Tunisie-Politique : Ghannouchi et Abou Iyadh: frères ennemis ou - TopicsExpress



          

Tunisie-Politique : Ghannouchi et Abou Iyadh: frères ennemis ou frères darmes? 31 octobre 2013 à 11:27 ghannouchi abou iyadh 6 21 Un fondateur dAnsar Charia, lorganisation salafiste interdite, révèle ses véritables origines, létendue de ses liens avec Ennahdha, et ce qui se fait «derrière le rideau». La face cachée des relations entre les partisans de Rached Ghannouchi et ceux dAbou Iyadh. Par Aaron Y. Zelin* La montée dAnsar Charia – le groupe islamiste radical récemment classé comme une organisation terroriste par le gouvernement tunisien – sur la scène publique en Tunisie a commencé il y a deux ans et demi, et sur le Web. Le 27 Avril 2011, un blog intitulé la Fondation Al-Qayrawan Médias a été créé, et deux jours plus tard, une page Facebook correspondante a été mise en ligne. Puis, le 15 mai, une autre page Facebook sous le nom dAnsar Charia en Tunisie a été lancé, annonçant une conférence à Tunis le 21 mai. Cest lhistoire de lémergence publique dAnsar Charia, et depuis 2011, la visibilité du groupe a augmenté de manière significative, suscitant la controverse à travers ses protestations contre le blasphème, avant dêtre accusé dimplication dans la violence politique, et interdit par lEtat. Pourtant, lorganisation reste mal comprise, notamment en ce qui concerne ses véritables origines, qui remontent à plusieurs années avant 2011, ainsi que son ancrage dans la vie politique tunisienne, plus profond que ce qui a été jusque-là divulgué, lorganisation étant restée en grande partie loin des regards. Des plans élaborés en prison Fin août et début septembre 2013, jai eu loccasion de rencontrer une personne qui a été présente lors de la fondation effective du mouvement dAnsar Charia (et qui a préféré rester anonyme). Lévénement a remonte à 2006 dans une prison tunisienne. Selon la source, lorsque Hamadi Jebali – un membre éminent de lorganisation islamiste Ennahdha qui allait devenir Premier ministre (2011-2013) – a été libéré de prison en février 2006, certains des islamistes les plus radicaux ont pensé quils pouvaient eux-mêmes sortir de prison bientôt. Ils ont commencé la planification de leur mission une fois à lextérieur. Et bien que le groupe navait pas de nom à lépoque, 20 islamistes, dont le futur chef dAnsar Charia, Abou Iyadh Al-Tunisi, ont décidé de créer une nouvelle organisation. La libération des membres de ce groupe a, en fait, pris plus de temps que prévu, et cela nest quen mars 2011, après le renversement du président Zine El Abidine Ben Ali, quils ont été amnistiés et libérés. Une fois dehors, le groupe a commencé à sorganiser et à se réunir dans la maison dAbou Iyadh. Il a commencé aussi à mettre en œuvre les plans quils avaient établis au cours des cinq précédentes années. Cest ainsi quAnsar Charia a lancé des campagnes de sensibilisation à Tunis, Sousse, Sidi Bouzid, Kairouan et Bizerte, et pris contact avec les théologiens salafistes, dont le Cheikh Al- Khatib Al-Idrissi. Bien quil y ait actuellement une grande distance publique entre Al-Idrissi et Ansar Al-Charia, quand lorganisation a commencé ses activités, Al-Idrissi la soutenue ainsi que ses premières activités via sa page Facebook officielle et il entretenait de vagues relations avec la Fondation Al-Qayrawan Médias, lorgane médiatique officiel dAnsar Charia. Al-Idrissi est lun des théologiens salafistes les plus influents en Tunisie. En 1985, il est parti en Arabie saoudite et a été officiellement formé par certains des plus importants théologiens salafistes de lépoque moderne, y compris Abd Al-Aziz Bin Abdallah Ibn Baz. Les premiers contacts dAnsar Charia avec Al-Idrissi soulignent le fait que lorganisation cherchait un fort soutien des oulémas pour donner une légitimité à sa cause. Dès le printemps 2012, le soutien dAl -Idrissi à Ansar Charia est devenu moins public, et presque au même moment, Ansar Charia sest doté dun nouveau média appelé la Fondation Al-Bayariq Media. Il semble quAl-Idrissi est devenu une sorte de guide spirituel dAnsar Charia, non affilié au mouvement, et que Abou Iyadh est le lien principal entre lorganisation et Al-Idrissi. Des amis haut placés En plus de ces premières actions, Ansar Charia a également eu des rencontres et des contacts avec Ennahdha, aujourdhui le plus grand parti politique en Tunisie, y compris avec son chef Rached Ghannouchi. Selon le membre fondateur dAnsar Charia avec qui jai eu des discussions, les relations entre les salafistes et Ennahdha remontent à lépoque où les membres de chaque groupe étaient ensemble en prison. Mais ils ont continué, après leur sortie de prison, à échanger des lettres et à entretenir une communication étroite, mais à des fins bien plus cyniques. Il y a, par exemple, une lettre de Ali Larayedh, lactuel chef du gouvernement de la Tunisie, à Noureddine Gandouz, une autre figure dEnnahdha, où il aurait expliqué que les salafistes sont bénéfiques à Ennahdha, car ils donnent, par contraste, une image de modération au parti islamiste. Après le renversement de Ben Ali et la libération des prisonniers, le dialogue entre des factions au sein dEnnahdha et Ansar Charia sest poursuivi. Lhomme avec qui jai parlé en 2011 a personnellement assisté à deux réunions au domicile de Ghannouchi à El-Menzah, au nord de Tunis. Lors de ces réunions, Ghannouchi aurait demandé à Abou Iyadh dencourager des jeunes dAnsar Charia à se joindre à larmée nationale pour linfiltrer et un autre groupe de jeunes à faire de même avec la garde nationale. Cette allégation devient moins surprenante quand on garde à lesprit la vidéo fuitée, et diffusée en octobre 2012, où lon voit Ghannouchi fournir des conseils stratégiques aux salafistes. Dans une partie de la vidéo, le chef dEnnahdha avertit: «Larmée est dans leur mains [par allusion aux laïcs]. Nous ne pouvons pas garantir la police et larmée.» On pourrait penser que Ghannouchi ne voulait pas risquer ses propres cadres, et il a pensé quil pouvait commander, indirectement, des éléments au sein de lappareil de sécurité en utilisant les salafistes et le zèle de leurs jeunes membres. Cette relation entre Ennahda et Ansar Charia sest, depuis, détériorée, et le gouvernement dirigé par Ennahdha a fini par désigner Ansar Charia comme une organisation terroriste, le 27 août 2013. Des frères darmes Au cours des deux ans et demi depuis lémergence dAnsar Charia sur la scène politique tunisienne, lorganisation a réussi à gagner les cœurs et les esprits des masses. Pourtant, le groupe est également soupçonné dimplication dans des activités secrètes plutôt abjectes, même si elles sont difficiles à confirmer. Le membre fondateur dAnsar Charia a, cependant, fourni quelques indications sur ces aspects cachés des activités du groupe et qui lont poussé à le quitter en raison, dit-il, de «ce quil y a derrière le rideau.» Ce dernier a confirmé quAnsar Charia a une aile militaire, donc en contradiction avec lune des fameuses déclarations dAbou Iyadh que la Tunisie est une terre de «dawa» (prédication) et pas le jihad, et son affirmation selon laquelle Ansar Charia na pas darmes et ne cherche pas à en obtenir. La source a également noté que les relations entre Ansar Charia en Tunisie (ACT) avec Ansar Charia Libye (ACL) et Ansar Charia Egypte (ACE) constituent une «toile daraignée», expliquant qu«ils se connaissent tous» – se référant sans doute aux leaders respectifs de ces groupes. En outre, selon la même source, certains membres de lACT, ACL et ACL ont voyagé ensemble à Gaza et dans le nord du Sinaï en 2012. Il na pas dit quils allaient pour la formation militaire – même si celle-ci ne doit pas nécessairement être exclue dautant que des Tunisiens auraient été formés en Libye avec ACL – mais quils ont sollicité le conseil des salafistes palestiniens sur des questions liées à ladministration, à lorganisation et à la gestion. Lors de lanalyse des organisations salafistes semi-clandestines, il faut garder à lesprit ce que lon sait avec certitude et ce quil ne sait pas, dautant plus que cette dernière catégorie jette souvent une ombre sur la première. Et il y a encore beaucoup de questions en suspens en ce qui concerne Ansar Charia en Tunisie, comme sa relation avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et son rôle dans les récentes violences en Tunisie. Cependant, comme ce groupe salafiste continue dêtre important en Tunisie, malgré son interdiction officielle, on espère voir révéler certains pans cachés de son histoire, de ses relations et de ses stratégies, qui nous aideront à comprendre un peu mieux ce mystérieux groupe. Traduit de laméricain par Imed Bahri * Chercheur auprès du Washington Institute, qui axe ses recherches sur la façon dont les groupes jihadistes sadaptent au nouvel environnement politique post-révolutions arabes et sur la politique salafistes dans les pays en transition vers la démocratie. Titre original de larticle : Tunisia: Uncovering Ansar al-Sharia (Tunisie : A la découverte dAnsar Charia). Source : Washington Institute.
Posted on: Thu, 31 Oct 2013 21:14:36 +0000

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