La fonction de Gouverneur, de 1956 à 1970 Beaucoup de gens se - TopicsExpress



          

La fonction de Gouverneur, de 1956 à 1970 Beaucoup de gens se posent la question de savoir en quoi consiste réellement la fonction de gouverneur au Maroc. Or il s’avère difficile d’y répondre correctement, tant la fonction englobe plusieurs domaines et touche un peu à tout dans la vie des populations. Sans oublier qu’avec le temps elle n’est pas demeurée statique et qu’elle a évolué avec l’évolution politique, économique et sociale du pays. Représentant du pouvoir central, auréolé du prestige que lui confère sa nomination par le Souverain, le Gouverneur apparaît aux yeux de ces concitoyens comme le principal représentant du Makhzen à la tête de la province ou de la préfecture.. L’uniforme d’apparat, le protocole, la résidence, l’autorité, l’installation publique et solennelle, la disposition de crédits font le reste. Incontestablement le gouverneur est la première autorité de la province. C’est sur lui que s’appuie le pouvoir pour concevoir et exécuter à l’échelon local ses plans de développement et ses missions politiques. De ce fait, sa position lui confère une place de choix sur l’échiquier politique du pays et fait de lui un personnage quasi incontournable. Le Gouverneur a tendance à jouer un rôle de plus en plus important dans la vie des citoyens. Agent d’autorité, responsable de l’ordre et de la quiétude de ses concitoyens, le Gouverneur exerce plusieurs prérogatives et compétences : Celles qui lui sont attribuées par le Souverain en sa qualité d’Amir Al Mouminine et de garant des libertés individuelles et collectives, celles que lui confère sa qualité de représentant du Gouvernement ainsi que celles que lui octroient la Constitution, les lois et les règlements. Mais c’est surtout sa mission dans les domaines de l’animation, de l’encadrement et de l’action économique, sociale et politique qui lui attribue une dimension à la hauteur des problèmes auxquels il est confronté. Ainsi, le gouverneur préside les cérémonies religieuses en sa qualité de représentant d’Amir El Mouminine, commandeur des croyants, notamment à l’occasion des fêtes religieuses. Il veille à la sécurité du pays et à la quiétude des citoyens. Il représente l’Etat au niveau de son commandement. Il anime l’action du gouvernement dont il exécute la politique. Il assure la tutelle de l’Etat sur les collectivités locales de la préfecture ou de la province, veille au respect des lois et des règlements. Il est le supérieur hiérarchique de l’ensemble du personnels des administrations publiques de la province en dehors de la justice, indépendante de l’exécutif, et des Forces Armées Royales qui échappent à son autorité, même si elles sont tenues de lui assurer la collaboration requise dans le cadre d’instructions précises de l’Etat major. Dans le domaine de l’animation, de l’encadrement et du jeu politique, le Gouverneur agit selon ses méthodes, son expérience et son pouvoir personnel de persuasion et de communication. Bien que la conception de cette fonction au Maroc s’inspire du système français qui accorde presque les mêmes prérogatives aux préfets, le législateur marocain a défini les attributions dévolues au gouverneur. C’est ainsi qu’il est intervenu, une année après l’indépendance, pour fixer le statut des Gouverneurs par le dahir-loi du 2O mars 1956. Un autre dahir N°1-56-O47 publié au B.O. du 6 avril 1956, en arabe, fixait quant à lui, le statut des caïds et des autres agents d’autorité. Il fallait absolument asseoir l’autorité administrative sur des textes pris par le Souverain sous forme de dahir, en tant qu’unique législateur à l’époque, du pays. Le texte initial relatif au statut des Gouverneurs comprenait huit articles. Le premier instituait la fonction de Gouverneur. Le second fixait sa qualité de représentant du pouvoir exécutif, de supérieur hiérarchique des caïds et agents d’autorité, de tuteur des collectivités locales et de coordonateur des services publics provinciaux. Le troisième article définissait le cadre des nominations, des révocations, des suspensions, des mutations, etc. Le quatrième indiquait les conditions de détachement et de mise à la retraite. Le cinquième spécifiait la méthode de promotion, le sixième les grades et la rétribution indiciaire, le septième lui octroyait un chef de cabinet et deux secrétaires qu’il pouvait faire nommer par le Ministre de l’Intérieur et le huitième enfin, déterminait la date de mise en exécution dudit dahir fixée au 7 décembre 1955. Quant à la fonction de caïd, chef de tribu, qui remonte à plusieurs siècles, elle a été organisée par la loi chérifienne sous forme de statut comprenant dix articles. Ce statut faisait du caïd, le représentant du pouvoir exécutif dans sa circonscription, chargé du maintien de l’ordre public, de la sécurité et de la quiétude de ses administrés ainsi que de la coordination des services locaux extérieurs à l’image du Gouverneur dont il relève pour sa carrière. Fait important, le caïd qui était rétribué au temps du Protectorat au moyen d’un pourcentage prélevé sur l’impôt agricole du tertib, percevra désormais un salaire fonctionnel depuis l’institution de son statut de fonctionnaire d’autorité. A la lecture de ces deux textes anodins, il ressort que le pouvoir voulait combler un vide après le départ des contrôleurs civils et des officiers des Affaires indigènes qui étaient les véritables agents d’autorité du Protectorat. Et comme le pays ne disposait pas de cadres formés spécialement pour administrer les provinces et les circonscriptions urbaines et rurales, et qu’il fallait recruter des hommes politiques, à défaut d’autres profils, le législateur a pris ces textes comme ébauche d’une réglementation légère de la fonction d’autorité qu’il avait voulue révocable à loisir et sans l’entourer de garantie aucune. C’était beaucoup plus un cadre de travail, qu’un statut. Les textes limitaient les fonctions, les prérogatives, les pouvoirs, les compétences territoriales, les salaires, les classements indiciaires. Ils offraient certains avantages dus à la fonction d’autorité. C’était ce qu’il fallait à l’époque pour éviter des débordements, des dépassements, des abus d’autorité de la part d’hommes politiques et d’anciens membres de l’armée de libération et de la résistance aux méthodes autoritaires. Sept ans après, en I963, alors que l’exercice du pouvoir avait donné cours à d’inquiétantes dérives de la part de certains agents d’autorité, il fallait doter la fonction d’un statut beaucoup plus élaboré. Par dahir du Ier mars 1963, publié au B.O. du 15 mars 1965, portant statut particulier des administrateurs du ministère de l’Intérieur, scellé du Grand Sceau de S.M. Hassan II, le Maroc se dotait d’un texte basé sur le dahir du 24 février I958 portant statut général de la fonction publique, sur le dahir du 2O mars I956 fixant le statut des gouverneurs et des caïds, et surtout l’article 110 de la constitution du 7 décembre 1962. Ce texte de 48 articles constituait la base juridique sur laquelle allait reposer dorénavant l’édifice de l’autorité au Maroc. Le paragraphe premier du texte définit les règles d’accession à la fonction de Gouverneur et de caïd, les modalités de nomination, la création d’un cadre statutaire et sa définition. Le paragraphe deux détermine les avantages de la fonction, le recrutement et ses modalités, l’avancement et le régime indemnitaire. Le paragraphe trois précise les obligations imposées aux agents d’autorité, la réserve, la non-affiliation à un parti politique ou à un syndicat. Le paragraphe quatre définit enfin les garanties disciplinaires. A la lecture de ce texte j’avais alors pu avoir une idée précise de ce qu’était ma nouvelle fonction, tout au moins sur les plans formels et juridiques. L’exercice du pouvoir devait me donner par la suite les dimensions politique, sociale, économique et culturelle d’une fonction à plusieurs facettes. S’il est certain que le texte, malgré ses précisions, ne pouvait être qu’un cadre de travail, il n’en demeure pas moins qu’il constituait pour moi un livre de chevet et de référence destiné à me placer dans le cadre de la légalité. Au cours de mes déplacements dans les commandements, je l’avais toujours sur moi pour m’y référer, pour le commenter aux agents d’autorité. Comme le texte était relativement récent, certains agents d’autorité, particulièrement ceux issus des milieux politiques, n’en faisaient pas cas du tout ou l’ignoraient complètement. Ma première mission fut de leur commenter ce texte, de leur en remettre des copies, d’organiser par la suite des rencontres périodiques au niveau des cercles pour des journées d’études sur l’exercice de la fonction. Il fallait absolument parvenir à administrer la province dans le respect des textes, ce qui était à la fois nouveau et difficile à obtenir. Je savais, en pénétrant dans le temple de l’Intérieur, que ma formation de magistrat allait perturber les habitudes, qu’elle allait déranger, qu’elle allait susciter la méfiance, mais je ne pouvais ignorer la réglementation dans laquelle j’avais été formé. La justice est une des plus belles écoles de la vie. Tout, dans la fonction de magistrat, est basé sur les textes et rien en dehors des textes. Mais c’était une fonction différente. La législation ne réglementait pas le pouvoir administratif. La jurisprudence en la matière était embryonnaire, presque inexistante. De toute façon les affaires de l’Intérieur, quand elles étaient urgentes, ne pouvaient pas attendre. Il fallait se débrouiller, faire preuve d’imagination et d’ingéniosité pour se sortir de situations souvent compliquées, sans transgresser la loi. C’était une gymnastique qu’il fallait faire admettre et faire-entrer dans les mœurs absolutistes de l’autorité. L’Ecole de perfectionnement des cadres du Ministère de l’Intérieur créée par décret du 27 septembre 1965(28), avait justement pour mission de décortiquer l’exercice de l’autorité et d’en inculquer aux jeunes lauréats les principes fondamentaux. De plus, le Premier Ministre avait, par circulaire publiée au Bulletin Officiel du 6 mars I964, défini et largement commenté ce que pouvait être alors la mission des Gouverneurs. D’après ce document, elle consistait essentiellement en l’application des lois et règlements et en le maintien de l’ordre public. La circulaire définissait en outre les rapports hiérarchiques des gouverneurs avec les ministres, ceux des autorités administratives avec les assemblées provinciales et préfectorales ainsi que la coordination des activités des services extérieurs. Avec un document si explicite, le terrain était balisé. Il fallait tout simplement en prendre connaissance, en assurer une large diffusion auprès des autorités et des élus, et veiller à son application. De temps à autre, je reprenais un ou plusieurs termes pour en développer la signification quand surgissaient des problèmes locaux qui n’avaient pu être prévus par le texte général à compétence nationale. En moi-même surgissaient les réflexes du juge qui traitait les affaires au cas par cas, tout en tenant compte de la jurisprudence. C’était de cette façon que j’avais abordé ma nouvelle fonction. Je ne savais pas si elle était bonne ou mauvaise, mais c’était ainsi. Parallèlement à mon travail, je suivais les informations nationales à travers les ondes et la presse pour m’informer de l’évolution de la situation et capter à travers les discours, les activités royales et ministérielles, les nouvelles orientations. Depuis ma nomination, personne ne m’avait contacté pour me dire comment agir ou m’indiquer ce que je devais faire ou ne pas faire. Peut-être s’imaginait-on que j’avais acquis de par mes anciennes fonctions suffisamment d’expérience pour naviguer seul. Chacun était pris par son travail et nul n’avait le temps de me faire un briefing. Pourtant, c’était pour moi une fonction nouvelle, une fonction importante, une haute fonction d’administration et de sécurité. A mon sens, la lecture des textes législatifs, réglementaires, des circulaires et des rapports politiques, économiques et sociaux, ne suffisait pas pour se faire une idée réelle de la dimension de cette fonction. Heureusement que le secrétaire général de la Province était là avec son équipe pour me guider dans mes premiers pas, car il avait une longue expérience de l’administration. Par Mohamed BOUFOUS, ancien gouverneur de province Extrait de mon ouvrage intitulé « Au service de l’Etat », édité aux éditions MARSAM de Rabat, dépôt légal 2009/1064
Posted on: Sun, 17 Nov 2013 12:12:15 +0000

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