Pierre Hermé, au-delà du macaron Par Boris Coridian | 27/09 | - TopicsExpress



          

Pierre Hermé, au-delà du macaron Par Boris Coridian | 27/09 | LES ECHOS Il est l’inventeur de la «haute pâtisserie». Grâce à lui, la pâtisserie est entrée dans l’univers du luxe et de la création. Ce pape du macaron moderne est aussi le père de l’ispahan, un best-seller qui fait l’objet d’un livre et d’une collection Fetish en octobre. Christophe Boulze pour « Les Echos Week-end » Christophe Boulze pour « Les Echos Week-end » Les vitrines des pâtissiers sont remplies d’orphelins. Plus personne ne sait qui a donné naissance à l’éclair au chocolat, ni à la religieuse. Seuls quelques grands classiques, comme le baba au rhum (merci Nicolas Stohrer) ou l’opéra (merci Dalloyau), possèdent un arbre généalogique clair. «Aujourd’hui, on sait aussi qui a inventé l’ispahan», explique sans fausse modestie Pierre Hermé, depuis son bureau au premier étage du siège de la maison qui porte son nom. Biscuit macaron, crème aux pétales de roses, framboises et litchis, son gâteau est devenu la valeur étalon du plaisir sucré de la décennie. Et il n’est pas près de se faire oublier. «Quand quelqu’un me parle de mes gâteaux, une fois sur deux, il s’agit de l’ispahan», explique son créateur qui le réinterprète à nouveau, sous forme de tarte, cheesecake, gaufre ou mille-feuille… à l’occasion du Fetish Ispahan dans ses boutiques du monde entier, de Paris à Tokyo, de Dubaï à Hong Kong (du 22 octobre au 8 décembre). Un livre, entièrement dévolu à sa gloire permettra enfin aux fans de tenter l’expérience home made («Ispahan», éditions de La Martinière, sortie courant octobre). Si Pierre Hermé peut se targuer d’avoir mis au monde cette splendeur subtile et d’être reconnu comme le «pape du macaron moderne», il est aussi celui qui a fait entrer la pâtisserie dans une nouvelle dimension. Son nom est devenu une marque de luxe, à l’instar des enseignes de l’avenue Montaigne. La chantilly remplace l’organdi et la crème de citron, l’or jaune. Il a adapté les codes du haut de gamme – communication ciselée, marketing chic, excellence dans la confection, contributions d’artistes de renom – au monde du sucré. La comparaison avec la fashion peut aller plus loin: «Pâtissier est un métier artisanal, mais qui possède une dimension artistique. C’est la même chose chez Chanel, il y a les artisans qui font les robes et il y a Karl Lagerfeld qui est l’artiste. Ce qui me permet de faire le rapprochement, c’est qu’il s’agit du même univers: le luxe.» Pierre Hermé invente, ses équipes exécutent. Mais ne l’appelez pas le «Karl Lagerfeld des macarons», il a trop soupé des surnoms faciles. De l’identité à la marque Pour comprendre le destin de Pierre Hermé, il faut plonger dans le pétrin. Il appartient à une dynastie de quatre générations de pâtissiers qui ont mis les mains à la pâte. Enfant, il traîne souvent dans l’atelier de son père: «C’était le meilleur moyen de passer du temps avec lui. A neuf ans, je savais que je voulais faire ce métier.» Le jeune homme quitte Colmar à quatorze ans pour se rapprocher de son modèle professionnel, Gaston Lenôtre, qui l’accueille comme apprenti à Paris: «Je voyais mon père dans son laboratoire, mais la dimension internationale de Lenôtre m’impressionnait. Je me suis dit “je veux faire ça : la pâtisserie à ce niveau de qualité !”» A-t-il déjà en tête le désir de devenir le numéro 1 ? « Cette ambition était très personnelle et inconsciente, je ne le racontais pas à tout le monde. J’avais une soif d’apprendre, de tout apprendre. Au bout de six mois chez Lenôtre, tout le monde me connaissait. J’étais volontaire, curieux, je me renseignais sur tout. J’étais motivé, passionné », se souvient-il. Son parcours se poursuit chez d’autres grands noms, dont Fauchon où il est chef pâtissier pendant dix ans avant de conseiller Ladurée pendant deux ans. En 1998, Pierre Hermé n’est plus seulement son identité, mais devient sa marque avec une première boutique au Japon. Son retour à Paris date de 2001. Il revient sur la genèse de cette aventure: «Avec Charles Znaty, notre volonté n’était pas d’ouvrir une pâtisserie, mais de créer une marque de luxe, comme il en existait dans le domaine du traiteur, de l’épicerie fine ou de la chocolaterie. On a inventé le terme de “haute pâtisserie”.» En attendant la relève Si au départ, son projet s’inspire beaucoup de l’univers de la mode – on parle de « collections », de « saisons », de « présentations », de « lancements » et pas de carte, de gamme, de produits – Pierre Hermé est rapidement devenu la locomotive d’une nouvelle génération. A cinquante et un ans, il pose un regard sur ses disciples: « J’ai formé de nombreux professionnels parmi ceux que l’on connaît aujourd’hui. Pour moi, transmettre est un état d’esprit. Ce n’est pas simplement: apprendre à travailler. C’est aussi donner une façon d’être, une connaissance du métier, des ingrédients, des techniques. » Lorsqu’on lui demande qui est celui qui incarne le mieux cette filiation, Pierre Hermé n’hésite pas une seconde et cite Frédéric Bau, pourtant inconnu du grand public : « Parmi tous ceux qui ont travaillé avec moi, c’est le plus talentueux. Il a créé et dirigé l’école du grand chocolat chez ­Valhrona. Aujourd’hui, il est directeur de la création. C’est lui qui a inventé le crémeux, cette texture dans les gâteaux, très pommade, souvent chargée en goût.» L’intéressé appréciera le compliment de la part du «parrain» de la profession… Au-delà de ces nouveaux noms façonnés par Pierre Hermé, il a aussi contribué à la valorisation de son métier. Longtemps sous la coupe des chefs de cuisine, les chefs pâtissiers ont obtenu autonomie et responsabilité. «Les cuisiniers nous regardent différemment. Dans les restaurants, il y a maintenant une séparation entre la cuisine et la pâtisserie où le chef pâtissier est autonome. Le rôle du pâtissier est d’avantage reconnu», explique cet érudit de la gastronomie. Si Pierre Hermé parle aisément de son travail, pas facile de percer les mystères de sa personnalité. Le plus simple est d’interroger son ami, le chef Jean-François Piège. «Pierre est une personne qui a toujours la bonne attention. Quand je suis parti du Crillon, il était l’un des rares à m’appeler pour me dire que je pouvais compter sur lui. C’est le signe des vrais amis de savoir qu’ils sont là quand ça va mal», explique le cuisinier qui va ouvrir en novembre prochain une… pâtisserie. «Bien plus modeste que celles de Pierre!» précise immédiatement le cuisinier de la rue Saint-Dominique. Leur rencontre date de 1995 lorsque Jean-François Piège, alors chez Alain Ducasse, avait demandé «d’aller travailler chez celui qui était déjà le meilleur de sa profession». Dix-huit ans plus tard, ils ne sont plus quittés : «Ce qui nous réunit, c’est le plaisir. C’est pour moi, le maître de la pâtisserie aujourd’hui. Il donne le meilleur de lui-même.» A cinquante et un ans, à quoi rêve Pierre Hermé? «J’ai créé cette entreprise pour avoir la liberté de faire ce métier comme j’en ai envie. Notre maison est reconnue comme une maison de luxe, c’était notre but.» Et à quoi ressemble le goût du sucré de la prochaine décennie selon lui ? « Il y a trois ans, Jean-Michel Duriez [nez parfumeur, NDLR] me décrivait l’association des saveurs du parfum Femme de Rochas: rose, pèche, cumin. Tout de suite m’est venu une interprétation sous forme de tarte. Je suis fier de cette association de goûts parfaite. Pâte brisée, crème d’amande à la rose, pêches fraîches bien mûres et sucre au cumin avant et après cuisson. La combinaison est une évidence : ce que j’ai fait de mieux depuis l’ispahan.» Mince, la saison des pêches se termine. Il faudra attendre l’année prochaine pour vérifier. Boris Coridian
Posted on: Fri, 27 Sep 2013 08:54:05 +0000

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