Message à la jeunesse guadeloupéenne Par Sonny Rupaire (27 - TopicsExpress



          

Message à la jeunesse guadeloupéenne Par Sonny Rupaire (27 janvier 1966) Camarades, jeunes, Ce message ne se veut pas de paix, il se réclame de combat. Il ne sera ni bavardage sentimental, ni métaphysique, ni recueil de recettes révolutionnaires, mais surtout ensemble de vérités reçues au cœur même de l’exil, vécues au milieu d’un peuple en quotidienne lutte. La révolution n’est pas seulement conception théorique, c’est affaire matérielle, c’est chose pratique et c’est encore une morale. Vouloir dépecer, sélectionner ou schématiser une révolution, tendre à créer des catégories de révolutionnaires spécialisées chacune dans son domaine, l’une conceptuelle ou cérébrale (théoriciens ou cerveaux), une autre agissante (militaire et paramilitaire), aboutit à la sclérose. Celui qui considère la pratique révolutionnaire comme apanage d’une caste nie toute loi de progrès et n’est en vérité qu’un apprenti dictateur. De même que, pris séparément des os, du sang, des nerfs ne seront jamais un homme, de même sélectionnées, théorie, pratique et morale ne pourront donner la révolution. Ce n’est pas tant de l’union de tous ces éléments que sortira le TOUT Révolutionnaire que de leur fusion véritable. Faire la Révolution n’est pas un don. Il n’y a pas de Messie. Et celui qui se prétend né sous le signe des élus est simple démagogue ou fou dangereux. On devient révolutionnaire au contact d’une réalité sociale, économique, culturelle et psychologique, car nul ne peut faire la Révolution contre la volonté de la majorité opprimée du Peuple. C’est pourquoi la nécessité d’un long travail de préparation se fait sentir. Notre peuple comme tous les autres est simple mais fier. C’est lui la victime première de toutes les injustices, de toutes les répressions. Mais pris dans la réalité quotidienne, il cherche avant tout à résoudre des difficultés personnelles qui sont sa seule chance de survie. Et dans toute sa simplicité il n’est surtout sensible qu’aux effets. C’est à nous qu’il revient de lui montrer les relations qui existent entre sa Misère et la Richesse des Usiniers, entre Sa Faiblesse-de-cas-particulier et la Puissance des Sociétés Anonymes, entre l’Usure de Ses Muscles et la Prospérité des Banques, entre Son Ignorance et la Domination Culturelle, entre Sa Peur et l’Arrogance du plus petit Fonctionnaire Français... Et quand il aura compris que Richesse-Puissance-Prospérité- Domination-Arrogance n’existe que par Lui Misérable, Lui-tout-seul, Lui-Coutelas, Lui-Houe, Lui-Mains, Lui-Guadeloupéen, quand il l’aura compris, il se saura le seul capable de changer la situation, en un mot, de faire la Révolution. Car c’est lui qui la fera et non les petits arrogants qui camouflent leur incurie derrière des grands mots creux. Quand il l’aura compris, il reconnaîtra sa misère de Monsieur X dans la misère de cent mille Monsieur X, il transformera son égoïsme de Monsieur-X- cultivateur-noir-Capesterrien, en égoïsme de Monsieur-X-ouvrier-mulâtre- Pointois, chômeur-chabin-Basse-Terrien, petit commerçant-indien-Port- Louisien, pêcheur-blanc-Saintois, artisan-rouge-Marie-Galantais multiplié par cent mille. Alors avec lui nous rechercherons les moyens de changer cent mille Misères en cent mille Richesses, cent mille Ignorances en cent mille Connaissances, cent mille Faiblesses en une seule Force, cent mille Muscles en un seul Muscle et cent mille Individus en cent mille Guadeloupéens. C’est notre tâche la plus sacrée. Mais pour la mener à bien, il faut que chacun de nous soit convaincu qu’il fait son devoir et qu’il n’apprend strictement rien au peuple. Qu’il ne fait qu’ordonner, rassembler des éléments connus du peuple mais confusément. Qu’il n’a rien d’un génie et que l’efficacité de son travail sera autant fonction de son comportement que de ses convictions. Pour mener à bien cette tâche, il ne nous faudrait pas diviser notre Pays en Zones Autonomes où chacun est maître chez soi, car agir en ce sens consiste à ramener le problème de tout un Peuple à un problème à soi. Et ce serait de la malhonnêteté politique de convaincre Monsieur-X de l’inefficacité de l’égoïsme quand nous agirions nous-mêmes en ce sens. Pour vous qui avez en commun la Jeunesse, la pureté d’un idéal, le problème Guadeloupéen ne peut se résumer à une question de Commune, de Village, de Ville, de Lycéens et d’analphabètes, de sujets et d’idoles. Il ne peut être question de se faire une réputation dans sa région en spéculant sur la bonne foi et la confiance des gens. Les jeunes qui ne font pas encore victimes de l’avarice, de la mesquinerie, de la démagogie et de la course aux postes ne doivent pas reprendre à leur compte toutes les exactions des laissés-pour-compte de la Guadeloupe. Il nous faut en finir avec cette multitude de Partis, cette diversité de Comités, Mouvements, Associations, Groupes squelettiques qui reflètent plus la pensée de quelques hommes que la volonté d’une classe ou de notre Peuple. Et quand je signalais plus haut que la Révolution n’est pas seulement affaire de textes théoriques mais aussi et surtout pratique de ces textes, c’était en fonction d’une situation donnée. Écrire de belles généralités sur l’Impérialisme et le Colonialisme n’engage à rien tant que ces mots, ces prises de positions ne sont pas concrétisés dans les faits et dans le comportement quotidien. Pour mener à bien cette tâche, chaque jeune honnête doit être convaincu qu’au-delà de ce qu’il fait lui-même, il agit pour le bien de tous les autres, en accord avec tous les autres honnêtes jeunes et pour la Guadeloupe tout entière. Et quand cent jeunes seront décidés à tout donner sans parfois rien recevoir immédiatement, la bataille sera gagnée. Quand cent jeunes seront déterminés à concentrer leur impatience et à s’organiser dans le secret loin des yeux, des oreilles et des mains de ceux-là qui n’ont cessé de prostituer la Guadeloupe dans tous les couloirs, anti- chambres, bureaux et tribunes, la bataille sera gagnée. Pour mener à Bien cette tâche nous devons réapprendre la loi du Silence, le prix de la parole donnée. Nous devons nous pénétrer de l’obstination du pou-de-bois et délaisser la vaine gloriole du bourdon. Nous devons rompre avec le bavardage, les commérages, la vantardise, le désir de justification gratuite, même au risque de perdre des amis vrais ou faux. L’ennemi est nombreux et nous guette. Bien souvent il arrive que dans des conversations les plus anodines nous lui fournissions tous les renseignements dont des camarades ont fait de nous les dépositaires. N’oublions jamais l’exemple de nos ancêtres marrons qui, repris, préféraient se couper la langue entre les dents à trahir leurs camarades de fuite qui avaient choisi la Liberté. Voilà, camarades connus ou inconnus, ce que je devais, ce que je pouvais vous demander : – une rupture nette de l’amateurisme et les éléments ou groupements douteux ;– l’établissement d’un programme sans équivoque ;– la haine de la publicité et d’une légalité trop nocive pour être recherchée ; – l’application de votre programme par un travail à tous les niveaux, dans tous les domaines, de tous les instants ;– un resserrement des liens entre vous-mêmes et avec le Peuple ;– une honnêteté à toutes épreuves dans les esprits qui vous permettra de dépasser la jalousie morbide et les querelles personnelles ;– la conviction sereine bien plus qu’un espoir que notre PATRIE ne pourra être libérée que par nous-mêmes et que nous sommes les garants de la réussite de l’œuvre commencée avec les premiers Nègres marrons poursuivie par DELGRÈS, IGNACE, BÉVILLE, LANCREROT et tant d’autres anonymes. Que leur sacrifice nous soit un exemple de fermeté, d’abnégation et de Courage pour l’Avenir. VIVRE LIBRES OU MOURIR ! NOUS VAINCRONS !
Posted on: Sat, 16 Nov 2013 23:41:28 +0000

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