W olfgang G. S chwanitz Le Djihâd made in Germany Cette - TopicsExpress



          

W olfgang G. S chwanitz Le Djihâd made in Germany Cette contribution traite de la «djihadisation» allemande de l’islam entre 1914 et 1940. Les trois axes de la politique de Berlin au Moyen-Orient en temps de paix étaient le respect du statu quo et la dénonciation de toute revendication de territoires ou de colonies dans la région, une subordination de cette politique secondaire à la relation toujours privilégiée avec l’Europe et l’Amérique et, en troisième lieu, une diplomatie de médiation lorsqu’il s’agissait de la Question d’Orient. À la différence d’autres grandes puissances, l’Allemagne n’avait pas de sujets musulmans au Moyen-Orient. Par conséquent, les Allemands gardaient une perspective critique sur les empires coloniaux de leurs voisins. Il n’est pas étonnant que le courant principal parmi les politiciens et les universitaires allemands considérait avec sympathie les mouvements anti-impérialistes dans leurs expressions nationalistes ou islamiques. Inversement, les chefs musulmans se tournaient vers Berlin pour chercher de l’aide afin de se débarrasser de leurs maîtres étrangers. Comment est apparu le djihâd «made in Germany»? En 1914, Berlin passa d’une politique moyen-orientale secondaire de temps de paix à une poli-tique prioritaire de temps de guerre contre l’hinterland colonial du Moyen-Orient qui modernisa le concept de djihâd. Un conflit éclata alors entre les pères-fondateurs des études islamiques en Europe. Berlin avait-il vraiment poussé les Jeunes-Turcs au djihâd contre les Anglais, les Russes et les Français? Oui, répondait l’arabisant hollandais Snouck Hurgronje qui repro-chait à son collègue Carl Heinrich Becker cette «fièvre de djihâd». Le Néerlandais insistait en affirmant que ce djihâd était une arme idéologique conçue en Allemagne. Becker demandait si les Allemands et les Turcs n’avaient pas le droit de faire ainsi. «Non», écrivait Hurgronje, «ceci brise la paix religieuse ». Becker répondit qu’il n’existait aucun tabou en matière de religion. Ce djihâd résultait d’une action concertée germano-ottomane, intégrant: le plan de Max von Oppenheim de déclenchement de révoltes dans l’hinterland colonial ennemi; l’agitation en faveur du djihâd par le Département Oriental des Informations de Berlin; la fatwa et les documents ottomans; les commentaires de cheikh Sâlih sur la fatwa; et l’incitation au djihâd. En légitimant la doctrine de djihâd contre des terres judéo-chrétiennes, Berlin bafouait l’héritage des Lumières. Bien que la critique de Hurgronje frappait juste, Beckers’ en tenait à une approche chauvine. Après que les Allemands aient perdu la guerre et aient renversé leur empereur et sa «politique mondiale», l’Empire allemand devint la République de Weimar. L’Allemagne diminuée d’un tiers de son territoire fut tenue de se conformer aux demandes des vainqueurs. Berlin revint alors à sa politique moyenne-orientale secondaire de temps de paix. Avec le Traité de Versailles, l’Allemagne perdit ses colonies et se concentra donc sur le commerce et la culture. Elle rétablit deux des piliers de sa politique moyenne-orientale d’avant-guerre: respecter le statu quo et ne réclamer aucun territoire. Le troisième pilier qui était son action de médiateur dans la Question d’Orient, fut exclu puisqu’il n’avait été donné à l’Allemagne aucun rôle en politique étrangère, ce qui favorisa les sentiments de vengeance. Après 1920, il y eut un afflux de musulmans venus en Allemagne pour étudier, faire des affaires ou s’exiler. La plupart d’entre eux rentrèrent dans leurs patries qui avaient perdu leur «protecteur islamique», l’Empire ottoman et le Califat. Ces voyageurs occupèrent des places importantes à leur retour, favorisant le modèle de développement et d’Etat allemand dans un climat nationaliste devenu hostile aux puissances mandataires britanniques et françaises. Parmi eux, il y avait les principales figures nationalistes et religieuses ayant, lors de la première guerre mondiale, lutté et été battues par les mêmes adversaires. Alors que Londres soutenait le projet de foyer juif en Palestine, Berlin essayait de ne pas s’impliquer dans ce projet et gardait ses distances, bien que quelques politiciens aient considéré l’émigration juive comme une solution dans le contexte de la montée de l’anti-sémitisme en Allemagne. Berlin développa des relations avec l’Arabie Saoudite et plusieurs dirigeants religieux comme le Grand Mufti de Jérusalem Amin Al-Husaini. Dans l’entre-deux-guerres, l’Allemagne reprit le troisième rang dans le commerce extérieur avec le Moyen-Orient. En dehors des relations principalement économiques et culturelles, le Moyen-Orient avait peu d’importance pour Berlin. En revanche, des pays comme la Turquie, l’Afghanistan, l’Egypte, la Grande Syrie ou l’Irak recevaient davantage d’attention en tant que voisins d’ennemis potentiels ou comme hinterland colonial de ces derniers. Le diplomate Max von Oppenheim développa de nouveau sa «guerre par les révolutions islamiques» en 1940, trouvant appui auprès du Grand Mufti de Jérusalem Amin Al-Husaini. Dans des émissions de radio diffusées au Moyen-Orient, il déclara le djihâd contre les Alliés. Après la chute de Paris, l’«Abu Djihâd» allemand adapta une version de son premier plan de djihâd. «Il est grand temps», écrivaitil, «de s’opposer à l’Angleterre au Moyen-Orient et d’embraser la région à partir de la Syrie». Il s’agissait de couper l’approvisionnement en pétrole pour la marine britannique et de bloquer le trafic à travers le canal de Suez. Le ministre plénipotentiaire allemand, Dr. Fritz Grobba, souhaitait coopérer avec des leaders indigènes comme Shakîb Arslân afin de déclencher un soulèvement qui affaiblirait l’Empire britannique de l’intérieur, particulièrement en Egypte et en Inde. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Institut d’Études de l’Islam et des Sociétés du Monde Musulman (IISMM) Association Française d’Études sur les Balkans (AFEBALK) Etudes turques et ottomanes (UMR 8032 du CNRS) avec le soutien de la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine et du Ministère délégué à la Recherche
Posted on: Sat, 05 Oct 2013 08:45:01 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015