiquement par telle ou telle section d’ATTAC (11) en faveur de la théorie du complot sur les attentats du 11 septembre 2001 ? Ou encore la présence, chaque année à la Fête de l’Huma, d’un stand de l’association conspirationniste ReOpen911 et de l’éditeur de Thierry Meyssan (12) ? Evelyne Pieiller nous engage à « prêter attention à ce qui, [dans le discours de Soral], est un embrayeur d’équivoque, un facilitateur de dévoiement ». Ce nécessaire travail de vigilance et de clarification peut-il se mener sans questionner l’indulgence que ces dérives ont pu rencontrer et continuent de rencontrer encore aujourd’hui dans la « gauche de la gauche » ? Serait-il, par exemple, irrévérencieux de se demander si Noam Chomsky, compte tenu du prestige dont son nom est entouré dans la gauche altermondialiste, ne facilite pas ce genre de dévoiements lorsque sa signature se retrouve aux côtés de celle d’Alain Soral justement, au bas d’une pétition réclamant l’abrogation de la loi Gayssot ? Ou d’interroger la responsabilité d’un Eric Naulleau et d’un Bruno Gaccio lorsque l’un et l’autre co-signent des livres d’entretiens respectivement avec Alain Soral (13) et avec Dieudonné (14) ? Le titre de l’article d’Evelyne Pieiller (« Alain Soral tisse sa Toile. Les embrouilles idéologiques de l’extrême droite ») suggère que le succès d’E&R serait dû aux subterfuges d’une extrême droite retorse qui, en recourant à des schèmes issus de la tradition anticapitaliste, jouerait à plein la carte du confusionnisme pour attirer à elle les brebis égarées de l’antimondialisation. Une question aurait toutefois mérité d’être posée : si E&R parvient si bien à jouer de cette confusion gauche-droite, n’est-ce pas aussi parce qu’une certaine gauche n’est que très modérément gênée par les délires complotistes et les interprétations simplistes qui sont la marque de fabrique de ce « populisme rouge-brun » dont il faut reconnaître à Evelyne Pieiller l’audace d’avoir osé le nommer ? Un certain nombre de personnalités et/ou d’organisations politiques et citoyennes situées à la « gauche de la gauche » ne brouillent-elles pas au moins autant les cartes qu’Alain Soral et ses compagnons de route ?
Posted on: Sun, 27 Oct 2013 20:52:30 +0000

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