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- Il y a quelque chose de pourri au royaume du franco-allemand. Voilà ce que se disait German Avenger chaque matin, depuis plusieurs années. Car cela faisait bien vingt ans que cette enseignante avait perdu son poste fixe, et que plus personne, parmi les élèves de France et de Navarre, ne semblait s’intéresser à la langue de Goethe, alors que paradoxalement, les fameuses actions communes des « pays partenaires » semblaient au beau fixe. Pas une semaine sans que les médias ne reviennent sur la vitalité du fait franco-allemand, sans que l’on ne s’interroge sur l’avenir radieux de la chaîne, de la brigade, des chiasmes culturels multiples du franco-allemand. German Avenger, elle, comme tous ses collègues, sauf peut-être ceux de la région voisine et cousine de l’Est, et de la bienheureuse académie de Versailles où il semblait encore de bon ton d’apprendre le teuton, avait tout essayé : les réunions d’informations, celles où elle s’égosillait sur les vertus du datif devant un parterre de parents esseulés dont les rejetons, de toute manière, ne rêvaient que de chinois ou d’arabe ; les voyages scolaires, de plus en plus difficiles à organiser, puisqu’elle changeait d’établissement chaque année, voire même enseignait simultanément dans plusieurs écoles, ce qui rendait difficile, vous en conviendrez, un échange pérenne avec quelque bourgade outre-rhénane…Elle s’investissait aussi dans la « semaine franco-allemande », où, fièrement, les deux pays proclamaient à la face des germanistes et francophones leur amour mutuel et passionné lors de talentueuses démonstrations d’amitiés, elles aussi hélas cantonnées à un rôle de prête-nom, puisque dans ces festivités régnait ce que German Avenger nommait « Les Français parlent aux Français », étant donné que ces belles journées n’étaient fréquentées que par un public déjà convaincu… Bref, ce matin-là, German Avenger décida qu’il était grand temps d’agir. Ouvrant son placard, elle farfouilla parmi de vielles robes achetées à la Camif, en un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, et finit par retrouver le « Dirndl » de sa jeunesse. Fébrilement, elle enfila la blouse blanche bouffante, puis laça les petits liens noirs du corsage et, ma foi, trouva qu’elle était encore fort bien lotie malgré sa cinquantaine naissante. Elle natta ensuite ses cheveux, y piqua quelques fleurs, enfila ses bas et ses bottes, avant de se raviser et de mettre ses Birkenstock ; car si Madonna ne les quittait plus, elle se devait d’utiliser elle aussi cet argument imparable. Voilà. Elle était prête. Afin de parfaire son personnage, elle se mit à fredonner le générique de Wonder Woman, puis décida qu’il serait mieux de trouver une mélodie plus appropriée. Elle hésita entre l’Hymne à la joie et Lili Marleen, puis se décida pour la chanson, une certaine mélancolie aidant.
Posted on: Fri, 02 Aug 2013 18:12:56 +0000

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