Serge Forget, animateur communautaire, syndicaliste, militant des - TopicsExpress



          

Serge Forget, animateur communautaire, syndicaliste, militant des coopératives et candidat à la mairie de Gatineau est décédé. Voici un portrait que javais fait de lui en 1997. La Région, jeudi 18 décembre 1997, p. 10 Rencontre avec... Les mille histoires de Serge Forget Jury, Pierre Volubile, voilà un mot faiblard pour décrire Serge Forget. Si ce nétait que cela: pis encore, il va dans toutes les directions, bifurque en moins de deux, fait volte-face 10 secondes plus tard pour mieux sauter quatre sujets plus loin avant la fin de sa phrase. Derrière son bureau enchevêtré dun anodin étage du boulevard Gréber, le boss de la Fédération des coopératives dhabitation de lOutaouais est gentil, affable. Jaser de souvenirs et de philosophie, il adore. Trois heures? Il offre den mettre trois de plus. Latmosphère est amicale, tout va bien. Mais parfois, en plus, lorsquil est irrité, il ne se gêne pas pour sortir sa grosse voix et ramener ses interlocuteurs à lordre. Ce qui lui arrive comme président de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de lOutaouais, un poste élu et bénévole qui le place sur la ligne de front de réformes souvent fort contestées. Dentrée de jeu, lhomme se révèle facilement. En moins de deux, il virevolte du sujet de son village de Saint-Sébastien, comté dIberville, de son éducation au collège classique, des résidences des filles et de la manière de splicer les fils électriques du système dalarme, du hockey, de ses étés dadolescence sur le Massey-Ferguson de son père... Qui sait où il se serait rendu sil navait pas été stoppé. Il est intéressant, son ton enjoué, rappelant des histoires simples, parfois amusantes, mais il les dégaine à un tel rythme quau bout de cinq minutes, on se demande comment on a bien pu partir des vaches Holstein pour aboutir au logement social et lastrophysique de Hubert Reeves! «Attachez-le quelquun!» a déjà lancé un humoriste. Peut-être pensait-il à Serge Forget... Est-ce son passé de syndicaliste ardent - il a été président de la Centrale des syndicats nationaux (CSN) en Outaouais - qui a développé son verbe facile? Ou sont-ce ses aspirations politiques avouées, cest-à-dire son oeil bien arrêté sur le job de premier magistrat à Gatineau? À moins que ce ne soit un peu de son éducation familiale, couplée à ses années duniversité, en animation sociale? Il se souvient avec amour de ses années dadolescence où, avec son père organisateur du Parti libéral, il traîne dans les réunions politiques. «Cétait lépoque de léquipe du tonnerre avec Jean Lesage, cétait les débuts de la Caisse de dépôt et placement, dHydro Québec.» LÉtat met la main sur les soins de santé, les religieux perdent le contrôle sur les écoles. Dans la foulée de la télévision, linformation change et la politique voit poindre des mouvements indépendantistes comme le RIN (Rassemblement pour lindépendance nationale) et le MSA, le Mouvement souveraineté-association, puis le Parti québécois. Il milite à plein, disciple de René Lévesque et «enfant de la révolution tranquille», se plaît-il à dire. Il prend ses distances du PQ au début des années 1970, au moment où il débarque à Ottawa avec un premier contrat danimation populaire en poche, avec lAssociation canadienne-française de lOntario. Aujourdhui, il ne se dit même plus souverainiste - la preuve que le cours des années nous fait changer -, il qualifie même la séparation de «concept ridicule qui na pas changé depuis 20 ans, depuis Victoria et Robert Bourassa». Il est plutôt adepte dune nouvelle redistribution des pouvoirs en cinq régions autonomes et partenaires tout à la fois. La souveraineté-association par blocs, quoi. «Le problème avec le Canada et le Québec, cest quils vivent une relation binaire: lun a raison, lautre tort. Avec cinq régions, ça change la donne.» Scindée en deux «Ma vie, dit M. Forget, est divisée en deux. Il y a mes années de jeunesse dans le bout de Saint-Jean-sur-Richelieu, puis Montréal, et celles du travail, à Ottawa, et en Outaouais par la suite.» Il navait jamais vraiment mis les pieds dans la capitale avant de débarquer en 1971. Cétait dans la foulée de la Loi sur les langues officielles de 1968, qui a donné des pouvoirs et des moyens à des organismes en milieu minoritaire comme lACFO. Un représentant de lACFO était justement passé à lUniversité du Québec à Montréal où la société québécoise préparait ses premières fournées danimateurs sociaux. Quatre étudiants se portent volontaires pour un travail sur le terrain: quelques mois plus tard, cest M. Forget qui hérite du poste et se lance à corps perdu dans la bataille pour humaniser la Basse-Ville «à 98 % francophone», mais en proie à des bouleversements profonds. Le projet dun Patro vainc celui dune patinoire au carré Anglesea, la coopérative dhabitation Beausoleil se forme. «À la fin des années 1960, cétait le credo du changement. Nous, on croyait que le changement devait se faire dans un esprit de promotion économique (sassurer que les gens aient des commerces et des jobs dans leurs quartiers) et culturelle (sassurer quils aient des loisirs et des attractions culturelles à proximité). Réussite ou échec, la Basse-Ville nest plus quune pâle image de ce quelle était, encore moins riche, encore bien moins fran çaise. Après lACFO, il oeuvre avec le Comité du réveil de la Basse-Ville dOttawa, puis au sein du Coin des travailleurs. «Jai fait à Ottawa la découverte de ce quétait une minorité. Langlais, pour moi, on le vivait lors de nos voyages aux États-Unis. Il y en avait pas mal dans louest de Montréal. Mais ici, il faut se battre pour tout. Au début, je me disais que je devais être tombé par hasard dans un coin anglophone. Il fallait vite sy faire: cétait nous, la minorité. «Jai aussi découvert en Ontario un nouveau fonctionnement social: la bière, les bars, les épiceries. Cétait le temps du sandwich en rubber du dimanche, le sandwich que lon était pas supposé manger, parce que cétait la seule façon de se faire servir une bière dans un restaurant. «Cétait comme être étranger dans son propre pays.» Un jour, après cinq années à habiter sur les rues Pères-Blancs et Sainte-Cécile, à Vanier, il a dé-cidé de traverser la rivière des Outaouais et de revenir au Québec. Beaucoup de Franco-Ontariens lont imité, avant et après lui. Il débarque lannée du premier référendum, un job danimateur social dans une nouvelle place, un CLSC. Au CLSC Le Moulin, il a son mot à dire dans des projets sociaux comme le Relais des jeunes Gatinois et CFVO, la télévision communautaire, et beaucoup de coops dhabitation (Marie Crevier, Le partage, Habitation populaire de lOutaouais, Habitations partagées de lOutaouais urbain, Loge Action, etc.) qui paveront la voie au poste quil occupe depuis 1989. Aujourdhui, ce sont 600 logements regroupés en 24 coops quil aide à gérer, avec une équipe de huit personnes. Le CLSC lui a aussi offert une compagne de vie, son épouse Monique Pellerin, qui travaillait dans la boîte. Elle est aujourdhui avec Cap-Santé, dans le secteur de la santé mentale. Ensemble, ils ont eu deux enfants, Camille, âgée de 14 ans, inscrite à lÉcole internationale et golfeuse douée, et Alexis, de trois ans son cadet. Avec des enfants à la porte de ladolescence, M. Forget, qui admet «avoir de la misère à ralentir au boulot», commence à revivre des moments de loisir. Ensemble, ils forment un rare quatuor familial au golf. Et le hockey du garçon est une occasion de sortie et de distraction qui lui rappelle de beaux souvenirs de jeunesse. Ces années, justement, se sont déroulées sur une ferme de 100 vaches laitières 100 % Holstein et de 700 acres à Saint-Sébastien. Il a même eu «le rêve passager» de reprendre lentreprise familiale avec son frère, lorsque cétait la mode, il y a 25 ans. «Cest un hos... de beau métier, lance-t-il dans son langage coloré. Caurait été une belle run...» Il parle de son frère, André, mais il devrait dire son demi-frère plutôt, qui est aussi son parrain. Cest que la famille Forget-Dupuis a connu un rebondissement inattendu, dans les années 1940. Bernadette Dupuis était mère dun garçon et enceinte dune petite fille lorsque son mari, Rodolphe, est décédé dune péritonite avant ses 30 ans. Le frère de ce dernier, qui avait toujours voisiné et apprécié les enfants, a fini par marier sa bellesoeur. Serge Forget est né de ce second lit, une dizaine dannées après ses frères et soeurs. Ces deux-là ne se sont jamais éloignés du Richelieu. Ils sont aujourdhui retraités alors que le cadet, lui, na pas encore 50 chandelles à son gâteau danniversaire. Les parents sont décédés au cours des années 1990. Syndicaliste Pas du genre à simpliquer à moitié dans des organismes, il a plongé de plein pied dans le syndicalisme lorsquil est entré au CLSC. Au point de prendre la présidence de la CSN Outaouais de 1981 à 1991. Pendant 10 ans, il était là, le premier à lavant de toutes les manifs: il ne voit pourtant aucun conflit avec son rôle daujourdhui, lui qui est devenu patron. Sa vie professionnelle a pris un tournant en 1990, à la suite dun très grave accident sur la route 148, près de Pointe-au-Chêne. Cétait un 2 juin. Il allait à une réunion syndicale à Montréal. Il sest réveillé 24 jours plus tard, victime dun trauma cérébral sévère et de fractures multiples (bassin, tibia, clavicule, radius, cubitus, alouette...) «Jai mis huit mois en réhabilitation et jai craint de demeurer handicapé. Jai montré à lorthopédiste André Morin que je voulais gagner. On me demandait de faire 25 répétitions dexercice, jen faisais 50, on me donnait trois jours pour atteindre un niveau, je le faisais en deux.» Laccident na pas changé sa vie, lance-t-il à un moment donné. Mais, dun autre souffle, il dit avoir réalisé le passage éphémère que nous faisons sur la terre et le désir de contribuer au progrès de la société. Même si ça veut dire réduire les budgets des hôpitaux: en ce sens, il avale assez rond le message de lÉtat qui dit quil faut adapter notre système des soins de santé pour les années à venir. Et quiconque tente de le contredire, ou de simplement lui dire quil ne connaît pas vraiment la situation dans les hôpitaux, Serge Forget a deux arguments massue dont il se sert allègrement: ses huit mois à lhôpital et sa parole facile. Avec, au fond de sa besace, une grosse voix bien épicée, juste au cas où le message naurait pas porté. Serge Forget dit mener une vie assez solitaire qui surprend parfois. Il se repose en lisant des thrillers de Tom Clancy et de Robert Ludlum. -Son plus gros défaut? «Je suis de plus en plus impatient avec lâge... au point dêtre sec et bête à loccasion.» -La barbichette, cest «un geste daffirmation à 19 ans» qui le rapproche dun héros marxiste de lépoque, Léon Trotsky, qui en avait une semblable. -La mairie de Gatineau? Il y est toujours intéressé, «mais ce nest pas nous qui décidons, cest notre entourage, ce sont les appuis que nous recevons». Illustration(s) : Roy, Martin Le président de la Régie régionale de la santé raconte ce quil a vécu et ce quil veut vivre © 1997 Le Droit. Tous droits réservés.
Posted on: Wed, 13 Nov 2013 00:41:49 +0000

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