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rapport qui désignait les responsables des tueries en Kabylie Lire l’article original : 2 2 partir ...................rebelle 13 juin 2013 Bien que ses conclusions restent encore aujourd’hui accablantes, ce rapport demeure dans les tiroirs dix ans après son élaboration. Le 02 mais 2001, le président Bouteflika met en place une commission d’enquête indépendante sur les événements de Kabylie. La région était à feu et à sang et la répression avait déjà fait plus d’une trentaine de morts. Mardi 12 mars 2002, le chef de l’Etat s’est engagé à faire la lumière sur ces événements et à ce que les coupables soient jugés. Neuf ans après, ses engagements n’ont pas été honorés. Présidée par l’avocat Mohand Issad, cette commission qui comprend 26 autres membres enquête pendant plus de deux mois, épluche des kilos de documents, visionne des photos et des cassettes vidéos, compulse des dizaines des correspondances officielles, des rapports d’autopsies, auditionne des témoins et des blessés. Un premier rapport détaillé est remis en juillet 2001 au chef de l’état, un second, moins exhaustif, au mois de décembre de la même année. Résultat : les conclusions sont accablantes. Sans désigner nommément les auteurs des tueries, ceci ne rentrait pas dans le cadre de ces prérogatives, la commission ne situe pas moins le niveau de responsabilité des assassinats. Ainsi, les enquêteurs concluent que les gendarmes sont intervenus sans réquisition de l’autorité civile, en violation de la loi. Que s’il y avait ordres pour tirer massivement sur les foules, il n’y avait pas pour autant d’ordres de cesser les tirs. Une certitude demeure : Les gendarmes qui ont agit sur le terrain ainsi que leurs supérieurs directs ont délibérément ignoré les instructions écrites de leurs hiérarchies : c’est-à-dire interdiction de faire usage d’armes et fouille au corps de chaque gendarme avant la sortie sur le terrain. Il existe au moins trois instructions : deux en date du 15 et du 25 avril et une troisième datée du 21 mai. Conclusion de la commission Issad : Soit « le commandement de la gendarmerie a perdu le contrôle de ses troupes » en Kabylie, soit « la gendarmerie a été parasitée par des forces externes à son propre corps, avec forcément des complicités internes, qui donnent des ordres contraires, et assez puissantes pour mettre en mouvement la gendarmerie avec une telle rudesse pendant plus de deux mois et sur une étendue aussi vaste. » Six mois après la publication du rapport préliminaire, le président de cette commission pouvait ainsi déclarer le 24 décembre 2001 à Alger : « Nous avons indiqué suffisamment de pistes au président de la République ». Dix ans après le printemps noir, le rapport de la commission Issad n’a jamais été pris en compte. A l’exception du gendarme, Mestari Merabet, auteur des coups de feu mortels sur Massinissa Guermah, jugé et condamné à deux ans de prison, aucun responsable n’a été jugé ni devant un tribunal militaire ni devant une juridiction civile. Pourtant, mardi 12 mars 2002, le chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika annonce solennellement que l’Etat veillera à ce que la lumière soit faite sur ces événements et s’engage à ce que les coupables soient jugés. Extrait du discours de Bouteflika :« Tous les responsables des dépassements et principalement ceux impliqués dans la mort d’homme sont et seront poursuivis par l’Etat. Des poursuites sont effectivement engagées contre 24 membres du corps de la gendarmerie nationale dont 5 officiers. Ils font l’objet de mandat de dépôt du chef d’homicide et pour usage abusif d’armes à feu. Le gendarme responsable de la mort du jeune Guermah Massinissa a été placé sous mandat de dépôt dès le 19 avril 2001. Tous ont droit à un procès en bonne et due forme ; mais aucun n’échappera à la rigueur de la loi. Le déroulement des procès se fera en toute transparence, sans équivoque, sans zone d’ombre. La justice doit faire son travail en toute indépendance. J’userai pour ce qui me concerne des pouvoirs discrétionnaires que me confère la Constitution pour que la lumière, toute la lumière soit faite sur les tenants et aboutissants de cette tragédie nationale. Dans ce cadre, je veillerai particulièrement à ce que justice soit faite sans aucune entrave quelle que soit la juridiction saisie, civile ou militaire. En tout état de cause, l’Etat est déterminé à ne pas laisser place à l’impunité. » Neuf ans après ce discours, ces engagements n’ont pas été respectés. A l’occasion du dixième anniversaire du printemps noir, DNA publie l’intégralité du rapport préliminaire rendu public en juillet 2001. _____________________________________________________________ LE RAPPORT PRÉLIMINAIRE DE LA COMMISSION NATIONALE D’ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DE KABYLIE (ALGÉRIE) I – INTRODUCTION: Le 18 avril 2001, un jeune lycéen de 19 ans, Guermah Massinissa, reçoit dans le corps, à l’intérieur des locaux de la Brigade de gendarmerie de Béni-Douala, et d’après le rapport d’autopsie, trois des six balles de kalachnikov tirées en rafale par le gendarme Mestari. L’une des balles tirées a blessé un autre gendarme qui se trouvait à proximité. Le jeune Guermah fut admis à la polyclinique de Béni-Douala, puis à l’hôpital de Tizi-Ouzou pour les premiers soins. Devant la gravité de ses blessures, il fut transféré à l’hôpital Mustapha à Alger. Il devait y décéder le 20 avril 2001 à 8h15. Le 22 avril 2001, à Oued Amizour, dans la wilaya de Béjaïa, trois membres d’un groupe de collégiens, se dirigeant vers le stade en compagnie de leur professeur de gymnastique, sont interpellés par les gendarmes, dans des conditions irrégulières. L’inhumation du jeune Guermah Massinissa, le 23 avril, devait donner lieu à des émeutes en série. Entre-temps, la gendarmerie rend public un communiqué dans lequel elle déclare que le défunt avait été interpellé « suite à une agression suivie de vol ». Le ministre de l’Intérieur reprend la fausse information et déclare que la victime était un « délinquant de 26 ans »; mais lors d’une conférence de presse le ministre reçoit un bulletin scolaire duquel il résulte que le jeune Guermah était en fait un lycéen. Les deux bavures, aggravées par les fausses déclarations des autorités, que les populations considèrent comme diffamatoires pour la victime décédée, devaient donner lieu à une série d’émeutes dans les wilayas de Tizi-Ouzou et Béjaïa, et atteignent les wilayas limitrophes de Bouira, Sétif et Bordj Bou Arréridj. Le mercredi 2 mai 2001, le professeur Mohand Issad était chargé par Monsieur le Président de la République d’entreprendre une enquête sur ces événements et lui donne toute latitude pour composer une commission ad hoc, mener les investigations comme il l’entendait, demander tout document et entendre toute personne qu’il jugera utile. Le professeur Issad se mit en devoir de constituer la Commission d’enquête, pour une mission qui s’annonçait extrêmement difficile. Il entreprit des contacts. Il sollicita les uns, reçut l’offre spontanée d’autres. Il essuya quelques refus. Au bout d’une quinzaine de jours, une commission d’enquête était constituée, dont la liste est jointe en annexe, composée essentiellement d’avocats, d’enseignants de droit, de magistrats et de membres de la société civile, issus de toutes les régions du territoire national. Une première réunion plénière fut tenue le 16 mai 2001 dans les locaux aménagés pour la Commission au siège de la cour suprême, à l’effet de dégager les axes d’investigations. - Immédiatement, se sont imposés les axes de recherche suivant : déplacement sur le terrain et audition de témoins, - exploitation de la presse, - exploitation de documents que le président devait solliciter des services concernés, soit le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Justice, la Direction générale de la Sûreté nationale, la Gendarmerie nationale, le Département des renseignements et sécurité du ministère de la Défense nationale, des wilayas concernées et groupements de gendarmerie de Tizi Ouzou et Béjaïa. Deux groupes furent constitués à l’effet de se rendre, l’un dans la wilaya de Tizi-Ouzou, sous la direction du bâtonnier Mahi Ghouadni, l’autre dans la wilaya de Béjaïa, sous la direction du bâtonnier Abdelwahab Benabid. Un troisième groupe devait rester à Alger, sous la responsabilité du professeur Issad. Les groupes de Tizi-Ouzou et de Béjaïa ont accompli leur mission et rédigé des rapports. Le groupe resté à Alger réceptionna les documents qu’il a reçus des ministères de la Justice et de l’Intérieur, des wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Bouira, Bordj Bou Arréridj et Sétif, de la Direction générale de la Sûreté nationale etu du Commandement de la Gendarmerie nationale. Au retour des groupes qui se sont déplacés à l’intérieur du pays, cinq groupes de travail devaient de nouveau être constitués pour une exploitation plus poussée des données et des documents recueillis. Ces groupes furent placés sous la responsabilité respective de MM. Zekri, Ghouadni, Meziane, Benabid et Issad. II – Les dégâts humains: 1) – Dans un état nominatif des citoyens décédés, dressé par le ministère de l’Intérieur pour la période du 22.04.2001 au 28.04.2001, il ressort les chiffres suivants : 13 décès pour la wilaya de Béjaïa, 26 pour la wilaya de Tizi-Ouzou, 1 pour la wilaya de Sétif et 1 pour Bouira. * Dans un autre état global, arrêté au 12 mai 2001, le ministère de l’Intérieur donne les chiffres suivants : - wilaya de Tizi-Ouzou : 30 décès, 147 blessés par balles, 77 « autres blessés »; - wilaya de Béjaïa : 13 décès, 29 blessés par balles, 220 « autres blessés »; - wilaya de Sétif : 01 décès, 3 blessés par balles, 3 « autres blessés »; - wilaya de Boumerdès : 05 blessés par balles, 01 « autre blessé »; - wilaya de Bouira : 01 décès, 06 blessés par balle. Total : 45 décès, 190 blessés par balles, 301 « autres blessés ». * Pour les fonctionnaires de police, le même état donne 56 « autres blessés » à Tizi-Ouzou, 224 à Béjaïa, un à Boumerdès et 6 à Bouira. * Pour la gendarmerie nationale : - wilaya de Tizi-Ouzou : 78 « autres blessés »; - wilaya de Béjaïa : 81 « autres blessés »; - wilaya de Sétif : 13 « autres blessés »; - wilaya de Bouira : 08 « autres blessés ». Aucun gendarme n’a été touché par balle ou autre munition. Soit un total de : - 45 décès et 491 blessés parmi la population. * 287 blessés dans les rangs de la police et 180 blessés dans les rangs de la gendarmerie. Si l’on reprend l’état nominatif des citoyens décédés au 12 mai 2001, on constate : * Que le décès du jeune Guermah Massinissa le 20 avril 2001, non mentionné, porte le nombre des victimes dans la wilaya de Tizi-Ouzou à 31. * Qu’à Tizi-Ouzou, le plus grand nombre de victimes est enregistré seulement sur deux jours, les 27 avril (8) et 28 avril (17), et à Béjaïa sur trois jours, soit les 25 avril (3), 26 avril (6) et 28 avril (4). * Que ces décès ont eu lieu dans plusieurs localités différentes : - wilaya de Tizi-Ouzou : 14 localités - wilaya de Béjaïa : 8 localités - wilaya de Sétif : 1 localité - wilaya de Bouira : 1 localité Soit 24 localités différentes, réparties sur 4 wilayas de Kabylie, et plus précisément 22 localités réparties sur les deux wilayas de Tizi-Ouzou et Béjaïa. - D’après un autre état nominatif du même ministère de l’Intérieur, arrêté au 11 juin 2001, le dernier chiffre passait à 27 localités touchées (16 à Tizi-Ouzou et 11 à Béjaïa). Le nombre des décès passait à 34 à Tizi-Ouzou, 17 à Béjaïa, tandis qu’on enregistrait un 2e décès à Bouira et un décès à Alger. Mais il résulte de cet état, arrêté au 11 juin 2001, que le dernier décès est survenu le 29 mai à Tizi-Ouzou, le 27 mai à Béjaïa, le 26 mai à Bouira, tandis que le jeune Haniche Hamid, blessé le 31 mai lors des manifestations d’Alger, succombait à ses blessures le 6 juin 2001. Au 11 juin 2001, le nombre de décès s’élevait à 55 parmi la population et un parmi les gendarmes, mort accidentellement par électrocution. En revanche, et du 11 mai au 11 juin 2001, le nombre de blessés par balles passait pour les cinq wilayas (Tizi-Ouzou, Sétif, Boumerdès et Bouira) de 190 à 305. Le nombre des « autres blessés », qui était de 301 au 12 mai, n’est pas indiqué dans l’état établi au 11 juin. - Pour les services de sécurité, le nombre de blessés, dont aucun par balle, passait de 467 (287 pour la police et 180 pour la gendarmerie) à 1579. On peut s’étonner de ce bond dans le nombre des blessés, et du nombre plus important dans les rangs de la police que dans ceux de la gendarmerie. L’explication pourrait se trouver, d’une part dans le fait que la police n’a pas tiré par balles là où elle a eu à intervenir, ce qui l’a rendue plus exposée, d’autre part dans le fait que la gendarmerie elle-même a moins tiré par balles à partir du 11 mai, date du premier état global, ce qui l’a rendue plus vulnérable. 2) Des blessés par balles et des morts, du 18 au 28 avril 2001, en Kabylie (document arrêté au 3 juillet 2001) Les données traitées ont pour source exclusive des documents officiels, communiqués par les services des ministères de la Justice, de l’Intérieur, de la Santé. Le 18 avril 2001 Guermah Massinissa * 19 ans, est blessé en fin d’après-midi dans les locaux de la Gendarmerie de Béni-Douala. * Il est blessé aux deux membres inférieurs par une rafale tirée d’un kalachnikov. * Provoquées par une munition de guerre, les blessures sont gravissimes aux deux cuisses, avec lésions complexes du fémur droit et plaies vasculaires, notamment à la face postérieure du genou gauche. * Il sera finalement transféré et opéré à Alger, durant la nuit. * Le décès survient le 20 avril à 8h15. Il est évident que la mort de Guermah Massinissa est la conséquence des blessures par balles reçues aux deux membres inférieurs. Les blessures présentaient d’emblée un caractère « d’urgence extrême », c’est-à-dire que le pronostic vital était immédiatement mis en jeu. Le pronostic a été aggravé par les délais imposés au traitement. Les constatations nécropsiques ne font état d’aucune autre lésion, fermée ou ouverte, que celles provoquées par les balles et les traitements médico-chirurgicaux consécutifs. En particulier, la recherche d’ecchymose et de rupture traumatique d’organe interne est restée sans résultat. Du 22 au 28 avril 2001 1 – DGSN : état numérique par qualité des personnes décédées et blessées lors des manifestations du 22 au 28 avril 2001. Annexe 1. La page comporte trois tableaux intéressant les wilayates d’Alger, Tizi-Ouzou, Béjaïa, Sétif, Boumerdès et Bouira. Nous ne travaillerons ici que sur le total des blessés par balles de l’ensemble des wilayas concernées. 1.1. premier tableau : Ce tableau montre que 50 + 217 = 267 citoyens ont été atteints par balles. La proportion des citoyens morts par balles serait donc : 50/267* 100 = 18,7 %, soit environ un mort pour cinq ou six blessés. 1.2. deuxième tableau : Il compte, sur la même page, pour la même période et les mêmes lieux, les pertes des fonctionnaires de police. S’il signale un total de 416 blessés, dont aucun ne l’est par balle, le nombre des décès est chiffré à zéro. Ce tableau indique donc que les fonctionnaires n’ont subi aucun tir par arme à feu. 1.3 – troisième tableau Il comporte les pertes des gendarmes. Il indique: Décédé : 001 (Béjaïa) Blessé par balle : 001 (Tizi-Ouzou) Autres blessés : 180 La mort du gendarme à Béjaïa n’est pas imputée à une blessure par balle. Le compte rendu de nécropsie rapporte la mort à une électrocution. Ce tableau indique donc qu’un seul fonctionnaire a été blessé par arme à feu. Le blessé par balle l’a été sur le territoire de la wilaya de Tizi-Ouzou, sans autre détail. * Il apparaît donc que, sur l’ensemble des wilayas d’Alger, Tizi-Ouzou, Béjaïa, Sétif, Boumerdès et Bouira, deux cent soixante sept citoyens ont été blessés par balles. * parmi eux, cinquante sont morts. * Le taux global de mortalité serait donc de 18,7 % sur l’ensemble des wilayate d’Alger, Tizi-Ouzou, Béjaïa, Sétif, Boumerdès et Bouira. Rapporté à chacune des wilayas où il a été constaté des décès par balle (Tizi-Ouzou, Béjaïa, Sétif et Bouira), les chiffres deviennent : » Tizi-Ouzou: total blessés par balles : 157, Béjaïa : 86, Sétif : 4, Bouira : 16 » Total morts par balles : Tizi-Ouzou : 31, Béjaïa (16), Sétif (1), Bouira (2). » Pourcentages Tizi-Ouzou (19,75, Béjaïa (18,6), Sétif (20), Bouira (12,5). Compte tenu de l’absence totale de pertes graves parmi les forces de l’ordre (un seul blessé par balle, dans des conditions non-précisées) en face de proportions de civils tués par balles qui apparaissent considérables, l’utilisation d’armes et de munitions de guerre pourrait apparaître largement excessive. 2- DGSN : état numérique global des personnes décédées et blessées lors des manifestations du 22 au 28 avril 2001. Annexe 2. Ce document comporte deux tableaux, reproduits ci-dessous : En ne prenant en compte que le total des blessés par balles de l’ensemble des wilayas concernées: Total décédés : 51 Total blessés par balles : 218 Total autres blessés : 900 Citoyens, total décédés : 50 Citoyens, total blessés par balles : 217 Policiers, total blessés : 416 Gendarmes, total blessés : 181 Citoyens, total autres blessés : 304 Gendarmes, total décédés : 001 (électrocution) Policiers, total décédés : 000 Ces deux tableaux confirment les impressions précédentes : L’étude plus fine, en cours, par wilaya et par nature des lésions accentuerait l’impression d’une utilisation excessive des armes à feu par les fonctionnaires chargés du maintien de l’ordre. Il apparaîtrait que le nombre des civils blessés par balles présente une proportion de morts, variant selon les lieux et les jours, de un sur dix, à un sur trois. Cette proportion, portant sur des blessés civils dépourvus d’armes à feu, paraît effrayante. Elle n’est comparable qu’avec les pertes militaires, lors des combats réputés les plus durs en temps de guerre. Les forces de l’ordre, aux mêmes lieux et moments ne présentent aucun blessé par balles, à fortiori aucun mort par balle. 3. Evaluation de l’importance et de la localisation des blessures. . Elle ne porte donc que sur une partie de l’ensemble des décès répertoriés. Cependant, le nombre des dossiers exploitables (44) par rapport à l’ensemble des décès (51) permet une appréciation significative. Cette évaluation n’a été possible qu’à partir des comptes-rendus de nécropsies exploitables. Analyse des impacts : 44 dossiers exploitables ♥.1 – siège - Tête et cou 17 dont 2 impacts occipitaux - Thorax : 21 incluant 6 impacts dorsaux. - Abdomen : 5 dont un impact postéro inférieur. Les cadavres montrent une prépondérance des impacts sur la tête, le cou et la moitié supérieure du thorax. Il y a beaucoup moins d’impacts abdominaux ou thoraco-abdominaux. La répartition de ces localisations paraît difficilement imputable au hasard statistique. 3.2 – blessures - Les orifices d’entrées sont petits, de l’ordre du centimètre. - Ils sont toujours dans les normes d’aspect et de dimensions des munitions de guerre, arrivant sur la cible avec toute leur stabilité. - Les descriptions dont nous disposons ne permettent pas d’évaluer avec précision la distance de tir, en particulier nous n’avons aucun élément suffisant qui permettrait d’affirmer un tir à « bout touchant ». Cette éventualité n’est jamais mentionnée dans les rapports de nécropsie mis à notre disposition. - Les orifices de sortie sont le plus souvent de l’ordre de plusieurs centimètres. - Ils correspondent à ce que l’on rencontre habituellement dans les blessures par munition de guerre. - Les trajets à l’intérieur des corps montrent, là encore, des lésions malheureusement banales dans ce type de blessures. 3.3 – nature des projectiles L’analyse des comptes-rendus de nécropsie, en excluant trois dossiers inexploitables, révèle que : -3.3.1 – Les plaies décrites portent toujours les stigmates des lésions causées par des projectiles à haute vélocité (supérieure à 800 m/s). Ces blessures, provoquant des dégâts considérables dans certaines configurations de direction d’impact et de nature de la cible (crâne, squelette etc.), ont pu faire évoquer par certains l’utilisation de balles « explosives ». -3.3.2 – N’ayant pu disposer d’aucun échantillon de projectile ou de fragments (exception faite du cas Guermah). Dans ce cas particulier, personne n’a évoqué l’éventualité de l’utilisation de projectiles non réglementaires. Il s’agissait de munitions de guerre, tirées par un AK 47, ni des radiographies des victimes avant l’extraction des agents vulnérants, aucun commentaire ne peut être exprimé à ce propos. Cependant, nous ne pouvons, à partir des éléments à notre disposition, dire si les blessures résultent de projectiles tirés par des fusils classiques ou d’armes de précision, ou de AK 47. Cependant, les débris de projectiles qui ont pu être aperçus sur certaines chaînes de télévision, évoquent – malgré la brièveté des images – la probabilité de fragments de la chemise en laiton des projectiles ordinaires des armes de guerre en usage. D’autres ont soupçonné l’utilisation d’armes de grande précision (fusils à lunette). Ces armes font naturellement partie de l’arsenal des forces spéciales, destinées notamment à la neutralisation des preneurs d’otages. Elles ont pu être observées dans notre pays, en particulier sur les lieux de certains barrages de contrôle. Mais les soupçons exprimés par certains de l’utilisation de ces armes et de leurs munitions spéciales ne peuvent être, à ce jour, ni infirmées ni confirmées. Nous ne disposons en effet d’aucun témoignage précis, ni d’aucun élément de preuve matérielle. 3.4 – des munitions de guerre - 3.4. 1 – Nous ne disposons d’aucun document ou pièce ni rapport d’expertise balistique, exception faite du cas Guermah. Dans ce cas particulier, personne n’a évoqué l’éventualité de l’utilisation de projectiles non réglementaires. Il s’agissait de munitions de guerre, tirées par un AK 47. - 3.4.2 – Nous n’avons pas obtenu les dossiers radiologique ni des morts, ni des blessés par balles ayant survécu. Leur examen serait très important : - Les images des projectiles, examinées sur les radiographies faites au moment de la première consultation hospitalière, seraient peu suspectes de « montage ». - L’analyse de ces images permettrait l’éventuelle identification de différents types de projectiles, ou, au contraire, un modèle unique. - Cette analyse porterait autant sur les fragments de « chemise » que sur le contenu de cette enveloppe. - Nous avons cependant une expertise balistique (Guermah) qui dit que les orifices de sortie des balles AK47 peuvent faire plus de six centimètres de diamètre. - 3.4.3 – Les munitions de guerre réglementaires pour armes légères, type « OTAN » et type « russe » sont bien connues. - Elles ne sont pas discutées quant à leur conformité avec les traités internationaux. - Elles sont cependant construites pour effectuer les délabrements les plus importants possibles. Elles sont construites pour : - Effectuer leur trajectoire avec une vitesse « subsonique », entre 850 et 950 m/s - Une stabilité (et donc précision) maximale jusqu’à atteindre une cible distante de 300 et même 400 mètres. - Pour se déstabiliser au maximum, dès le contact avec elle. – Du fait de cette déstabilisation, les mouvements du projectile, à l’intérieur du corps de la cible, provoquent des cavités d’un diamètre supérieur à 10 fois la longueur du projectile. - Cette cavité est soumise à une pression qui atteint N fois celle de la pression atmosphérique. - La rencontre de tissus denses (os) aggrave les dégâts . Au niveau du crâne, les lésions décrites sont considérables : liquéfaction du cerveau et « éclatement » de la boîte crânienne sont couramment observés. - Le fusil d’assaut AK47 est réputé avoir une bonne précision jusqu’à 100 mètres. - Le fusil « séminov » est réputé avoir une bonne précision jusqu’à 300 mètres, et plus dans de bonnes conditions de réglage et de tir. Ses projectiles peuvent provoquer des lésions mortelles jusqu’à près de mille mètres. - Les balles « modernes » ont été créées pour remplacer les balles « full metal jacket » de la fin du siècle dernier : ces projectiles en effet, restaient stables au cours de leur traversée de la cible. Et, sauf à provoquer une hémorragie foudroyante par déchirure de gros vaisseaux, elles n’entraînaient que « peu » de dégâts… Les blessés pouvaient rapidement redevenir des soldats opérationnels. - Certains auteurs vont jusqu’à dire que les munitions modernes, normalement agréées par les règles internationales, sont très proches, par leurs effets, de ce qui était attendu des balles fabriquées pour se fragmenter au maximum, et dites « explosives ». - 3.4. 5 – Conclusion : 3.4.5.1 – Toutes les blessures que nous avons eu à connaître sur documents nécropsiques sont compatibles avec les effets qui sont observés « normalement » lors des blessures occasionnées par des munitions de guerre. 3.4.5.2 – Nous ne disposons d’aucun élément permettant de pousser plus loin nos conclusions. Conclusion générale: 1. Pendant la période considérée, les blessés par balles l’ont été par des munitions de guerre. 2. Les blessures infligées correspondent à ce que l’on attend de ce type de munition. 3. L’absence de tout document d’expertise (autre que celui de Guermah), d’indice matériel ou d’image radiologique, ne permet – eu aucun cas – de définir avec précision le type exact de l’agent vulnérant. 4. Nous avons une expertise balistique (Guermah) qui affirme que les orifices de sortie des balles AK 47 peuvent avoir un diamètre de plus de six centimètres. 5. Le nombre des morts paraît considérable, par rapport au nombre total des blessés par balles dans les mêmes conditions de lieu et de temps. 6. Les morts ont été le plus souvent immédiates ou très rapides. 7. La plupart des morts ont été touchés dans les parties vitales les plus fragiles, situées dans la partie haute du corps humain (au-dessus du sixième espace intercostal) et qui laissent peu de chances à une thérapeutique, fut-elle pratiquée d’extrême urgence. 8. La grande proportion de ces localisations mortelles paraît difficilement imputable au hasard de la dispersion des projectiles. 9. Moins grande est la proportion des blessés au ventre, la mort survenant alors malgré les efforts thérapeutiques. 10. L’importance des morts civiles par armes à feu resterait considérable s’il s’était agi d’un combat opposant deux belligérants combattant à armes égales. III – Les événements déclenchants: I – Affaire Guermah Massinissa : 1) Le 18 avril 2001 à 18h30 quatre jeunes gens se présentent à la brigade de gendarmerie de Béni-Douala pour y déposer plainte à l’encontre d’un groupe d’autres jeunes gens pour agression et vol à hauteur du lycée situé à 200 m de la Brigade. * Selon un télégramme du 19 avril 2001, envoyé par la brigade de Béni-Douala au chef du groupement de gendarmerie de Tizi-Ouzou, quatre gendarmes se sont déplacés à bord du véhicule des plaignants, et à leur retour, en compagnie de Guermah Massinissa et Merakeb Koceila, sont entrés directement dans la salle d’attente en attendant d’informer le chef de brigade « qui était dans son bureau où il notifiait à la famille Matoub des convocations judiciaires ». Au retour des gendarmes, il devait être 19h, la « famille Matoub » habite à Tizi Hibel, à plusieurs kilomètres de la brigade. Dans la salle d’attente, le gendarme Mestari Merabet actionne, « par inadvertance » son arme, un kalachnikov, dont la sûreté était désactivée, et une rafale de 6 coups est sortie, dont trois devaient aller vers le sol et trois autres toucher un autre gendarme, Benferdi Mounir, et le jeune Guermah Massinissa. L’identité des plaignants ne sera pas relevée sur l’instant, ceux-ci ayant quitté la brigade immédiatement après l’incident. * Dans une lettre du 21 avril 2001 (n° 140/2001) adressée à Monsieur le ministre de l’Intérieur, le commandant de la gendarmerie nationale reprend la version du tir « par imprudence » et d’une « rafale de 6 coups ». A cette lettre, étaient joints un tract du RCD et une « requête » d’un groupe de « citoyens de Béni-Douala » , à Monsieur le commandant du groupement de wilaya de gendarmerie de Tizi-Ouzou. Le tract du RCD demande « un rappel à l’ordre des darkis qui ..; se défoulent sur nos jeunes et les exemples sont nombreux », et « l’installation d’une sûreté de daïra, car Béni-Douala n’est plus un petit bourg des années 70, mais un lieu de vie pour 35.000 personnes qui méritent d’être encadrées civilement ». L’appel du « groupe de citoyens » dénonce, notamment, « les actes irresponsables de certains darkis… », « la légèreté avec laquelle ces mêmes éléments font usage de leurs armes », « les bastonnades… dont nos jeunes font l’objet », et demande, entre autres, « d’interdire les brutalités envers les citoyens de tous âges et de n’appliquer que la loi, toute la loi à tout contrevenant », « de moraliser les actions de l’ensemble des éléments… ». Ils ajoutent que « un darki a exigé sous la menace de son arme du personnel médical de la polyclinique d’abandonner les soins prodigués au jeune , victime de la rafale et d’une hémorragie, pour s’occuper de son collègue, touché au talon et jouissant de toutes ses facultés ». *Le lieutenant-colonel Hellal, auteur d’un rapport du 3 mai 2001, reprend la version de l’accident par imprudence et déclare que, dans l’attente du chef de brigade qui se trouvait dans son bureau, le darki Mestari Merabet « alors qu’il tenait de sa main droite son arme non sécurisée et armée balle au canon alors qu’il l’ignorait, a soudain pressé sur la détente et une rafale s’est déchargée et a atteint Guermah Massinissa, qui était assis, et le darki auxiliaire Benferdi Mounir… ». Le gendarme Mestari Merabet persiste à déclarer « qu’il a appuyé sans (se) rendre compte sur la détente d’où une rafale de 6 balles… ». Devant le juge d’instruction militaire de Blida, le gendarme Mestari Merabet déclare s’être rendu, lui et ses collègues, à bord du véhicule des plaignants, au motif qu’il leur était interdit de se déplacer à bord du véhicule de la brigade en dehors des heures de service. Interrogé, le commandant régional de Tizi-Ouzou répond par écrit qu’il n’y avait aucune instruction quant à l’interdiction d’utiliser le véhicule de la brigade en dehors de certaines heures, et que le chef de brigade a ordonné aux gendarmes de se déplacer à pied, compte tenu de la proximité des lieux. * Les conditions de l’interpellation ne sont pas élucidées. Alors que le rapport du lieutenant colonel Hellal du 3 mai 2001 déclare qu’à la vue des gendarmes le groupe (des agresseurs) s’était « dispersé et fui vers la forêt », et que les éléments de la brigade n’ont pu en arrêter qu’un seul, qui a été conduit vers la brigade à pied, tandis que les autres éléments ont appréhendé un second garçon qui a été conduit à la brigade à bord d’un véhicule. Le père de Guermah Massinissa, Guermah Khaled, déclare que son fils était à la maison en train de réviser ses cours lorsqu’il est descendu dans la rue après avoir entendu du vacarme, et qu’il a été arrêté par les gendarmes qui passaient. Le jeune Merakeb Koceïla déclare avoir été battu par le gendarme Benferdi Mounir, qui aurait réservé le même traitement à Guermah Massinissa. Merakeb Koceïla est le seul à avoir parlé de 2 rafales, ce qui sera confirmé par l’expertise balistique. Toujours devant le juge d’instruction militaire, le gendarme Mestari Merabet déclare avoir appuyé sur la détente « sans se rendre compte », et qu’il tenait de sa main droite son arme non sécurisée et armée, balle au canon, « alors qu’il l’ignorait ». Toujours devant le juge d’instruction militaire, le gendarme Mourad Fouad déclare que « le pistolet-mitrailleur du gendarme Mestari Merabet a glissé de son épaule et au moment où il tentait de le récupérer, il a appuyé sur la détente, d’où la rafale… ». Le gendarme Merzoug Y oucef déclare n’avoir pas vu l’arme glisser de l’épaule du gendarme Mestari Merabet. Le gendarme Rouabah Rabah non plus n’a pas vu « le mouvement de chute de l’arme ». Mestari lui-même ne donne pas cette version. C’est seulement le 20 juin 2001 devant les experts en balistique que le gendarme Mestari fait sienne la version de la chute de l’arme : « Mon arme était accrochée à mon épaule droite et la bouche du canon était pointée vers le sol. En conduisant la victime vers le banc qui se trouve en face de l’entrée de la salle, subitement l’arme s’était glissée (sic) de mon épaule. Lorsque j’ai voulu la réajuster une rafale de 6 cartouches s’était déclenchée dont 3 ont occasionné des blessures sur mon collègue qui se trouvait à la droite ..; et les 3 autres sur la victime qui était à ma gauche ». * Mais d’après les experts, il y a eu 2 rafales. On lit ainsi en page 3 du rapport, et au paragraphe : « C. reconstitution de la scène du crime » : « En résumé, il résulte de cette reconstitution que le prévenu et la victime faisaient face au comptoir. L’arme, accrochée à son épaule droite, s’était glissée (sic) au moment où il conduisait la victime vers le banc de la salle de permanence : une rafale de 3 cartouches avait été tirée, causant 3 impacts sur le sol et blessant ainsi le gendarme qui se trouvait à proximité du comptoir. Surpris par le recul de la culasse et voulant maîtriser son arme, le prévenu avait, par inadvertance, dévié l’arme de sa direction vers la gauche, ce qui avait déclenché une seconde rafale de 3 cartouches, causant les blessures à la victime au niveau des membres inférieurs ». Pour vérifier l’état de fonctionnement de l’arme, les experts ont procédé à un tir d’essai de plusieurs cartouches. Ils déclarent (p.5 du rapport) : « aucun incident de tir n’a été enregistré ». En « conclusion », ils déclarent, entre autres (p.6) : 6. Si on n’actionne pas la détente, l’arme incriminée ne provoque aucun tir lorsqu’elle tombe de l’épaule. 7. La chute de l’arme sur le sol ne peut déclencher la détente et engendrer les tirs ». * Il résulte ainsi de cette conclusion que la chute de l’arme n’est pas la cause des tirs, qu’il a fallu, par deux fois, actionner la détente pour faire partir d’abord 3 balles, puis 3 autres. Il faut un hasard singulier pour que, par deux fois et dans un mouvement de chute incontrôlé, le doigt du gendarme se pose sur la détente et appuie involontairement. On peut, semble-il, expliquer la seconde rafale par le doigt resté crispé sur la détente après la première rafale, mais les experts n’envisagent pas cette hypothèse qui est sans doute hors de leurs attributions. * Indépendamment de ces supputations, des conditions de l’interpellation des deux jeunes gens qui restent non élucidées, de la question de savoir si le tir a été volontaire ou non, ce qui sera déterminé par la juridiction de jugement, il reste la gravité même du comportement du gendarme, qui garde à l’intérieur de la brigade, et face à plusieurs personnes, le cran de sûreté levé, et balle au canon. Se peut-il qu’un gendarme « ignora » que son arme était non sécurisée et armée ? On peut à tout le moins parler de ce que les juristes appellent en droit civil, la « faute lourde équipollente au dol » , qui assimile alors l’acte involontaire à l’acte volontaire. * Trois membres de la Commission ont assisté à la procédure judiciaire complémentaire de reconstitution des faits dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Béni-Douala en date du 1er juillet 2001. Cette reconstitution n’a pas apporté d’élément nouveau significatif sinon que les déclarations du gendarme Mestari et celles de son collègue Benferdi Mounir se rejoignent sur l’idée de l’arme qui glisse de l’épaule de Mestari avant le déclenchement du tir de six balles en deux rafales de trois balles chacune. Ces déclarations faites le 1er juillet 2001 sont en contradiction avec certaines de leurs déclarations consignées antérieurement. Il reste que les explications apportées tant par le prévenu que par le témoin Benferdi et même les conclusions des services de la police scientifique s’agissant de la trajectoire des tirs, ne concordent pas et ne sont pas satisfaisantes. En prenant en considération le fait que l’arme n’a pas présenté de défection mécanique lors de son examen par les experts en balistique, et la conclusion de ces derniers, il est possible de déclarer que le tir n’a pas été provoqué par la chute de l’arme, mais par une pression sur la détente de Mestari, dans des conditions qui n’ont pas encore été élucidées de façon satisfaisante par l’information judiciaire en cours. * Le témoignage de Merakeb Koceila eut été capital dans la mesure où ses déclarations font état de brutalités exercées sur sa personne et sur celle de Guermah Massinissa. Malheureusement les services de gendarmerie affirment avoir été dans l’impossibilité d’acheminer sa convocation à assister à la reconstitution. * Lors de celle-ci, les membres de la Commission ont eu à constater la présence, en nombre, de gendarmes confinés dans des locaux et dans des conditions d’hygiène déplorables, avec l’absence complète de contact avec l’environnement immédiat. Cette situation risque d’entraîner des conséquences néfastes sur le moral des éléments, et des comportements de nature à amener à une nouvelle confrontation avec les jeunes de la région. Le rapport d’autopsie et l’examen de ce rapport indiquent que les balles sont parties de haut en bas. Alors qu’une arme du type de celle que détenait le gendarme Mestari, qui échappe au contrôle de son détenteur, a plutôt tendance à bondir de bas en haut… Le rapport d’autopsie relève que les balles qui ont atteint la victime décrivent une trajectoire oblique de la droite vers la gauche et du haut vers le bas. C’est une trajectoire contraire au mouvement de l’arme : le FA Kalachnikov est une arme d’assaut dont l’angle d’incidence important l’entraîne naturellement du bas vers le haut. Le mouvement contraire observé par le médecin légiste n’est pas convaincant. 2. – le jeune Guermah Massinissa est décédé le 20 avril 2001 à l’hôpital Mustapha des suites de ses blessures. Dans un rapport du lendemain 21 avril 2001 (n° 140/2001) adressé par le commandement de la gendarmerie nationale à Monsieur le ministre de l’Intérieur, il est signalé « un mouvement de mécontentement et d’indignation … au sein de la population de Béni-Douala, se traduisant par l’envoi d’une requête au commandant du groupement de la wilaya de Tizi-Ouzou… ». Le rapport croit devoir ajouter que les habitants du village de Béni-Douala sont de tendance FFS et ont de tout temps « manifesté une hostilité envers le Pouvoir et les services de sécurité, et particulièrement la gendarmerie nationale ». Voilà donc l’explication : le décès du jeune Guermah est imputable à l’hostilité de Béni-Douala au Pouvoir et à ses sympathies FFS ! Mais on relève dans les « documents additifs » transmis par le ministère de l’Intérieur, une résolution de l’APW de Tizi-Ouzou du 30 avril 2001 et transmise directement au ministre de l’Intérieur. Cette résolution rappelle l’appel lancé le 22 avril 2001 par lequel l’APW attirait l’attention des autorités sur les dépassements des brigades de gendarmerie. - Dans un « rapport additif » du 24 avril 2001 (n°145/2001), le même commandement de la gendarmerie porte à la connaissance du ministre de l’Intérieur « l’évolution de la situation à travers la circonscription de la commune de Béni-Douala ». Il signale que dès le 21 avril à 8h30 des manifestants ont contraint les directeurs des établissements scolaires et les commerçants à cesser toute activité. A 9 h, une foule « estimée à environ 300 personnes » s’est rassemblée devant le siège de la brigade locale, lançant des projectiles et scandant des slogans hostiles au pouvoir. Cette même foule, à laquelle se sont joints d’autres personnes, s’est scindée en deux groupes; le premier s’est introduit à l’intérieur de la cour de la brigade où il a mis le feu à des pneus usagés apportés à cet effet, « pour ensuite incendier l’emblème national » et tenter d’investir les locaux administratifs après avoir détruit le mur d’enceinte de l’unité et arraché le portail de l’entrée secondaire. Les gendarmes ont fait usage de bombes lacrymogènes. Le second groupe s’est dirigé vers le siège du détachement de la garde communale, mitoyen de la brigade, d’où il a été repoussé par des tirs de sommation. La foule fut dispersée par l’intervention des unités du GIR 12 de Tizi-Ouzou dépêchées sur les lieux. * En prévision de l’enterrement du défunt Guermah Massinissa, prévu pour le 23 avril 2001, deux escadrons d’intervention du GIR de Tizi Ouzou ont été acheminés et positionnés à Béni-Douala, un escadron d’intervention renforcé d’une section du GIR de Réghaïa fut prépositionné à Tizi-Ouzou. Trois escadrons d’intervention relevant des GIR de Bouira, Chéraga et Zéralda ont été mis en état d’alerte. *Le 22 avril 2001 à 19h45, la dépouille mortelle de Guermah Massinissa arrive au domicile mortuaire, sis à Tizi Hibel, commune de Aït Mahmoud, daïra de Béni-Douala. *Le 23 avril 2001 à 11h30, 300 personnes, toujours selon les chiffres du rapport additif, se sont rassemblées devant le siège de la brigade locale de Béni-Douala et ont lancé des pierres en direction l’édifice. Cet attroupement a été dispersé par les gendarmes. A 13 h, le défunt est inhumé au cimetière de Tizi-Hibel et une foule estimée à 4000 personnes assiste aux obsèques. A l’issue des funérailles, le père de la victime « a invité l’assistance à observer le calme et à laisser la justice suivre normalement son cours ». Toutefois, selon le même rapport, 500 personnes environ se sont dirigées vers Béni-Douala, distante de 7 km, dans l’intention d’organiser une marche. Quatre cents manifestants se seraient livrés par intermittence à des jets de pierres en direction des membres des forces de l’ordre et tenté d’investir et de détruire la porte principale de la Recette des postes et télécommunications. Ils ont été refoulés. Ces mêmes manifestants ont tenté de s’introduire à l’intérieur du siège du détachement local de la garde communale, laquelle aurait tiré des coups de feu en l’air. Les unités d’intervention sont intervenues pour rétablir l’ordre. Le même jour, 23 avril 2001, aux environs de 16h, des manifestants se sont introduits à l’intérieur du siège de la recette des contributions diverses où après avoir fait sortir le mobilier et les documents, y ont mis le feu et se sont dispersés aux environs de 20 heures. Le rapport précise que les suites judiciaires concernant le gendarme Mestari Merabet, de la brigade de Béni-Douala et auteur d’un homicide, que le rapport qualifie d’involontaire, sur la personne du nommé Guermah Massinissa, seront rendues publique par voie de presse. Ainsi donc, et malgré ce qu’on a pu déclarer ici et là sur le « calme relatif » qui aurait régné après l’accident du 18 avril, les mouvements de foule ont commencé dès le 20 avril 2001, jour du décès du jeune Guermah et les autorités alertées. 3. – Affaire de Oued Amizour : Le dimanche 22 avril 2001, à 10h30 trois collégiens de Oued Amizour, faisant partie d’un groupe conduit par leur moniteur de sport, sont interpellés et conduits à la brigade de gendarmerie locale, motif pris d’outrage à l’encontre des gendarmes de la brigade. Ceci devait entraîner, dès 14 h, des manifestations accompagnées de jets de pierres devant la brigade, la sûreté de daïra, le siège de l’APC et la daïra. Les manifestants mirent le feu au véhicule appartenant au sergent chef Sersoub, auteur de l’interpellation des 3 collégiens. Le même jour à 15 heures, le wali de Béjaïa, accompagné des membres de la Commission de sécurité de wilaya, s’est rendu sur les lieux, mais ne semble pas avoir calmé les esprits. Dans un rapport du 23 avril 2001 (n°142/2001) adressé par le commandement de la gendarmerie nationale au ministre de l’Intérieur, on relève que vers 19h30, la foule a mis le feu à des bureaux du siège de la daïra; qu’à 21h45 et, après avoir été dispersée, elle se réunit une 2e fois pour se rendre au siège de la daïra où elle a incendié un véhicule appartenant à cette administration, qui était à l’intérieur de la cour. Toujours le même jour, à 23h45 et d’après le même rapport du 23.4.2001, un tract « à caractère tendancieux », émanant du bureau local du FFS a été placardé sur les lieux. Le 23 avril 2001 une foule nombreuse effectue une marche au centre-ville, en direction de l’APC, lançant au passage des projectiles en direction des sièges de la brigade de gendarmerie et de la sûreté de daïra; On apprend d’après le même rapport, qu’indépendamment du dispositif déjà mis en place, des renforts constitués de deux escadrons d’intervention de Jijel et Bordj Bou-Arréridj ont pris position respectivement à Souk El Thenine et Sidi Aïch. Une commission d’enquête est annoncée par ce rapport. Le tract du FFS, joint à ce rapport, décrit autrement les incidents. Il indique que les trois collégiens ont été enlevés en plein cours par la gendarmerie, que l’enseignant devant qui ces faits ont eu lieu, a subi une pluie d’injures et de menaces avec des klachs. Que les collégiens ont été séquestrés et passés à tabac dans l’enceinte de la brigade. Le tract, daté du 22 avril 2001 parle « d’une opération planifiée » pour faire basculer la région « dans une spirale de violence ». Il parle de l’impunité qui a « ouvert la voie aux atteintes systématiques aux droits de l’homme, aux libertés démocratiques et à la liberté d’expression ». La section locale du FFS prévient et dénonce « ce plan diabolique concocté dans les laboratoires », et appelle la population » à demeurer vigilante, à ne pas répondre à la provocation et à déjouer tous les complots d’où qu’ils viennent ». Il est significatif de mesurer la distance qui sépare le rapport de la gendarmerie et le texte du FFS. Alors que dans le premier, le sergent Sersoub Mouloud n’a interpellé les trois collégiens qu’à l’effet « d’aviser leurs parents sur leur comportement pour ensuite les relâcher ». Dans le tract du FFS, d’une demi-page, il est fait successivement mention d’une « opération planifiée », d’un « plan diabolique » et de « complots ».
Posted on: Thu, 13 Jun 2013 23:55:14 +0000

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