Quelle mouche la piqué ? Ce 3 octobre, François Hollande est en - TopicsExpress



          

Quelle mouche la piqué ? Ce 3 octobre, François Hollande est en visite au Conseil constitutionnel pour les 55 ans de la Ve République. Face à un aréopage danciens ministres, le chef de lÉtat na pas grand-chose à annoncer. Dans son discours de 25 minutes, il a tout de même glissé une petite surprise : un « référendum dinitiative populaire » pour « mieux associer les citoyens à la vie publique ». « Jai demandé au gouvernement de soumettre un projet au Parlement avant la fin de lannée », dit-il. Pourtant, la sortie présidentielle fait immédiatement tousser dans les ministères. Dabord parce quune fois de plus, lÉlysée na prévenu personne. Mais surtout car le fameux référendum, loin dêtre une nouveauté comme le chef de lÉtat a pu le laisser entendre, traîne sur le bureau de lAssemblée nationale et du Sénat depuis trois ans. En réalité, le chef de lÉtat, à court didées de réformes de la Constitution, a juste ressorti des placards un vieux projet de loi de lancienne majorité. Une loi signée de lancien ministre de lintérieur Brice Hortefeux, que François Hollande lui-même navait pas approuvée lorsquil était député et qui, avant la présidentielle, ne satisfaisait pas du tout le PS. « Ce sera bien le texte d’origine présenté en Conseil des ministres le 22 décembre 2010 par la précédente majorité qu’on va faire voter, ce qui permettra son adoption avant la fin de l’année », confirme le jour même de lannonce présidentielle, le ministre des relations avec le Parlement Alain Vidalies, monté seul au créneau pour assurer le délicat service après-vente. Mercredi 30 octobre, députés et sénateurs, qui avaient jusquici quelques points de divergence mineurs, se sont mis daccord lors dune “commission mixte paritaire” sur une dernière version du texte. Le calendrier décrété par François Hollande sera donc respecté : les députés devraient adopter ce texte mercredi 19 novembre. Sauf que le fameux « référendum dinitiative populaire » dont il parle na pas grand-chose de « populaire ». En pratique, il risque dailleurs de ne jamais déboucher sur le moindre référendum, tant les conditions posées sont drastiques (lire ici la dernière version du texte) : il faudra à la fois recueillir laccord de 180 parlementaires et 4,5 millions de signatures… Une fois ces conditions réunies, il faudra par ailleurs que lAssemblée nationale ou le Sénat ne se saisisse pas du tout du sujet dans les six mois. « Cest utopique car il suffira alors quune grande force politique inscrive à lordre du jour dune des Assemblées le sujet sur lequel porte le référendum pour que le président de la République nait pas à le déclencher. Ce dispositif est un faux-semblant, un trompe-lœil », assure à Mediapart le socialiste Jean-Pierre Sueur, le pourtant très modéré président de la commission des Lois du Sénat. Pour bien comprendre, il faut revenir à la révision constitutionnelle de Nicolas Sarkozy en 2008 (la gauche avait voté contre, hormis Jack Lang qui lavait approuvée). Dans la Constitution est insérée, à larticle 11, la possibilité de convoquer un référendum sous certaines conditions très restrictives. À lépoque, cette piste provoque déjà les sarcasmes de lancien garde des Sceaux de François Mitterrand, Robert Badinter, alors sénateur PS : « Qu’est-ce (...) que ce mélange bizarre qui nous est présenté ? (…) L’innovation que l’on nous dépeint comme un progrès de la démocratie directe n’est rien d’autre qu’une construction des plus étranges ! Giraudoux avait raison : l’imagination est la première forme du talent juridique. Ici, elle a simplement pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer sarcastiquement : Vous savez ce que c’est qu’un chameau ? C’est un cheval dessiné par une commission parlementaire. Aujourd’hui, nous avons affaire à un chameau comme, depuis plus de douze ans que je suis sénateur, je crois n’en avoir jamais rencontré. » La réforme de la Constitution votée, la loi nécessaire pour préciser les contours du dispositif tombe dailleurs aux oubliettes. Nicolas Sarkozy (qui se fera dans la dernière ligne droite le chantre dune démocratie directe par référendums qui contournent les « corps intermédiaires ») na alors pas très envie de passer aux actes. Brice Hortefeux finit par présenter un texte au conseil des ministres deux ans plus tard, fin 2010. Il est à nouveau enterré. Jusquen janvier 2012, où il est exhumé et adopté une première fois par lAssemblée nationale. La gauche est très sceptique. Neuf députés PS votent contre, 164 sabstiennent… à commencer par François Hollande. Sur la feuille du vote, celui qui est alors candidat PS à la primaire fait préciser que son abstention nest pas le fruit du hasard, mais bien « volontaire ». Une façon de prendre date. Parmi les autres abstentionnistes : Jean-Marc Ayrault, les ministres Vidalies, Cazeneuve, Delaunay, Fabius, Taubira, Touraine, ou encore lactuel patron des députés PS, Bruno Le Roux. « Il aurait mieux valu parler du droit pour les assemblées d’empêcher la tenue d’un référendum, car elles disposent bien de ce droit. Le risque de frustration démocratique est fort, il est même quasi certain », met alors en garde le socialiste Jean Mallot. Aujourdhui conseiller politique de Jean-Marc Ayrault à Matignon et directeur de cabinet dAlain Vidalies, le voici désormais chargé de faire voter ce texte. En 2012, année de la présidentielle, la loi retombe à nouveau dans loubli. François Hollande, qui a dautres mesures constitutionnelles dans sa besace, nen parle pas dans son programme de candidat. Jusquà ce que la droite, qui souhaite prendre lopinion publique à témoin de son combat contre le mariage pour tous, la remette à lagenda du Sénat fin février 2013 – le Sénat la votera dailleurs à lunanimité, malgré ses insuffisances manifestes. Déminents responsables de la majorité actuelle nont alors pas de mots assez durs pour cette loi bien trop timide et inefficace à leurs yeux. Le sénateur PS Jean-Yves Leconte dénonce l« insignifiance » de cette réforme, qualifiée de « timide » et « timorée ». « Les défauts des textes adoptés par lAssemblée nationale étaient tels que jaurais préféré que nous travaillions sur un autre projet », déplore la garde des Sceaux Christiane Taubira. Elle explique que le texte de Brice Hortefeux, celui-là même que le gouvernement reprend désormais, est un « référendum dinitiative partagée (entre le Parlement et les citoyens - ndlr) et non populaire comme on lentend parfois dire improprement ». Elle affirme même que la loi « relève davantage du droit de pétition que de la voie référendaire ». « La consultation du peuple est tout de même précédée dune course de haies », ajoute-t-elle à lintention des élus de lUMP. Et pour cause ! Il faut dabord une proposition de loi référendaire signée par au moins 180 parlementaires (un cinquième des députés et sénateurs). Elle doit être validée ensuite par le Conseil constitutionnel car les questions de société ne peuvent par exemple pas être soumises à référendum. Ensuite, 4,5 millions délecteurs (soit 10 % du corps électoral) doivent la signer, sur Internet ou dans leur mairie. Puis le Conseil constitutionnel doit vérifier les signatures. Pour que le chef de lÉtat convoque un référendum, il faut une dernière condition : que ni lAssemblée ni le Sénat naient examiné le texte sous les six mois, même de façon partielle. On est donc très loin du référendum dinitiative populaire, surtout si lon compare avec les dispositifs existant en Suisse, le pays des votations citoyennes, en Italie ou en Belgique, où le parcours est moins compliqué, le nombre de signatures nécessaires étant moins élevé, et où certaines lois peuvent parfois être révoquées par référendum. « En fait, si on souhaite introduire un vrai référendum dinitiative populaire, il ny a quune solution : changer la Constitution », explique Jean-Pierre Sueur. Or François Hollande, faute dune majorité des 3/5es au Congrès, a renoncé à toutes les réformes constitutionnelles quil avait promises. Et par ailleurs, il ne souhaite pas convoquer un référendum constitutionnel, lautre outil qui permettrait de modifier la loi fondamentale. On est bien loin des propositions réformatrices de la gauche quand elle était dans lopposition. « Ne soyons ni timorés ni réticents, contrairement à la droite », disait le 2 février 2011 au forum du PS sur les institutions la première secrétaire du PS, Martine Aubry, retirée depuis la victoire de François Hollande sur son Aventin lillois. Le texte qui en était sorti proposait même de créer un véritable « droit dinitiative populaire » : « Toute demande de débat soutenue par au moins un million de pétitionnaires doit faire lobjet dune discussion et dun vote au Parlement », indiquait alors le parti socialiste . Depuis, la promesse est tombée aux oubliettes. sources MEDIAPART 7/11/13
Posted on: Thu, 07 Nov 2013 06:24:23 +0000

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