Entre embarras et propagandes Nul ne sait ce qu’il adviendra - TopicsExpress



          

Entre embarras et propagandes Nul ne sait ce qu’il adviendra finalement en Syrie, et si une réponse sera apportée aux abjections chimiques dont le régime mais aussi les rebelles sont suspectés. Une chose est sûre, ces quatre derniers jours, nous aurons vécu un événement sans précédent : le désastre politico-militaire se trouve avéré, avant même d’avoir commencé. Je bornerai mon propos à quelques observations toutes simples. La première concerne le fossé qui, une fois encore, s’est élargi entre ce que pensent les peuples (en Amérique comme en Europe) et ce que martèlent les médias. Au Royaume-Uni, l’humiliation de David Cameron, éconduit par une Chambre des communes défiante à l’endroit d’une entrée en guerre précipitée, en est un bon exemple. En France, dès qu’il fut question - prématurément - d’une intervention militaire, nous avons vu revenir sur la scène médiatique les sempiternels intellectuels et éditorialistes va-t-en-guerre. Le plus cocasse fut l’intervention de BHL, qui, au « Grand Journal » de Canal+, se montra plus sermonneur et vaniteux que jamais. Pendant deux jours, le ton utilisé par l’appareil médiatique fut celui d’une mise en condition de l’opinion : évocation biaisée de certains sondages, dénigrement des prétendus « munichois », choix du registre de l’émotion, etc. Tout paraissait fait pour la convaincre que les armes allaient parler. Comme en 2003 pour l’Irak ; comme en 2011 pour la Libye. Mêmes mots, mêmes rhétoriques, même souci de se pousser du col en invitant le pouvoir à « agir sans tarder ». Les voix discordantes furent rares : outre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, je pense à Hubert Védrine, François Bayrou, Dominique de Villepin, François Fillon et quelques autres dont je salue l’indépendance. La deuxième observation est plus politique. J’ai éprouvé une vraie honte en voyant nos gouvernants contraints d’obéir au doigt et à l’œil aux revirements des Américains. D’abord prêts à la guerre, puis prenant précipitamment leurs distances. La volte-face obligée de François Hollande était humiliante. Il est vrai que, dès le début, les circonstances l’avaient amené à utiliser d’étranges concepts, en parlant notamment de la « punition » qu’il fallait infliger à Bachar al-Assad, sans pour autant renverser le régime. Quand on fait la guerre sans autre objectif que de « punir » un dirigeant, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Troisième observation : ces tergiversations ont souligné l’affaiblissement militaire du monde occidental, dès lors qu’il s’agit d’affronter une véritable armée et non - comme ce fut le cas au Mali - des groupes de djihadistes motorisés. Mieux encore : la crainte d’un revers militaire fut cette fois quasiment avouée, y compris chez les Américains. D’où ce choix stratégique « minimal » des tirs de missile de croisière, choix qui permet aux Occidentaux de se tenir à bonne distance des défenses syriennes. Quant au reste… Depuis maintenant douze années, les diverses interventions militaires occidentales se sont soldées (sauf au Mali) par des échecs : Afghanistan, Irak, Libye. On comprend les hésitations d’Obama. Quand je parle d’échecs, je me réfère à un raisonnement élémentaire : la situation dans laquelle on a laissé ces pays est-elle meilleure ou pire ? C’est ainsi, je crois, qu’il faut juger. Parler d’échec dans ces trois pays ne signifie donc pas qu’on regrette les tyrans éliminés : Saddam Hussein, Ben Laden, Kadhafi. Cela ne veut pas dire non plus qu’on leur cherche rétrospectivement la moindre excuse. En Syrie, c’est bien une sorte de gang familial et tribal qui est au pouvoir. Ces gens sont capables de tout, y compris de massacres chimiques. Mais si leur éviction aboutit à un bain de sang encore plus tragique et à une victoire durable des islamistes, l’intervention armée apparaît comme une catastrophe. Les peuples, une fois encore, ont mieux « senti » tout cela que leurs dirigeants. C’est la seule bonne nouvelle de la semaine. Jean-Claude Guillebaud (Sud-ouest)
Posted on: Sun, 01 Sep 2013 14:33:55 +0000

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