Straight Way to Nowhere - Partie 3 : Je ne me suis pas présenté. J’ai 23 ans, je suis né un samedi à 21h30 après avoir sagement attendu la fin de Nulle Part Ailleurs. Je suis jeune ingénieur et je m’appelle Auguste Renoir (le nom a bien sûr été changé). J’ai eu une enfance paisible dans une ville de province, une adolescence normale à laquelle il m’arrive comme tout le monde de penser avec nostalgie, et mon adulescence ne se porte pas mal non plus, merci. Ma mort sera par contre un peu plus brutale. J’ai une famille aimante, une copine formidable, beaucoup de copains, un peu moins d’amis, ces derniers se répartissant en plusieurs groupes, comme des fratries soudées mais éloignées par le fil des ans. Monsieur Lunette repasse, pimpant dans son gilet bleu. Je réalise que dix-sept voitures fois deux étages, à raison d’un toilette par étage, cela fait beaucoup de toilettes. M. Lunette a-t-il des RTT ? J’ai subitement chaud. Ce que j’apprendrai plus tard (car l’arrivée dans l’autre monde s’accompagne d’un exposé powerpoint détaillé sur les raisons de votre trépas), c’est que le problème de boulon n’est pas isolé mais n’est qu’un parmi d’autres, dont une défaillance du système de ventilation du train, elle-même due à un défaut dans le système électrique. Autrement dit, youpi. Mais pour l’instant tout ça je l’ignore, et j’enlève donc mon pull. Je le dépose sur le siège vide à côté de moi. J’ai en effet oublié de le mentionner, mais étrangement il y a de la place dans le wagon. Beaucoup de place. C’est-à-dire que les solitaires – comme moi en l’occurrence – peuvent se retrouver peinards, les couples côte à côte et les familles ensemble, et heureusement. Mon regard se perd dans le vide de la vitre trop peu propre de la voiture SCNF. Bientôt commencera la mascarade de Noël. La même sérénade tous les ans. Le classique « must be » commercial annuel. Oui, Noël est devenu une fête commerciale. Mais une fête quand même. Une fête pour tous. A tel point que même les non catholiques se voient gâter leurs enfants pour éviter qu’ils ne se sentent lésés à la rentrée scolaire de janvier. Comme d’habitude je n’ai encore acheté aucun cadeau, et la course ne se fera plus dans les magasins mais auprès des frères et sœurs pour savoir s’il est possible de se joindre financièrement à eux. Malgré tout, il n’y a rien de plus triste que quelqu’un seul le soir de Noël, et il serait stupide de ne pas se joindre à la fête et de louper ce rendez-vous en famille. Oui parce que Noël est de surcroît une fête familiale. Je trouve quand même beaucoup plus approprié de célébrer la naissance de quelqu’un avec ses proches autour d’un feu de bois crépitant qu’en transe sur un dancefloor. A ce que je sache, Jésus n’était pas DJ. Manger, remercier, dormir, ouvrir les cadeaux, offrir les cadeaux, manger, dormir. Et profiter du feu. Et écouter les histoires de grand-mère. Et se marrer des blagues trop grasses de tonton Michel. Finalement, elle n’est pas si mal, cette mascarade.
Posted on: Sun, 25 Aug 2013 21:22:56 +0000