VOLEUR DE POULE Après la chance et avant la - TopicsExpress



          

VOLEUR DE POULE Après la chance et avant la malchance voilà ces deux situations réunies pour le meilleur et pour le pire Le sergent MacMillan, mitrailleur arrière de la Hell’Cat, un B17 F était plié en deux dans la tourelle supérieure quant le sergent bombardier Dickey ouvrit les trappes. Aussitôt l’air froid de la nuit s’engouffra dans la carlingue et malgré sa combinaison de vol et son lourd blouson d’aviateur, le sergent frissonna. Il attendait avec anxiété le largage des bombes qui annoncerait la fin de la première partie de mission et le virement immédiat sur l’aile que ferait le pilote pour rentrer à la base. Inquiet, il vérifia encore une fois le mécanisme de ses deux mitrailleuses 12.7 braquées vers l’avant pendant que Dickey, le navigateur, s’affairait maintenant sur le viseur Norden. De petits flocons noirs menaçants explosaient le long de la carlingue alors que dans son casque ségrainait à lintention du pilote, la distance en mètres séparant lavion de l’objectif, un important nœud ferroviaire en territoire occupé, un peu au sud de Caen. Tendu, les mains crispées sur l’acier froid de sa mitrailleuse, tout en scrutant la nuit hostile, il ne pouvait s’empêcher de penser à sa femme, Jenny, à ses deux enfants, des jumeaux, nés le mois dernier. Grâce à ses beaux parents, tous les trois étaient désormais à la campagne, loin des bombardements qui détruisaient Londres un peu plus chaque jour. « Elle devait certainement dormir maintenant...» songea-t-il en soupirant et malgré le danger, linconfort de la tourelle, les ruades de l’avion secoué comme un prunier par des explosions de plus en plus violentes à mesure que lobjectif approchait, il imagina le corps tendre de son épouse lové dans la douce chaleur de la couche. « Bombes larguées » Le cri du sergent bombardier le ramena à la dure réalité. Aussitôt le B 17 vira sur l’aile et le sergent commença à souffler. Encore une mission qui allait se terminer au chaud, au mess de la base et en permission méritée. Une explosion violente secoua la carlingue. Le sergent sentit un choc qui lui coupa le souffle. Il se palpa, craignant de voir ses gants poissés de sang. Mais ses mains, à hauteur de poitrine, ne rencontrèrent quun éclat en fin de course, gros comme une petite soucoupe. Il était venu se ficher, sans le transpercer, dans son gilet anti-flack. « Un sacré coup de pot » pensa-t-il en le retirant. Autour de lui la carlingue paraissait intacte et Dickey, devant lui, fit même par bravade le V de la victoire, pensant comme lui à la bonne pinte de bière quils allaient prendre ensemble au mess pour couronner le succès de cette nouvelle mission. L’avion fit de nouveau une terrible embardée. Des flammes surgirent dans la carlingue. Interphone en panne, il ne put prévenir léquipage. La chaleur devenant rapidement intolérable, MacMillan retira son gilet anti-flack, prit son ventral et évacua précipitamment l’étroite tourelle alors que l’avion commençait une amorce de piqué. Au niveau de Dickey, il vit que celui-ci gisait inconscient dans une mare de sang. Avec difficulté, il voulut le redresser pour l’aider à enfiler son harnais mais la tête du malheureux partit en arrière, laissant apparaître une cicatrice béante qui ne lui laissait aucune chance. Continuant sa reptation, chassé par les flammes, il engagea son corps dans l’étroit sabord gauche pour basculer aussitôt dans le vide. Mais son pied accrocha une déchirure de métal et rabattu violemment par le vent de la chute, sans son casque de cuir, il aurait été irrémédiablement assommé par le choc de sa tête contre la carlingue. Entraîné par le piqué infernal, retenu par un pied, il rua, se démena comme un diable et finit par se dégager en abandonnant sa botte et la forteresse volante, torche en flamme plongeant dans le noir. Malgré le choc, le froid intense, comme à lexercice, il tira précipitamment sur la commande d’ouverture de son parachute et l’immense auréole freina aussitôt sa chute. Mains sur les courroies du harnais, coudes pliés, ses cheveux se seraient sans doute dressés de terreur sans le cuir de son casque, quand, à plusieurs centaines de mètres de sol, il sentit se rompre sous ses doigts la sangle entamée par léclat dobus. Et avant même de pouvoir réagir, il plongeait vers le sol, décroché de la soie salvatrice. Combien de temps dura sa chute libre ? Beaucoup moins de temps quil ne faut pour l’écrire, mais suffisamment pour acquérir une vitesse folle et convaincre le malheureux qu’il allait sécraser sur la terre gelée. Tournoyant de plus en plus vite dans le noir, une gifle immense dune violente inouïe le secoua suivie dune glissade infernale. Il filait maintenant comme un bolide sur le flanc dune montagne couverte de neige épaisse. La pente diminuant, sa vitesse en fit autant. Une bosse de terrain providentielle lui fit faire un survol heureux au- dessus une grosse souche sur laquelle il se serait définitivement écrasé et quand il ralentit de nouveau, un autre rebond acrobatique lui évita une clôture de barbelés qu’il franchit haut la main, bras et jambes en croix pour finalement s’engouffrer par l’ouverture béante d’une grange en évitant d’un cheveu les pointes acérées d’une fourche pendue à un râtelier. Il atterrit enfin sur un tas de foin confortable dans un vacarme affolé dune dizaine de poules indignées que son vol plané avaient réveillé. Quelques secondes plus tard, la tête ahurie du sergent MacMillan émergeait de la paille, sa seule moustache en bataille hérissée par le brutal atterrissage. * — Albert ! Oui ! J’ai entendu ! Allume ! La lumière d’un petit abat jour sortit la chambre de l’obscurité alors que L’homme extirpait déjà une jambe de lépais couvre-lit. A la hâte, il se saisit de vêtements pendus sur la chaise, shabilla sous le regard inquiet de la femme. — Fais attention tout de même, supplia-t-elle alors qu’Albert, sommairement vêtu, se saisissait de larme pendue au-dessus de la porte. — T’en fais pas. Cette fois, je vais lui faire sa fête à ce vagabond, à ce voleur de poules. Sur cette ferme promesse, il disparut aussitôt, son pas lourd diminuant rapidement dans la cage d’escalier. La femme hésita, le regard tendu vers la porte qui avait englouti son mari. Lentement, à regret, elle sortit à son tour de la chaleur douillette de la paillasse, un châle épais jeté à la hâte sur ses épaules dénudées. Mon Dieu ! implora-t-elle quelques minutes plus tard en portant la main à sa bouche, figée, interdite au milieu de la chambre en entendant une détonation sourde. Son regard alla du lit à la porte, à l’affût du moindre bruit, et quand lescalier craqua, en blêmissant, elle recula, terrorisée vers la couche encore chaude, les yeux fixés vers le palier. Albert ! Tu m’as fait peur, gémit-elle soulagée en sasseyant sur lédredon quand son mari sencadra dans le montant de la porte. Hésitant, le fusil fumant à la main, Albert fit quelques pas dans la pièce. — Germaine, dans le noir, j’ai fait une terrible méprise, confessa-t-il dune voix malheureuse. Devant linterrogation muette de sa femme, dune grosse voix que la tristesse altérait, penaud, il ajouta. — Ce n’était pas ce gredin de voleur de poules…
Posted on: Thu, 21 Nov 2013 23:06:08 +0000

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